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La destruction tranquille des CPE

Vous en connaissez beaucoup d'entreprises au Québec qui ont incité près de 70 000 femmes à occuper un emploi, qui ont fait augmenter le PIB de 5 milliards et le taux d'emploi de 1,7%? C'est pourtant ce que le programme des CPE a réalisé.
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Le grand livre de l'Histoire du Québec retiendra de l'année 1997 la création des centres de la petite enfance (CPE). Les CPE ont créé une véritable révolution en démocratisant l'accès aux services de garde et en augmentant la qualité du développement des jeunes enfants. En plus, le réseau a été payant pour l'État québécois : en 2008, chaque tranche de subvention de 100 $ de Québec lui a procuré un retour fiscal de 104 $, selon l'étude de Fortin-Godbout-St-Cerny.

Vous en connaissez beaucoup d'entreprises au Québec qui ont incité près de 70 000 femmes à occuper un emploi, qui ont fait augmenter le PIB de 5 milliards $ et le taux d'emploi de 1,7 % ? C'est pourtant ce que le programme des CPE a réalisé.

Malgré ses succès incontestables, le PLQ s'entête à détruire, année après année, le dernier né du modèle québécois.

Attaque du PLQ au cœur du modèle québécois

2003 : retour du PLQ au gouvernement avec la promesse de Jean Charest de ne pas hausser les tarifs des CPE. Quelques mois plus tard, promesse brisée, le tarif de 5 $ par jour augmente de 40 %.

2006 à 2014 : coupes de 261 millions $ du budget des CPE, selon les calculs de l'Association québécoise des CPE (AQCPE).

2008 : attribution de 18 000 nouvelles places en CPE par la ministre Michelle Courchesne.

2011 : le Vérificateur général du Québec de l'époque, Renaud Lachance, blâme sévèrement la ministre Courchesne pour les places attribuées en 2008. 21 % des projets qu'elle a retenus vont à l'encontre des recommandations des fonctionnaires, dont plusieurs associées à des donateurs libéraux. Au lieu d'octroyer des places en CPE à des spécialistes de la petite enfance, la ministre en donne aux propriétaires d'un abattoir. Il s'agit de donateurs libéraux. Coïncidence ? À l'époque, le Parti Québécois calcule que 42 donateurs du PLQ seraient liés à 25 projets de CPE : ils auraient versé 292 480 $ à la caisse du PLQ entre 2003 et 2008. L'ex-député Tony Tomassi est également associé au scandale des CPE, lui qui était le seul député à avoir six propriétaires de garderies privées sur son exécutif de comté. Coïncidence !

2012 : démission de Tony Tomassi pour avoir utilisé illégalement une carte de crédit d'une entreprise privée dans un autre dossier, celui de «l'affaire BCIA». Michelle Courchesne ne se représente pas aux élections générales.

2014 : retour du PLQ au gouvernement avec la promesse de Philippe Couillard de ne pas augmenter les tarifs en CPE plus que l'inflation. L'histoire se répète, le gouvernement de Pinocchio Couilllard rompt sa promesse et il fait augmenter les tarifs de façon drastique... allant jusqu'à 20 $ pour certains parents !

2015 : coupes de 3 % du budget des CPE, selon Louis Sénécal, P.-D.G. de l'AQCPE. Cette coupe n'a jamais été annoncée lors de la campagne électorale de 2014.

2016 : le nouveau ministre de la Famille, Sébastien Proulx, confirme son intention de couper 120 millions $ supplémentaires dans les CPE. Louis Sénécal estime que cela représente 12 % du budget annuel d'un CPE : l'équivalent de 2 ou 3 postes d'éducatrices, des heures à la cuisine et 20 % des dépenses en entretien ménager.

Février 2016 : plusieurs parents réalisent que la nouvelle taxe famille libérale va leur coûter cher. La ligne 434 est ajoutée au rapport d'impôt : «contribution additionnelle pour service de garde éducatif à l'enfance subventionné». De nombreux parents vont devoir payer des centaines de dollars en plus, voir des milliers selon mon collègue Nicolas Marceau.

La montée du privé

En plus d'attaquer directement le pilier de la petite enfance du modèle québécois, le gouvernement PLQ travaille activement afin d'augmenter la part du privé. Avec la nouvelle tarification globale des services de garde au Québec, de plus en plus de parents trouvent plus avantageux financièrement d'envoyer leurs enfants dans une garderie privée. Ils bénéficient des versements anticipés du crédit d'impôt pour frais de garde d'enfants.

Les CPE, comme les garderies en milieu familial, subissent ainsi une autre baisse de revenu avec le départ d'enfants vers le privé. Le gouvernement Couillard ne semble pas y voir de problème, l'ancienne ministre de la Famille, Francine Charbonneau, allant même jusqu'à affirmer qu'il n'y a pas de différence de qualité entre un CPE et une garderie commerciale.

Or, selon une enquête de l'Institut de la statistique du Québec publiée en 2015, rien n'est moins vrai ! La qualité des services offerts dans les CPE éclipse ceux des garderies privées.

Laissons les chiffres parler d'eux-mêmes avec le «niveau de l'indice de qualité» :

•Garderies privées : insatisfaisant (41 %), acceptable (52 %) et bon ou excellent (7 %) ;

•CPE : insatisfaisant (2 %), acceptable (31 %) et bon ou excellent (67 %).

Voilà la réalité. Nous sommes en présence d'un gouvernement qui travaille à détruire notre tissu social. Un gouvernement de droite qui vise la médiocrité. Tout ce qui reste de libéral au PLQ, c'est son nom.

La recette de la privatisation est simple :

•Premièrement : diminuer l'impôt, ce qui crée un déséquilibre entre les dépenses et les revenus, puisque les dépenses restent les mêmes ;

•Deuxièmement : annoncer que nous sommes «en crise» et demander aux pauvres et à la classe moyenne de se serrer la ceinture, via des coupes dans les programmes sociaux, afin d'éviter la «catastrophe» ;

•Troisièmement : retour à l'équilibre budgétaire grâce aux sacrifices de la population ;

•Résultat : diminution de la taille de l'État, privatisation des services et augmentation des inégalités.

Or, de l'argent, il y en a. Vous n'avez qu'à penser au 800 millions $ payés en trop aux médecins.

Le plan du PLQ est clair : affaiblir l'État québécois afin qu'il devienne une province canadienne comme les autres. La CAQ joue malheureusement dans le même film avec son dénigrement systématique de l'État québécois.

L'État québécois, c'est notre force, c'est ce qui fait notre différence en Amérique, avec notre langue. L'affaiblir, c'est couper les jambes du seul État francophone en Amérique du Nord.

C'est détruire le principal outil que nous allons utiliser pour faire du Québec un pays indépendant.

Également publié dans les versions papier et électronique de L'Aut'Journal.

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