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Les dérives idéologiques du mouvement « L’École ensemble »

Il est, je crois, objectivement impossible de considérer notre système comme étant juste et équitable.
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Le débat sur la place du privé dans notre système d'éducation est légitime en soi. Cependant, quand il est question de mettre fin à la ségrégation scolaire, certains groupes, obnubilés par leurs positions idéologiques, évitent de s'attaquer aux causes réelles du problème. Pire encore, leurs mesures proposées pourraient avoir les effets inverses sur qu'ils tendent de régler.

J'aime beaucoup le mouvement « L'École ensemble » et la nouvelle vidéo récemment ajoutée illustre bien les deux problèmes de notre système d'éducation actuel : le financement et la sélection des élèves. Cette vidéo est en fait un résumé de leurs positions alors :

On pardonnera que le mouvement utilise une donnée controversée comme l'obtention du diplôme sur 5 ans pour illustrer l'iniquité de notre système.

On pardonnera qu'il fait des généralisations hasardeuses dans ses comparaisons entre les systèmes ontarien et québécois. Les pourcentages de fréquentation de l'école publique/privée, les spécificités du système ontarien, les facteurs historiques, etc. Bref, on mélange des statistiques et on affirme sans nuancer ce qui devrait l'être dans le but d'offrir un terrible portrait.

On pardonnera, alors que le mouvement semble glorifier le système ontarien pour son équité, l'absence de mention de la ségrégation opérée en Ontario avec la sélection des élèves dans plusieurs programmes publics (comme au Québec)

On leur pardonnera qu'il ne rappelle pas que plusieurs écoles publiques en Ontario exigent des frais supplémentaires (comme au Québec).

Finalement, on pardonnera aussi qu'il ne mentionne pas l'importante discrimination de ce système en fonction de la religion.

On pardonnera, dis-je, car malgré cette comparaison boiteuse, notre système porte effectivement en lui les germes de l'iniquité où la ségrégation entre les étudiants est bien réelle. Il est, je crois, objectivement impossible de considérer notre système comme étant juste et équitable — du moins dans l'absolu. Le problème réside dans la portée que l'on donne aux termes de justice et d'équité, par conséquent, les solutions proposées diffèrent. En fait, je dis le problème, mais honnêtement, en ce qui me concerne, je parle sensiblement le même langage que « L'école ensemble » donc ce n'est pas ici qu'il y a un différend.

Alors, si le constat est bon et que nous parlons le même langage : où est le problème ?

Le financement privé tel qu'il est développé n'est pas la source des problèmes d'équité, de justice, de ségrégation scolaire, de taux de diplomation. Surpris ?

Il réside dans la mauvaise identification de ce qui cause cette iniquité. Le financement privé tel qu'il est développé n'est pas la source des problèmes d'équité, de justice, de ségrégation scolaire, de taux de diplomation, etc. Surpris ? Pourtant si vous avez lu le Rapport sur l'état et les besoins de l'éducation 2014-2016 cela ne devrait pas vous étonner... Ce n'est pas pour rien que le Conseil Supérieur en Éducation ne recommande pas la fin du financement du privé, même s'il le mentionne dans l'un de ses trois scénarios — qu'il ne favorise clairement pas. Ce Rapport, que peu semblent avoir lu dans son entier, mais que tout le monde cite — un peu comme À la recherche du temps perdu de Proust, devrait être relu par certains.

Même si ce n'est pas le financement public du privé qui est au cœur du problème quand on parle de ségrégation scolaire, le privé contribue fortement à celui-ci par la sélection, qu'il opère, fondée sur l'argent et/ou les résultats académiques. C'est son caractère non accessible qui est scandaleux et non son trop grand financement public — quoiqu'il est certain qu'en additionnant ces deux éléments, il y a malaise. Cette accessibilité déficiente n'est aussi que trop présente au public. En effet, celui-ci est entré dans une logique de marché pour rivaliser avec l'attrait du privé (qui est en progression pratiquement dans toutes les provinces). Par conséquent, nous voyons l'explosion de programmes aux frais de plus en plus élevés avec une sélection sans cesse grandissante des élèves dans un secteur pourtant public. Alors, spécificité québécoise liée à notre système finançant trop généreusement le privé ? Non. De plus, la disparité des ressources entre les établissements est aussi un facteur important d'iniquité et encore une fois, autant le privé que le public contribuent à ce phénomène. La ségrégation scolaire est directement liée au manque d'accessibilité de certaines ressources pour des jeunes qui en ont grandement besoin et c'est sur celle-ci que l'on peut intervenir, en fait que l'on doit intervenir.

Le débat sur l'existence du privé est en lui-même tout à fait légitime, mais relève de considérations idéologiques. La question du financement du privé quant à elle, venant après le premier débat, concerne la place que nous sommes prêts à donner à ce modèle d'écoles indépendantes. Je me suis clairement positionné dans un précédent papier en faveur d'un modèle inclusif financé à 100 % par l'État. Alors que d'autres (on pense aux mouvements « L'École ensemble et Québec solidaire ») proposent un modèle d'exclusion et d'exclusivité réservée à une élite économique, comme c'est le cas dans une bonne partie des pays et provinces aux disparités sociales plus importantes que le Québec.

C'est sur la question de l'égale accessibilité aux ressources et la disparité entre celles-ci, autant au public qu'au privé, que devrait se situer les interventions du mouvement « L'École ensemble » et ainsi contribuer à mettre fin à la ségrégation dans notre système et de facto à une iniquité flagrante. Au lieu de cela, le mouvement, prisonnier d'une posture idéologique opposant le public et le privé, s'attaque à la mauvaise cible au regard du problème soulevé. Encore une fois, la solution à l'enjeu de l'égalité des chances ne doit pas se faire à la pièce et doit s'inscrire dans un cadre beaucoup plus holistique.

Je dois cependant souligner, n'oubliez pas que j'ai dit que j'aimais ce mouvement, que celui-ci fait mouche en demandant la fin de la sélection des élèves — j'ajouterais sur des bases académiques ou élitistes (au public comme au privé). Certains programmes des partis politiques provinciaux vont dans ce sens, mais aucune proposition concrète n'est encore sur la table.

Vivement une campagne électorale centrée sur l'éducation !

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