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Débat sur la laïcité de l’État: assez de caricatures!

Il est trop commode de faire passer les adversaires de la loi 21 pour des anti-Québécois.
La Presse Canadienne/Graham Hughes

Le débat qui se tient présentement en Cour supérieure au sujet de la Loi sur la laïcité de l’État (loi 21) est d’une grande importance pour l’avenir de la société québécoise. Les arguments de part et d’autre sont sérieux et raisonnés. Le juge Marc-André Blanchard a une question difficile à trancher: l’inclusion par un parlement de la clause dérogatoire de la Charte canadienne des droits et libertés prive-t-elle de tout recours les personnes qui estiment que la loi en question brime leurs droits? Autrement dit, lorsque le consensus populaire décide de tasser les chartes, les minorités n’ont-elles d’autre choix que de se soumettre en silence?

Malheureusement, plusieurs commentateurs et citoyens dénaturent la discussion et caricaturent les arguments des avocats représentant les minorités religieuses. Le juriste Frédéric Bérard est réduit au rang de «colonisé» sur la base d’une seule phrase de son plaidoyer de 53 pages. Selon Richard Martineau, «toute la rhétorique canadienne anglaise se retrouve dans ces quelques mots. Les Québécois francophones sont des chiens enragés qui sont prêts à mordre la jugulaire du premier immigrant venu.»

Ayant évoqué les lois de Nuremberg comme exemple de graves dérapages législatifs survenus dans le passé, l’avocat Azim Hussain est crucifié pour cause de «nazification du Québec», sans qu’on tienne compte une seconde de l’ensemble de sa plaidoirie ou de son parcours personnel et professionnel.

Le pire, c’est que cela vient de personnes, tel Joseph Facal, qui ont plaidé en faveur de M. Yves Michaud, dont les propos, jugés antisémites par l’Assemblée nationale, auraient été condamnés sans «vérification». Ah? A-t-on vérifié auprès de M. Hussain pour savoir ce qu’il voulait dire? Bien sûr que non. Il est trop commode de faire passer les adversaires de la loi 21 pour des anti-Québécois, une cinquième colonne chargée des basses œuvres des héritiers de Lord Durham. Cela a pour effet de fusiller leur argumentaire; tous ceux qui s’interrogent sur la portée de la nouvelle loi sont ainsi sommés de se taire.

Pourtant, dans une société démocratique, qui a la prétention d’être l’une des plus justes et égalitaires en Occident, les arguments des opposants à la loi 21 devraient être pris très au sérieux. S’est-on seulement arrêté au fait que la loi tasse non seulement l’inique Charte canadienne des droits et libertés, mais aussi 38 articles de la Charte québécoise, adoptée à l’unanimité par l’Assemblée nationale? Les députés qui l’ont votée étaient-ils tous des «colonisés»? Et les 45 000 membres de la Fédération autonome de l’enseignement, syndicat qui conteste aussi la loi 21, des «colonisés» eux aussi?

Mais on voit bien où veulent en venir ces commentateurs. Mathieu Bock-Côté l’écrit noir sur blanc: «Plus je m’intéresse à ce procès, où c’est notre droit d’exister comme peuple qui est en question, plus je me rappelle à quel point le Québec devrait devenir un pays indépendant.» Alors quoi, dans un Québec indépendant, il n’y aurait pas de charte des droits? On ne confierait pas aux tribunaux la responsabilité de protéger les droits des minorités?

Pour ma part, je garde espoir qu’au lendemain d’une victoire du OUI, si cela arrive un jour, M Bérard et Hussain pourraient tout aussi légitimement qu’aujourd’hui plaider devant des tribunaux indépendants que la majorité n’a pas tous les droits.

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