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La déportation acadienne, une tragédie vue du Québec

Et si on déportait 6 millions de Québécois la semaine prochaine? Combien d’années s’écouleraient avant que ce vaillant peuple se relève? Un tel drame a pourtant affligé les Acadiens dès 1755.
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Vitrail à l’intérieur de l’église commémorative à Grand-Pré, lieu historique national de Grand-Pré (Nouvelle-Écosse). À noter que les fouilles archéologiques n’ont toujours pas découvert le site de la véritable Église de Grand-Pré qui fut détruite au cours de la Déportation.
Ricky G. Richard
Vitrail à l’intérieur de l’église commémorative à Grand-Pré, lieu historique national de Grand-Pré (Nouvelle-Écosse). À noter que les fouilles archéologiques n’ont toujours pas découvert le site de la véritable Église de Grand-Pré qui fut détruite au cours de la Déportation.

Et si on déportait 6 millions de Québécois la semaine prochaine? Combien d'années s'écouleraient avant que ce vaillant peuple se relève? Pourtant, un tel drame a affligé les Acadiens dès 1755.

Dans une grande entrevue avec Gérald Fillion enregistrée le 18 octobre 2017, feu Bernard Landry se désolait de la «tragédie invraisemblable» et malheureusement oubliée de l'histoire française en Amérique du Nord: la Déportation des Acadiens. Ce Grand Dérangement, euphémisme évitant aux Acadiens de dire génocide, s'amorce en 1755 et se poursuit même jusqu'après la Conquête de 1759.

Le patriote Landry, l'un des plus grands indépendantistes du Québec, avait un sens affiné de l'histoire et une profonde amitié pour l'Acadie. Il s'agissait de ses propres racines qu'il assumait pleinement. Est-ce que les Québécois d'aujourd'hui ont une véritable appréciation de ce que Landry a décrit comme étant «une infamie, au même titre que la défaite référendaire» de 1995?

Je me souviens?

On dit «déportation» comme on crie ciseau: quelques syllabes qui effleurent à peine l'imaginaire des Québécois alors qu'elles meurtrissent la quiétude acadienne. Les Québécois ont une vague impression de la Déportation acadienne et admettent qu'elle a pu être tragique. Ils témoignent aussi de l'empathie envers leurs cousins Acadiens à ce sujet.

Cependant, les Québécois connaissent-ils véritablement ce qui s'est produit et surtout les séquelles qui affligent toujours le peuple acadien? A-t-on une idée de l'immensité du geste posé?

Les Acadiens se relèvent fièrement chaque année au Tintamarre du 15 août (fête nationale) en faisant du bruit pour souligner qu'ils et elles sont toujours là. Pourtant, leur histoire est marquée par la tentative de génocide la plus méconnue au Canada, sans oublier les fléaux de la colonisation européenne auprès des peuples autochtones.

Mikmaq, Wikimedia Commons

Bref retour historique

L'Acadie a été fondée en 1604 sur l'Île-Sainte-Croix, actuellement au Maine, à proximité du Nouveau-Brunswick. La colonie s'établit l'année suivante à Port Royal, en actuelle Nouvelle-Écosse. Les premiers colons, tous des hommes, subissent alors les ravages du scorbut et de la famine dès les premières années.

N'eût été l'amitié et l'aide vitale des Mi'gmaq, l'Acadie coloniale n'aurait jamais pris son essor.

Membertou, ce grand saqamaw (chef) autochtone qui fut baptisé Henri, a été pour les Acadiens un allié et un sauveur. Aux premières années, la colonie était à peine ravitaillée par la France et la nature trop cruelle. Les Acadiens ont pu trapper, chasser et survivre les durs hivers canadiens parce qu'ils ont mis en pratique ce que les Mi'gmaq faisaient tout naturellement.

Avec l'arrivée des femmes acadiennes, une colonie agricole et féodale voit le jour et se développe rapidement. Les Acadiens de l'époque étaient des agriculteurs et des ingénieurs à la fine pointe de la technologie moyenne-âgeuse. Les aboiteaux et les digues permettaient d'irriguer les terres et laisser couler l'eau salée des grandes marées de la Baie de Fundy qui amenaient les éléments nutritifs nécessaires aux récoltes abondantes. Les Acadiens, à l'image des Égyptiens de l'époque antique qui cultivaient dans l'abondance grâce aux débordements salutaires du Nil, ont pu devenir parmi les plus riches paysans des colonies nordiques.

