Deux petits traits roses sur un morceau de plastique. Et soudain, la vie qui prend un virage à 180 degrés. Les rendez-vous chez la gynécologue, l’annonce à la famille, les séances de «brainstorming» pour trouver un prénom. Et cette question, surtout. Cette question immense, qui attrape l’estomac: «Serai-je à la hauteur? Serai-je un bon papa?»
On peut s’y préparer. Lire des ouvrages spécialisés, écouter des podcasts, regarder des émissions de télé. On peut suivre les cours à la maternité, tous les cours, assidument, tel un bon élève qui révise pour les examens finaux. On peut se projeter, avec toute la force de l’imagination. Regarder le berceau vide, et poser son bébé à l’intérieur, par la pensée. Imaginer ses petits doigts, ses gazouillis, son bonnet pour lui tenir chaud. On peut avaler des ouvrages d’éducation positive, appeler un à un ses potes papas, discuter des heures avec son propre père. On peut regarder son reflet dans la glace, genre Rocky qui se met des baffes pour s’encourager: «Tu vas le faire, mon grand! Tu vas être un super papa! Même pas crevé en plus!»
On peut faire tout cela, oui. Mais, quand le réel déferle, on est toujours pris de court.
Je m’attendais à tout, sauf à…
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Je m’attendais à être impressionné par l’accouchement. Je n’ai pas été impressionné: j’ai été secoué, ébranlé, bouleversé. Sexe faible? ils disent. Non, sexe fort. Fragile, mais fort. Incroyablement fort.
Je m’attendais à être fatigué. Mais pas à ressembler à un zombie, après quinze mois sans une seule nuit complète.
Je m’attendais à moins sortir. Je ne sors plus. Et ce n’est pas à cause du confinement.
Je m’attendais à regretter ma liberté, mes jeunes années, mon insouciance. Je ne regrette rien, j’ai trop gagné en échange.
Je m’attendais à lire des histoires. Pas à connaître toute la collection des T’choupi par cœur.
Je m’attendais à développer ma patience. Pas à devenir un Maître Zen quand ma fille me jette son assiette à la figure.
Je m’attendais à galérer. Prendre le métro avec une poussette n’est pas une galère: c’est une mission commando.
Je m’attendais à m’émerveiller. Pas à contempler ses pieds, matin et soir, comme si c’était la chapelle Sixtine.
Je m’attendais à être fier. Le jour où elle a dit «papa» pour la première fois, je me suis envolé par la fenêtre, j’ai fait trois fois le tour du monde, j’ai planté un drapeau sur la lune, et puis je suis revenu. Histoire vraie.
Je m’attendais à avoir peur. J’ai découvert la peur. Le jour où ma fille a arrêté de respirer et est devenue bleue.
L’amour avant et après mon enfant
Je m’attendais à aimer. J’ai redécouvert l’amour. Le jour où ma fille est née. Un amour inconditionnel, viscéral, absolu.
Je m’attendais à courir. Mais pas pour aller aux urgences, après avoir cogné la tête de ma fille dans un panneau «STOP».
Je m’attendais à être gaga. Mais pas à renifler sa doudou quand elle n’est pas là, à m’extasier pour un caca, à chanter pendant 5 heures la même comptine dans la voiture («1671 éléphants qui se balançaient…»).
Je suis devenu papa. Et, vraiment, je ne m’attendais pas à ça.
Ce texte a été publié originalement sur le HuffPost France.