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Départ de Ferrandez: Valérie Plante s'en remettra

Malgré la déception de certains membres de son parti, la crédibilité environnementale de la mairesse n'en souffrira pas, selon des experts.
Sean Kilpatrick/La Presse Canadienne

Le départ soudain de Luc Ferrandez pourrait bien causer des maux de tête à court terme pour la mairesse Valérie Plante. Mais sans plus.

Le HuffPost Québec a obtenu l’avis de deux experts sur l’impact de cette démission sur l’administration Plante. Constat: malgré un émoi initial, elle n’a rien à craindre.

«Son branding environnemental sera un peu écorché, mais ça ne sera pas majeur. Ça dépendra surtout des décisions qu’elle va prendre», affirme Bernard Motulsky, professeur de communication à l’UQÀM et expert en gestion de crise.

M. Motulsky souligne que la mairesse Plante s’est déjà engagée dans des mesures environnementales majeures. Les exemples les plus récents sont l’interdiction progressive du chauffage au mazout et le resserrement des règles concernant les pailles et les contenants en plastique.

«Tant qu’elle va continuer à poser des gestes comme elle pose régulièrement, elle va au moins pouvoir convaincre ses militants plus écologistes en disant “on avance”», dit-il.

Même son de cloche du côté de sa collègue de l’UQÀM Caroline Patsias, experte en politique municipale et en participation citoyenne, entre autres choses.

«C’est sûr que ça peut amener une déception d’un certain nombre de militants. Mais M. Ferrandez a été assez fort dans sa sortie. Il a bien souligné que ce n’est pas une attaque en règle contre la mairesse sortante. Il est critique, mais il reste loyal», affirme-t-elle.

Les deux chercheurs soulignent qu’il n’existe pas de formation politique sur la scène municipale qui soit positionné pour dépasser Projet Montréal sur sa gauche ou pour forcer un discours plus radical sur l’environnement. Déjà, dans une entrevue accordée l’an dernier au HuffPost Québec, le fondateur du parti Richard Bergeron affirmait que l’aile la plus radicale de Projet Montréal était arrivée au pouvoir avec l’avènement de Valérie Plante.

«Le plus grand risque, c’est la démobilisation d’une partie des électeurs en attendant un nouveau vecteur», affirme Bernard Motulsky.

Pas de Ferrandez, une bonne nouvelle?

Caroline Patsias ajoute que les mesures environnementales préconisées par M. Ferrandez comprennent d’importants risques sur le plan politique. Celui-ci propose un «effort de guerre» qui mobiliserait l’ensemble de la société.

Non seulement les mesures individuelles ne sont pas nécessairement populaires, mais un plan trop radical peut inspirer un fort mouvement de réaction qui serait dangereux pour l’administration Plante.

«Les gilets jaunes en France montrent bien cette réaction. On peut y aller de mesures fortes, mais il faut savoir qui on taxe et quels moyens de compensation mettre en place», affirme-t-elle.

Mme Patsias estime que les taxes sont trop présentes dans le plan de M. Ferrandez pour financer la lutte aux changements climatiques. L’ajout de taxes sur le stationnement, l’entrée au centre-ville, les déchets et la viande aurait de sérieuses conséquences sur le porte-feuille de la classe moyenne sans affecter outre mesure les mieux nantis.

«Ceux avec moins de revenus vont subir le plus les impacts de la transition écologique, alors que ce sont eux qui subissent le plus les impacts des changements climatiques», souligne-t-elle.

Et puis, le départ d’un électron libre comme M. Ferrandez peut aussi être une bonne nouvelle pour la politique quotidienne, selon Bernard Motulsky.

«Mme Plante a dû le reprendre à deux reprises au cours des dernières semaines et ce n’est pas la première fois. Ce n’est pas facile d’avoir quelqu’un dans ton équipe qui fait cavalier seul», dit-il en référence aux jurons lancés par M. Ferrandez sur Facebook et en séance publique du conseil municipal.

Le maire du Plateau-Mont-Royal a mis l’administration dans l’embarras à quelques autres reprises depuis les élections de novembre 2017.

Après l’adoption d’un premier budget fort critiqué, il a taxé son propre parti «d’amateurisme» pour avoir promis une hausse de taxes au niveau de l’inflation. Il a ensuite chanté «j’aurais dû, ben dû, donc dû, fermer ma grande gueule» après avoir été rappelé à l’ordre.

En avril 2018, il avait aussi causé deux petites controverses. Une photo d’un roupillon pendant une séance publique du conseil municipal a fait le tour des réseaux sociaux. Quelques jours plus tôt, il avait reçu une contravention pour avoir circulé à contresens en Bixi sur le boulevard Saint-Laurent.

Pas comme l’époque de Jean Doré

Ce n’est pas la première fois, à Montréal, qu’un parti d’opposition vit des dissensions à l’interne une fois au pouvoir. La situation de Valérie Plante et de Projet Montréal n’est pas sans rappeler celle vécue par le maire Jean Doré et le Regroupement des citoyens de Montréal (RCM) dans les années 1980.

Après les deux premières années de son mandat, M. Doré a perdu quatre élus qui trouvaient que son administration n’était pas assez progressiste. Marvin Rotrand, doyen actuel du conseil municipal, était du nombre. Le HuffPost l’a interviewé pour obtenir ses observations.

Il estime qu’un tel schisme n’est pas envisageable avec Projet Montréal.

«Leur caucus est plus faible que celui du RCM ne l’était. [...] La plupart des élus de Projet Montréal n’ont jamais pris la parole en conseil, ou seulement une ou deux fois pour quelques minutes. Il n’y a pas la diversité d’opinions qu’il y avait au RCM», affirme M. Rotrand, qui a fait connaître son intention de se retirer de la vie publique à la fin du présent mandat.

La démission de M. Ferrandez sera effective le 17 juin et une élection partielle sera organisée en octobre. Selon Radio-Canada, des candidatures extérieures fortes et crédibles sur le plan environnemental sont actuellement envisagées, comme Steven Guilbeault d’Équiterre ou Karel Mayrand de la Fondation David Suzuki.

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