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Ne vous faites pas avoir par le terme «dermocosmétique»

Un dermocosmétique, c'est avant tout un formidable concept marketing... Tout le monde en parle... Mais personne n'est capable d'en donner une définition précise. Et pour cause: le dermocosmétique n'est pas défini légalement.
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Un dermocosmétique, c'est avant tout un formidable concept marketing... Tout le monde en parle... Mais personne n'est capable d'en donner une définition précise. Et pour cause: le dermocosmétique n'est pas défini légalement.

Cette catégorie de cosmétiques née de l'imagination du pharmacien Pierre Fabre est totalement absente des 151 pages du Règlement (CE) N°1223/2009, la bible de tout service réglementaire. Vous n'y trouverez aucune définition du dermocosmétique. IL n'en reste pas moins un concept marketing qui a tellement bien fonctionné que le terme est passé dans le langage courant, sans pour autant que l'on sache exactement ce qu'il sous-entend. En un seul mot ou en deux mots, l'orthographe variant au gré des sociétés et des sites qui y font référence, le dermocosmétique est présenté comme une innovation utile, presque une panacée. Qu'en est-il vraiment?

"Conseil pharmaceutique"

En toute transparence et en poursuivant l'œuvre de leur fondateur, les laboratoires dermatologiques Avène du groupe Pierre Fabre proposent sur leur site Internet dans un lexique et à la lettre D les éléments suivants: "Dermo-cosmétique - Il n'existe pas de définition légale des produits de dermo-cosmétique. Les produits cosmétiques répondent en raison de leur technicité et de leur qualité à un problème particulier de peau ou de cheveu. Ils appartiennent, pour la plupart, à la catégorie des produits de 'conseil pharmaceutique' et font parfois l'objet d'une recommandation de la part de médecins de type dermatologues, auprès de leurs patients".

Le groupe L'Oréal, quant à lui, propose sa propre définition. Selon ce groupe:

La dermo-cosmétique représente les produits qui répondent à des attentes spécifiques des peaux en alliant sécurité et efficacité et faisant l'objet d'une recommandation de la part des professionnels de la santé (médecins dermatologues, pédiatres, médecins esthétiques et pharmaciens). Traditionnellement, la distribution de ces produits se fait dans les circuits de distribution de la santé c'est-à-dire les pharmacies, les parapharmacies, les drugstores, les cabinets médicaux ou les « médispas ».

Cela laisse supposer au consommateur que les dermocosmétiques sont destinés aux sujets souffrant de pathologies cutanées (c'est ce que nous entendons par l'expression "attentes spécifiques") et sont plus fiables que les cosmétiques vendus hors circuit médical.

Le même groupe tente une seconde définition, dans un glossaire mis en ligne sur le site des laboratoires de La Roche Posay. "Un produit dermocosmétique s'applique localement sur la peau, le cuir chevelu et les cheveux. Il conjugue une action cosmétique et dermatologique. Les soins dermocosmétiques sont formulés pour préserver la santé et la beauté de la peau et des cheveux. Ils aident à hydrater les peaux sèches, traiter un état pelliculaire, soulager le psoriasis."...

Cedrick Ledesma/Flickr, CC BY-NC-SA

La dermatologie est la branche de la médecine qui s'intéresse aux pathologies à manifestations cutanées; le dermocosmétique, comme n'importe quel autre cosmétique, ne peut aucunement exercer d'action dermatologique. La définition légale du cosmétique (Chapitre I - article 2 du Règlement (CE) N°1223/2009) précise le lieu où il peut être appliqué et l'action qu'il peut exercer. Il n'est nullement fait mention d'une quelconque action dermatologique. Cette définition, propre à la marque, vise à induire le professionnel de santé en erreur en lui faisant croire que le dermocosmétique est une entité particulière, reconnue à part entière par le législateur et/ou les autorités de santé.

Enfin, toujours pour examiner la stratégie du leader mondial des cosmétiques dans ce domaine, notons que pour se démarquer de ses concurrents, L'Oréal a baptisé "Division cosmétique active", l'ensemble des marques du groupe vendues en pharmacie (Vichy, La Roche Posay, Skinceuticals, Roger&Gallet et Sanoflore). "La Division Cosmétique Active répond aux besoins des peaux 'frontières', à mi-chemin entre 'peaux saines et peaux à problèmes', dans tous les circuits de santé du monde entier: pharmacies, parapharmacies, drugstores, 'médispas'".

L'évocation des "peaux à mi-chemin entre peaux saines et peaux à problèmes" peut faire sourire, relevant du concept évoqué par Jules Romains dans son ouvrage, Knock ou le triomphe de la médecine: "Les gens bien portants sont des malades qui s'ignorent". La médecine rationnelle n'obéissant qu'à la loi du "tout ou rien", une peau sera saine ou ne le sera point ! Pas de mi-chemin possible! L'Oréal n'a cependant pas le monopole dans le domaine de la dermo-cosmétique dite active, en sont témoins, par exemple, les Laboratoires Dr Pierre Ricaud, du groupe Yves Rocher.

Les dermocosmétiques sont-ils meilleurs que les autres?

Il est impossible de déclarer péremptoirement qu'un dermocosmétique est meilleur qu'un cosmétique. Il convient d'étudier scrupuleusement sa composition pour se faire une idée de son de son innocuité d'une part, de son efficacité d'autre part.

En ce qui concerne le domaine de la protection solaire, la comparaison des ingrédients utilisés permet de se faire une idée de la qualité des produits en question. A la lecture des listes d'ingrédients apposées sur les emballages de deux cosmétiques, Nivea Sun spray protecteur hydratant 5O+ et Eucerin Sun spray 50+ (ce dernier étant le dermocosmétique), on se rend compte que les compositions sont totalement similaires... Les huit filtres utilisés sont exactement les mêmes. Les dix premiers ingrédients sont strictement identiques. La liste des ingrédients est plus longue côté cosmétique vendu en grande surface car le parfum est source de nombreux allergènes (listés comme le veut la réglementation). Les deux produits renferment de l'alcool, en quantité non négligeable ce qui est regrettable. La différence entre ces deux cosmétiques semble donc bien mince...

La même analyse peut être faite dans d'autres domaines. Si l'on compare des produits d'hygiène (shampooings, eaux micellaires...) en fonction du créneau de vente, on constatera que les compositions sont parfois extrêmement similaires, voire carrément copier-coller.

L'atout certain des laboratoires pharmaceutiques qui commercialisent des dermocosmétiques réside dans leur rigueur et leur capacité à respecter les Bonnes Pratiques de Fabrication qu'ils connaissent depuis longtemps et appliquent dans le cadre de la fabrication des médicaments. Une excellente technicité peut leur être reconnue. L'appellation dermocosmétique ne constitue pas pour autant un blanc-seing. L'analyse des ingrédients utilisés doit toujours prévaloir sur l'argumentaire marketing, aussi séduisant soit-il.

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

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