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Des choses remarquables, ensemble

On me demande tous les jours ce que je veux faire quand je serai «grande». J'essaye de me convaincre que je le sais. Le plus souvent, je réponds d'emblée «santé publique». Ça attire les regards. On connait peu.
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On me demande tous les jours ce que je veux faire quand je serai «grande». J'essaye de me convaincre que je le sais. Le plus souvent, je réponds d'emblée «santé publique». Ça attire les regards. On connait peu.

Parfois, on se satisfait de la réponse. D'autres fois, on demande plus. Et mon explication peut être longue. C'est un chemin un peu dangereux, que de me demander ce que je veux accomplir de ma vie.

Je n'ai même pas 25 ans. J'ai passé les cinq dernières années dans un programme qui m'a mis sur un chemin bien défini, pour me sortir toute prête à intégrer le système de santé du Québec. On m'en a appris des affaires. Beaucoup de détails, bien souvent. Un peu de jugement. On me forme pour devenir un médecin qui traitera, qui soignera, qui écoutera.

Mais ça ne me suffit pas, bien honnêtement. Parce qu'être médecin dans un système complexe, ça requiert plus. Surtout par les temps qui courent, où on doit agir en superhéros, tout en absorbant coups après coup. Je vais défendre la profession que j'ai choisie un peu au hasard, parce qu'elle est belle. Je vais la défendre, parce qu'on ne le fait pas assez aujourd'hui.

J'ai rencontré les êtres les plus dévoués dans les hôpitaux et les cliniques. Ceux qui vont regarder les laboratoires de leur patient un samedi matin. Ceux qui vont publier des études dans l'objectif d'en aider plus qu'un. Ceux qui vont sauter des anniversaires, des mariages, des fêtes, parce qu'un de leurs patients ne va vraiment pas bien. Ceux qui seront là du début à la fin. Ceux qui vont vous parler de vignobles, de hockey et d'œuvres artistiques en même temps que de jouer dans le ventre d'un patient. Des gens incroyables, des doués, des présents.

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Au Québec, j'ai l'impression qu'on a tendance à prendre pour acquis. À ne pas entretenir nos succès. À ne pas s'enrichir de notre génie. On sème la pagaille parce qu'on aime balancer ses idées ici et là. Sans porter le poids de sa parole. Mais on fait de belles choses. Qu'on peut améliorer, certes. Mais qui sont belles.

On parle du système de santé comme si c'était une honte. Alors que tous les jours, on y réalise des miracles. On ramène la vie. On repousse la science. On déjoue les pronostics. Ça ne tient pas du hasard. Ça vient d'années d'expertise, d'innovation, de création. De collaboration entre des milliers de professionnels de la santé qui ont mis l'intérêt d'autrui au-devant.

On a poussé la machine à bout. Sans l'entretenir ni nourrir son personnel de façon adéquate. Au détriment de la confiance et de l'espoir.

Le débat actuel sur les soins de santé au Québec me brise le cœur. Parce qu'on ne s'écoute pas. On se met à dos. On défend ardemment son propre morceau seulement. Sans réel dialogue. Sans désir vrai de régler les «choses». On se vide le cœur. On pointe du doigt. On accuse. On blâme. Et tous écopent.

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Je n'ai pas de solutions miracles. Et ça serait un peu arrogant de ma part d'y prétendre. D'ailleurs je ne crois pas qu'elles existent. Des problèmes comme ça en ont rarement. Sinon, ça fait longtemps qu'on les aurait trouvées et appliquées. Enfin, j'ose croire que.

Mais l'avantage des problèmes complexes, c'est que les possibilités et opportunités sont là par milliers. Les pistes de solutions ne manqueront jamais. On peut faire mieux de tellement de façons. On peut se mettre dix paires de lunettes différentes, et regarder d'autant d'angles. Se réinventer. Se questionner. S'enrichir les uns des autres.

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Parfois, j'ai le goût de plus. De différent. De systèmes. De concepts plus larges. De mélanger mes idées. De brasser mes convictions. D'être appelée à débattre, défendre des propositions, parler des enjeux collectifs sensibles. De pouvoir être le médecin de tout le monde, pour de vrai. De la Terre, de la ville, de l'espace commun, du sauvage. Au-delà des hôpitaux. Au-delà des cliniques. Au-delà des bruits des machines.

Parfois, je le goût d'autre chose. D'arrêter de tout séparer tout le temps. De faire rebondir les questions dans des pots bien définis, mais mal polis. De prendre le temps de se parler. D'être ouvert aux autres. De faire quelque chose de beau. De regarder des ensembles.

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Je ne sais pas encore ce que je veux faire de ma vie. Je vous le dirai quand j'aurai 92 ans. Peut-être que là, j'aurai une réponse plus claire pour vous. D'ici là, faisons des choses remarquables. Ensemble.

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