Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Devrait-on interdire la cigarette électronique?

Les premiers cas de maladies pulmonaires sévères liées au vapotage recensés au Canada ne sont que la pointe de l'iceberg, selon le pédiatre Nicholas Chadi.
sestovic via Getty Images

Les mauvaises nouvelles s’accumulent depuis quelques semaines pour les adeptes de la cigarette électronique. Après des centaines de cas aux États-Unis, puis un en Ontario, il y a deux semaines, ce fut au tour du Québec, la semaine dernière, de déclarer un premier cas de maladie pulmonaire sévère liée au vapotage.

Le ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec a même tenu à rappeler par communiqué que «le vapotage n’est pas sans risque et [que] ses effets à long terme ne sont pas encore connus». Pendant ce temps, le Massachusetts a annoncé l’interdiction totale de ce type de produits pour les quatre prochains mois. La Ville de San Francisco avait déjà adopté une mesure semblable au mois de juin. Devrait-on faire la même chose au Québec, en attendant d’avoir plus d’études fiables sur le sujet? Pas nécessairement, selon deux experts interrogés par le HuffPost Québec.

Ce qu’on sait jusqu’à maintenant

La majorité des personnes victimes de ces maladies pulmonaires sévères consommaient des cartouches de cigarette électronique achetées sur le web. En fait, selon le Centre de contrôle et de prévention des maladies, qui a fait une petite enquête sur la question aux États-Unis, 87% de ceux qui ont eu des symptômes graves avaient consommé des cartouches de THC (une composante du cannabis) achetées sur Internet. Cela a ensuite causé une réaction inflammatoire à leurs poumons, qui a détruit certains tissus. Certains en gardent des séquelles après leur séjour à l’hôpital.

«On soupçonne que l’acétate de vitamine E, utilisée pour épaissir l’huile de cannabis, soit à l’origine des maladies», explique Gérald J. Zagury, professeur à Polytechnique Montréal et expert en évaluation de l’exposition aux substances chimiques, qui agit aussi à titre de consultant pour Vaporus, une entreprise québécoise qui fabrique des liquides de vapotage.

Ces premiers cas au Canada ne sont que la pointe de l’iceberg, selon le Dr Nicholas Chadi, pédiatre au CHU Sainte-Justine et clinicien-chercheur spécialisé en médecine de l’adolescence et toxicomanie. Il travaille d’ailleurs en ce moment à l’élaboration d’un sondage à ce sujet qui sera lancé la semaine prochaine, en collaboration avec Santé Canada et l’Agence de santé publique du Canada, qui visera à répertorier tous les cas de maladies et de blessures attribuables à la cigarette électronique.

Le vapotage connaît une hausse de popularité fulgurante chez les jeunes, selon le Dr Nicholas Chadi.
sestovic via Getty Images
Le vapotage connaît une hausse de popularité fulgurante chez les jeunes, selon le Dr Nicholas Chadi.

«Le vapotage connaît une hausse de popularité fulgurante, on n’a jamais vu ça, surtout chez les jeunes, déplore-t-il. Dans la dernière année, on a noté une augmentation de 75% chez les adolescents et les jeunes adultes.»

C’est un phénomène très inquiétant, selon lui, puisqu’on ne connaît pas encore beaucoup de choses sur le vapotage, en particulier ses effets à long terme.

Une interdiction: pas la solution

Pourtant, Nicholas Chadi est sûr d’une chose: bannir la cigarette électronique ne ferait qu’empirer le problème.

«Ce ne serait pas un moyen efficace de réagir aux cas de maladies pulmonaires, parce que de toute façon, ce sont les produits du marché noir qui sont pointés du doigt. Donc ce serait pousser les gens vers le marché noir.»

Gérald J. Zagury est du même avis. Surtout que cela pourrait aussi encourager les utilisateurs à retourner vers la bonne vieille cigarette.

Toutefois, le Dr Chadi croit qu’interdire les arômes dans les liquides de vapotage («des saveurs bonbons») pourrait être une bonne piste de solution, puisque cela attire beaucoup de jeunes non-fumeurs.

Un bon moyen d’arrêter de fumer?

«On ne peut pas affirmer que la cigarette électronique est sans risque à long terme, admet Gérald J. Zagury. On ne conseillerait pas à des non-fumeurs ou à des jeunes de l’utiliser. Par contre, pour un fumeur qui veut l’utiliser comme un moyen de cesser de fumer, c’est clair que ça va être moins nocif.»

Le professeur à Polytechnique Montréal précise que la fumée des produits de vapotage contrôlés contiennent beaucoup moins de produits chimiques que la cigarette traditionnelle, qui, elle, en contient «plusieurs milliers, dont 70 sont reconnus cancérogènes».

Erik Jonsson / EyeEm via Getty Images

En comparaison, «les liquides de vapotage de qualité, fabriqués dans des laboratoires réglementés et contrôlés, contiennent de la nicotine, du propylène glycole, de la glycérine végétale et des arômes», ajoute M. Zagury.

Le Dr Nicholas Chadi, de son côté, appelle à la prudence.

«Effectivement, les cigarettes électroniques contiennent moins de produits chimiques que la cigarette. On pense que le risque de développer un cancer est moins grand, mais tout cela reste des hypothèses... parce que ça fait juste 10-15 ans que ça existe. Il faut y aller avec prudence.»

Selon le pédiatre, il existe d’autres moyens plus efficaces pour arrêter de fumer, comme les fameuses patchs, la gomme ou certains médicaments.

«J’en ai vu, des jeunes qui sont accros au vapotage et qui veulent arrêter. C’est plus facile de trouver des cigarettes électroniques que des cigarettes traditionnelles», déplore-t-il.

«Et les jeunes qui vapotent vont avoir tendance à se tourner vers d’autres substances», ajoute-t-il.

En attendant, on fait quoi?

Pour l’instant, le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) du Québec conseille de surveiller l’apparition de symptômes tels que la toux, l’essoufflement, la fatigue, la diarrhée, le vomissement et les douleurs à la poitrine. Le directeur national de santé publique du Québec n’était pas disponible pour une entrevue avec le HuffPost Québec. Mais lors d’un point de presse vendredi dernier, le Dr Horracio Arruda a mentionné que la province n’en est pas rendue à interdire la cigarette électronique.

«Si à la lumière des données probantes la situation l’exige, les mesures d’encadrement nécessaires seront prises», a précisé par courriel Marie-Claude Lacasse, responsable des relations avec les médias pour le MSSS.

En attendant qu’on bannisse les arômes, comme le souhaiterait le Dr Chadi, ou qu’on vende les produits de vapotage seulement dans des boutiques spécialisées, comme le propose Gérald J. Zagury, on peut au moins aborder le sujet avec nos jeunes.

«Comme parents, on doit avoir des conversations ouvertes à propos de ça avec nos adolescents, insiste le Dr Chadi. C’est important de leur demander s’ils ont vapoté ou s’ils ont des amis qui le font, et de leur expliquer à quel point ça peut être dangereux. Et s’ils sont accros au vapotage, ils ont besoin d’aide. On doit leur offrir des ressources, leur permettre de parler à un médecin ou à une infirmière à l’école.»

À voir aussi: les États-Unis déclarent la guerre au vapotage

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.