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«#JeSuisLà»: se rencontrer au bout du monde

Une comédie dramatique à la légèreté assumée, et surtout bien défendue...
AZ Films

#JeSuisLà est le genre de long métrage que l’on attrape au vol, un peu par hasard.

Le genre de comédie dramatique vers laquelle on ne se dirigerait pas nécessairement d’emblée, la congestion au niveau des sorties sur les différents écrans nous ayant poussés à être de plus en plus sélectifs - mais pas forcément à faire de meilleurs choix - au cours des dernières années.

Le genre de petit film qui aborde des idées et des thèmes assez convenus, mais dont la simplicité, la candeur et la délicatesse de l’approche lui permettent de faire bonne impression, et de laisser sa marque dans l’esprit du spectateur.


#JeSuisLà
nous propose d’accompagner le chef Stéphane Lucas (Alain Chabat) dans sa quête de renouveau. À la suite d’un accident de voiture l’ayant confronté au temps qu’il lui reste à vivre sur cette Terre, Stéphane part sur un coup de tête pour la Corée du Sud, pour aller à la rencontre d’une femme avec qui il correspond depuis un certain temps sur les réseaux sociaux.

Le hic, c’est que cette dernière ne se présentera jamais à l’aéroport. Ne perdant pas espoir, Stéphane demeure sur place pendant plusieurs jours, enchaînant les rencontres fortuites qui en feront une sorte de mythe urbain sur les réseaux sociaux. Un revirement de situation particulièrement inspiré et bien ficelé, admettant la présence de cette hésitation persistante, même après s’être jeté dans le vide.

Le réalisateur Éric Lartigau, qui nous avait offert précédemment les films La famille Bélier (2014) et L’homme qui voulait vivre sa vie (2010), s’intéresse ici à ce même désir de rompre avec la tradition et le passé, à la nécessité de repartir à la découverte de soi. Après le rite de passage et la fuite, le cinéaste transpose cette volonté de ne plus passer à côté de son existence chez un homme qui en a déjà vu défiler plus de la moitié.

#JeSuisLà s’impose du coup comme une sorte de croisement entre le sublime Lost in Translation de Sofia Coppola et The Terminal de Steven Spielberg.

À mi-chemin entre ces deux oeuvres, le cinéaste distingue et mélange habilement la notion d’ouverture sur le monde et celle de s’ouvrir au reste du monde, de mettre un terme à la solitude qu’on s’est soi-même imposé par la force des choses. Stéphane a cette volonté d’aller vers les gens, d’échanger, d’entamer un dialogue, plutôt que de seulement s’imprégner de cette nouvelle culture avec laquelle il se familiarise peu à peu.

Une particularité qui donne quelques scènes d’une magnifique cordialité, notamment celle d’une collaboration d’un soir entre Stéphane et un chef local.

Doona Bae et Alain Chabat dans «#JeSuisLà»
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Doona Bae et Alain Chabat dans «#JeSuisLà»

La participation de Thomas Bidegain au scénario (qui a collaboré à l’écriture des quatre derniers films de Jacques Audiard) se fait d’ailleurs sentir dans cette absence de surenchère au niveau des dialogues, cette retenue permettant à chaque émotion de paraître un peu plus authentique dans un ensemble s’aventurant souvent en terrains connus.

Les mêmes qualificatifs sont de mise pour commenter la façon dont le duo aborde toute la question des réseaux sociaux, relevant bien le ridicule à la base de la création d’un phénomène viral, mais en mettant surtout l’emphase sur les bons côtés de cette technologie (le partage, la découverte, l’inspiration).

Il en va de même pour la distinction entre ce qui est vrai et ce qui est virtuel, la vie qu’on s’invente, celle que l’on vit et celle dont on rêve, les barrières qui se créent et qui ne peuvent pas toujours être abattues.

Habitué à la comédie, Alain Chabat marche certainement ici dans les traces de Bill Murray, sans toutefois pousser la note du clown triste. Sa performance posée, empreinte de candeur, de maladresse et de curiosité, vient parfaitement cimenter les aspirations de Lartigau et Bidegain.

Par les temps qui courent, un film comme #JeSuisLà, à la légèreté assumée et bien défendue, aux idées claires, même si parfois trop appuyées, soutenues par une excellente direction photo et une bande sonore tout aussi enivrante, est certainement le bienvenu.

Ça ne change pas le monde, sauf que...

#JeSuisLà est présentement à l’affiche partout au Québec.

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