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Faire le deuil d’un bébé, encore plus compliqué en confinement

Catherine Thibault, qui a perdu sa fille de huit jours en mars, juge que la COVID-19 a «volé une partie de [s]on deuil, à tout jamais».

Le 13 mars dernier, le Québec déclarait l’état d’urgence sanitaire en raison de la crise de la COVID-19. Mais Catherine Thibault, elle, vivait une autre crise: elle disait adieu à sa deuxième fille, Charlotte, née huit jours plus tôt avec une grave malformation cardiaque.

Vivre un deuil périnatal est une expérience éprouvante, peu importe le contexte. Mais la pandémie est venue rajouter «une couche de plus d’émotions à gérer» pour les parents comme Catherine et son conjoint, Jean-Gabriel Fortin.

«Ça met bien des choses sur pause», confie Catherine. «Ça m’a fâchée de ne pas pouvoir aller prendre un café avec mes amies et pleurer ma vie, leur montrer des photos, leur dire comment elle était belle et parfaite...»

Malgré l’épreuve qu’il traverse, le couple s’estime «très, très chanceux» que Charlotte soit née avant que les hôpitaux n’interdisent les visites en raison de la pandémie. «On a pu faire tout ce qu’on voulait avec Charlotte à l’hôpital», raconte Catherine. «Tout le monde est venu la voir, notre famille est venue la voir. Pour ça, je remercie le ciel qu’elle soit née juste avant la crise.»

Catherine Thibault estime que la COVID-19 lui a «volé» une partie de son deuil.
Michaëlle Charette
Catherine Thibault estime que la COVID-19 lui a «volé» une partie de son deuil.

Au cours des deux derniers mois, plusieurs parents n’ont pas eu la possibilité d’être accompagnés de leur proche lorsqu’ils ont dû dire adieu à un bébé. Une situation qui vient compliquer un deuil déjà très particulier, explique Julie Brisson, présidente de l’association Parents orphelins et elle-même «mam’ange» de deux garçons.

«Si la famille immédiate ne peut pas aller visiter, c’est encore plus intangible [pour les proches]», souligne-t-elle. «S’il y a juste toi qui a vu ton enfant, quand tu reviens dans ta famille, il y a comme un décalage.»

Même en temps normal, il peut être difficile pour les parents qui vivent un deuil périnatal de briser leur isolement. «Quand tu vis ce deuil-là, tu as déjà à t’isoler. Le confinement vient créer un double isolement.»

Forcée de suspendre ses cafés-causeries à l’Hôpital Notre-Dame à cause du coronavirus, l’association Parents orphelins a dû adapter son offre de services, en organisant notamment des cafés virtuels pour les parents endeuillés.

Mme Brisson est agréablement surprise du succès de l’initiative. «Ce n’est pas la même chose, mais on a quand même réussi à se créer une petite bulle pour jaser.»

Des ressources insuffisantes

Même avant la pandémie, les ressources pour personnes en deuil (périnatal ou autre) manquaient cruellement de financement, déplore Julie Brisson. La COVID-19 n’aura fait qu’aggraver la situation déjà précaire de certaines organisations.

«Avec la crise, toutes nos activités de collectes de fonds sont à zéro. On tient ça à bout de bras en tant que bénévoles», se désole-t-elle.

Même dans le réseau public, l’accès aux ressources psychosociales semble plus difficile depuis le début de la pandémie. Sur les groupes Facebook dédiés aux parents qui vivent un deuil périnatal, plusieurs mamans se plaignent d’être incapables d’obtenir un suivi.

Catherine et Jean-Gabriel, quant à eux, se sont fait dire qu’ils étaient «chanceux» d’avoir des suivis téléphoniques hebdomadaires avec une psychologue de leur CLSC.

Un constat auquel fait écho Julie Brisson. «Ça a l’air beaucoup plus compliqué d’obtenir un rendez-vous, même au téléphone», affirme-t-elle. «Et il n’y a plus aucun groupe de soutien en personne.»

Avant la crise sanitaire, les bénévoles de la fondation Portraits d'étincelles se rendaient dans les hôpitaux du Québec pour offrir aux familles endeuillées des photos professionnelles de leur enfant.
Martine Gendron/Portraits d'étincelles
Avant la crise sanitaire, les bénévoles de la fondation Portraits d'étincelles se rendaient dans les hôpitaux du Québec pour offrir aux familles endeuillées des photos professionnelles de leur enfant.

D’autres services de soutien ont également dû s’adapter à la réalité de la COVID-19, comme la fondation Portraits d’étincelles, qui offre gratuitement aux parents endeuillés des photos professionnelles de leur enfant. L’organisme n’est plus en mesure d’envoyer ses bénévoles dans les hôpitaux, mais propose toujours de retoucher sans frais les photos prises par les parents ou le personnel infirmier, par exemple.

Et ces images peuvent faire une grande différence pour les familles, selon Martine Gendron, photographe et membre fondatrice de Portraits d’étincelles. «Quand ça arrive, c’est un peu irréel de revenir à la maison les bras vides, la bédaine vide», souligne-t-elle. «La famille ne comprend pas trop. Ces photos-là vont leur permettre de rencontrer le bébé et de s’en souvenir.»

Lorsqu’ils reçoivent des photos, les bénévoles de la fondation les retouchent pour qu’on ne voit pas de sang ou d’appareils médicaux, par exemple. «Les gens sont fiers de mettre ces photos-là sur leur mur, de les montrer à leurs proches», explique Mme Grenon avec fierté.

«Avant vous saviez pourquoi je pleurais, maintenant vous savez pour qui.» C'est le slogan de la fondation Portraits d'étincelles.
Martine Gendron/Fondation Portraits d'étincelles
«Avant vous saviez pourquoi je pleurais, maintenant vous savez pour qui.» C'est le slogan de la fondation Portraits d'étincelles.

Catherine et Jean-Gabriel, eux, chérissent les photos de Charlotte prises par un ami photographe en attendant de pouvoir se réunir avec leurs proches pour rendre un dernier hommage à leur «étoile filante». «C’est une page qu’on ne peut pas tourner encore et c’est difficile», laisse tomber Catherine.

En attendant, elle rend hommage à Charlotte en réalisant un vieux rêve. Elle lancera à la mi-juin sa propre friperie pour enfants, Flo-Flo&Charlotte, nommée en l’honneur de ses deux filles.

«Charlotte m’a donné le courage de le faire. C’est une façon de lui rendre hommage», dit-elle. «Elle va toujours exister, elle va toujours rester dans mon coeur. Mais c’est une façon de dire au monde entier: j’ai deux filles.»

Julie Brisson a participé à une série documentaire du CHU Sainte-Justine sur le deuil périnatal intitulée Revenir les bras vides. Vous pouvez voir toutes les capsules sur le site Web de l’hôpital.

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