Les Acadiens étaient riches en raison des biens matériels et territoires qu'ils possédaient. Ils vivaient en harmonie avec les Autochtones de la région.

En 1749, on dénombre environ 13 000 Acadiens en territoire britannique. En 1745, la portion québécoise de la Nouvelle-France compte 55 000 habitants sur un territoire beaucoup plus vaste. Selon les estimations de Statistique Canada, un colon sur cinq à cette époque vivait à l'acadienne.

Richesse acadienne

Sans terres fertiles et productives, il est impossible de nourrir le bétail avec ce dur climat canadien. Les Acadiens bénéficiaient du travail des bêtes, nécessaires pour labourer efficacement les terres alors que les colons de Boston ou d'Halifax en avaient peu. Les Acadiens étaient riches en raison des biens matériels et territoires qu'ils possédaient. Ils vivaient en harmonie avec les Autochtones de la région, qui étaient nomades, mais ils revenaient souvent voir les Acadiens pour le commerce et les échanges. Ces liens initiaux entre Acadiens et Mi'gmaq étaient à la fois fructueux et respectueux. L'Acadie s'arrimait alors avec le Mi'gma'gi.

Aux prises avec ces jeux de pouvoir internationaux, les Acadiens se disaient «neutres», mais furent ridiculisés comme des French Neutrals par les gouverneurs et autorités de l'époque.

La vie rurale, en raison des luttes politiques et intrigues européennes, n'était pas toujours paisible. L'Acadie péninsulaire changea maintes fois de main entre 1604 et 1713, et fut sur le qui-vive jusqu'en 1763. L'Acadie d'antan fut tiraillée d'un bord et de l'autre, déchirée entre les ambitions françaises et anglaises, sans oublier la convoitise des marchands des colonies américaines, toujours loyaux à la couronne britannique à cette époque. N'oublions pas que la province du Nouveau-Brunswick sera fondée plus tard en 1784 par des loyalistes, qui rejettent les idéaux de la Révolution américaine.

Aux prises avec ces jeux de pouvoir internationaux, les Acadiens se disaient «neutres». Ils accepteraient l'autorité de la Couronne britannique, mais ne combattraient pas contre la France ou les Autochtones. Ils furent ridiculisés comme des French Neutrals par les gouverneurs et autorités de l'époque. Le gouverneur Charles Lawrence utilisera ce prétexte pour justifier la Déportation.

L'irréparable

En 1755, l'impensable arrive; un destin funeste s'abat sur le peuple acadien. À Grand-Pré, mais aussi ailleurs, on annonce aux Acadiens qu'ils ne sont plus les bienvenus sur ces terres qu'ils doivent céder d'emblée. On convoque les hommes des localités avoisinantes à l'Église de Grand-Pré, on verrouille les portes et on annonce que les Acadiens sont évincés. Il vaut la peine de lire la déclaration faite aux Acadiens afin de s'imaginer l'horreur.

Le 28 juillet 1755, le sort des Acadiens était jeté.

Les autorités britanniques avaient bien planifié l'opération. Avant les annonces officielles, les militaires procèdent discrètement à la capture ou l'élimination des leaders acadiens, notamment les curés. Ils n'ont procédé, avec leur funeste intrigue, qu'après s'être assurés de la capitulation de fort Beauséjour en juin 1755. En coupant la voie d'accès et le ravitaillement militaire de la Nouvelle-France, les Britanniques avaient les coudées franches pour mettre en œuvre leurs basses intentions. Le 28 juillet 1755, le sort des Acadiens était jeté.

Qu'adviendra-t-il des Acadiens? Connaissez-vous le général Monckton?

À suivre...

Nous vous invitons à lire la seconde partie de ce texte: La déportation acadienne s'exécute (Partie 2)

À lire, pour poursuivre la réflexion:

Commémoration internationale du Grand Dérangement (Société nationale de l'Acadie)

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