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Croyez-moi, l’Agence du revenu du Canada est totalement dysfonctionnelle

J’aimerais pouvoir annoncer de bonnes nouvelles aux contribuables canadiens. Or, je constate que les employés de l’ARC manquent de sérieux.
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Je suis avocat fiscaliste depuis près de trente ans. Mon métier n'est pas aussi sexy que celui des criminalistes Brian Greenspan et Marie Henein, car la plus grande partie de mon travail consiste à affronter les fonctionnaires de l'Agence du revenu du Canada (ARC) dans les tranchées de l'impôt.

Trois décennies de tractations avec l'ARC m'ont donné une vision assez juste du calibre de ses employés, de la compétence de ses gestionnaires, de la qualité du travail accompli et de l'efficacité générale de cet organisme.

J'aimerais pouvoir annoncer de bonnes nouvelles aux contribuables canadiens. Or, je constate que les employés de l'ARC manquent de sérieux. Certains contrôles fiscaux semblent uniquement servir à justifier leur emploi, s'ils ne ressemblent pas au jeu de la poule mouillée. Toutefois, la plupart des problèmes se résument à une formation inadéquate et à un comportement arrogant. L'ARC passe plus de temps à créer des problèmes qu'à les résoudre.

Des articles ont déjà fait état des problèmes systémiques des centres d'appels de l'ARC. Les employés induisant les contribuables en erreur et les 50 pour cent d'appels délibérément bloqués n'en sont que quelques-uns.

Toutefois, les problèmes d'arrogance et de formation inadéquate se sont considérablement aggravés depuis 20 ans. Après avoir formulé une plainte auprès d'un haut dirigeant de l'ARC, l'un de mes collègues s'est d'ailleurs fait répondre qu'il revient aux comptables et aux avocats fiscalistes de former les fonctionnaires de l'Agence. Au fait, avez-vous besoin de former votre plombier, votre garagiste ou votre réparateur de toiture?

L'ARC dispose de pouvoirs considérables qui suscitent la crainte et la révulsion.

L'ARC dispose de pouvoirs considérables qui suscitent la crainte et la révulsion. La Loi de l'impôt sur le revenu autorise ses agents de recouvrement à récupérer les sommes dues sans autorisation judiciaire. Ces sommes peuvent être perçues à même le salaire du contribuable, ses créances ainsi que ses comptes bancaires et d'investissement.

Si vous faites l'objet d'un contrôle fiscal, des vérificateurs défiant toute forme de logique et de raison vous passeront au tordeur, même si vous leur montrez patte blanche. Bon an, mal an, sachez qu'environ 5 à 10 pour cent des contribuables canadiens ont de tels problèmes avec l'ARC.

Voici un exemple : L'un de nos clients achète des automobiles aux enchères afin de les exporter en Afrique et au Moyen-Orient. Il doit payer la TVH à l'achat de chaque véhicule, mais peut se faire rembourser cette taxe lorsque les voitures sont exportées. Le haut volume d'activité de son entreprise signifie que les sommes à rembourser s'accumulent rapidement. Or, notre client s'est vu refuser son remboursement sans raison valable.

Nous avons fait appel de la décision et réfuté tous les arguments du vérificateur. Or, l'agent de l'ARC a réclamé des pièces justificatives supplémentaires et très souvent inutiles. Nous avons recommandé à notre client d'obtempérer. Près de deux ans après s'être vu refuser le remboursement, il a enfin reçu un chèque de 900 000 dollars, intérêts compris. Malheureusement, son entreprise a souffert d'importants problèmes de liquidités durant cette période.

Voici un autre exemple : L'ARC a effectué une analyse erronée des gains effectués dans les casinos, et nous avons dû soumettre un document détaillé de 30 pages afin de prouver que notre client ne détenait pas 25 millions de dollars de revenus non déclarés. Le vérificateur de l'ARC a délibérément ignoré ce document qui lui donnait tort sur toute la ligne.

Après un certain temps, le vérificateur a réévalué le montant de revenus non déclarés à environ 10 millions de dollars, sans même donner suite à nos arguments et à nos demandes de suivi. Nous avons alors exigé de rencontrer son chef d'équipe, mais notre requête a été rejetée. La cause n'est toujours pas résolue.

En somme, l'ARC gaspille l'argent des contribuables et nous fait perdre un temps et une énergie incroyables.

En somme, l'ARC gaspille l'argent des contribuables et nous fait perdre un temps et une énergie incroyables. Pendant ce temps, notre client doit assumer des frais juridiques de plus en plus élevés.

En novembre 2016, le vérificateur général du Canada a publié un rapport accablant sur la performance de l'ARC. Ce rapport a mis en évidence les problèmes liés au processus d'opposition. Les dossiers s'accumulent et prennent souvent plus d'une année à être résolus. Il est évident que l'ARC doit embaucher plus de personnel et mettre en place de meilleurs systèmes de contrôle, car ses vérificateurs actuels commettent trop d'erreurs.

L'ARC a affirmé à plusieurs reprises que le travail au noir était l'une des principales cibles de ses vérificateurs. Plusieurs catégories de travailleurs font d'ailleurs l'objet de contrôles fiscaux, y compris les serveurs et serveuses de l'Île-du-Prince-Édouard au moment d'écrire ces lignes.

La semaine dernière, nous avons appris qu'au terme de cinq ans de lutte et d'une menace de s'adresser à la Cour fédérale, le directeur parlementaire du budget pourra enfin avoir accès aux données qu'il réclame pour calculer l'écart fiscal du Canada, c'est-à-dire la différence entre l'impôt dû par les contribuables et l'impôt réellement perçu par le gouvernement.

Lorsqu'elles auront été analysées, ces données révéleront l'inefficacité de l'ARC en matière de lutte à l'évasion fiscale. Or, tant et aussi longtemps que l'ARC ne parviendra pas à épingler les fraudeurs les plus importants, les honnêtes contribuables devront subir des taux d'imposition et des contrôles fiscaux déraisonnables.

Ce billet de blogue a d'abord été publié au HuffPost Canada et a été traduit par le HuffPost Québec.

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