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COVID-19: Pourquoi les producteurs laitiers ont jeté leur lait à la ferme?

Le Québec compte plus de 350 000 vaches, alors du lait il s’en produit en masse!
Tony C French via Getty Images

Une seule vache peut meubler votre réfrigérateur de 30 litres de lait par jour. Certaines, de véritables Ferrari, peuvent même remplir votre frigo du double de ce volume dans le même temps. Même avec une bande d’ados à la maison, vous ne passerez jamais à travers cette quantité de lait. Le Québec compte plus de 350 000 vaches, alors du lait il s’en produit en masse ! Et ce n’est pas pour rien que la province est la mamelle laitière du Canada.

Arrive l’épidémie de la COVID-19. Le petit virus létal a forcé la fermeture des hôtels, des restaurants et des institutions, les HRI comme on les appelle dans le jargon. Les HRI, qui incluent aussi les écoles vides, représentent 35 % du marché des produits laitiers de la province. Les vaches, elles, n’arrêtent pas de produire, et on ne ferme pas le pis d’une vache comme on ferme un robinet.

C’est pour cette raison que les producteurs ont dû jeter du lait dans le drain de leurs étables ou dans la fosse à fumier.

Car il faut aussi des camionneurs pour transporter ce lait de la ferme à l’usine. Et ça prend des travailleurs pour faire tourner les usines, ce qui n’est pas évident avec les risques d’infection et les mesures de distanciation sociale.

Le temps d’ajuster les maillons de la filière laitière, le porte-parole des Producteurs de lait du Québec (PLQ), François Dumontier, estime qu’il s’est jeté 5 millions de litres de lait avant la semaine de Pâques. C’est beaucoup moins que 1 % de la production hebdomadaire.

Il ne se jette plus de lait au moment d’écrire ces lignes, selon les PLQ. Les producteurs laitiers vont faire un don de plus de 4 millions de litres de lait qui sera principalement transformé en fromage et destiné aux banques alimentaires, après avoir conclu une entente avec les transformateurs.

Charles Langlois, le directeur général du Conseil des industriels laitiers du Québec, n’était pas en mesure de préciser exactement qui parmi ses 105 membres, dont les géants Saputo, Agropur et Parmalat, va transformer ce lait. On le saura bientôt.

Jack Andersen via Getty Images

Le système de gestion de l’offre vivement critiqué

Le système de gestion de l’offre (GO) sous lequel opèrent les quelque 10 000 fermes laitières canadiennes, dont près de la moitié sont au Québec, est souvent critiqué par différents experts et politiciens.

Maxime Bernier, l’ancien candidat à la chefferie du Parti conservateur du Canada, a accusé les éleveurs d’être un cartel, de fixer le prix du lait. Et le professeur à la faculté de gestion agricole de l’Université de Dalhousie, M. Sylvain Charlebois, a aussi suggéré qu’il devrait être « illégal » de jeter du lait, surtout en tant de pandémie où des millions de personnes se retrouvent au chômage.

Le système de GO consiste à produire en fonction de l’offre et la demande de produits laitiers au Canada. Chaque année, on établit un quota national de production pour justement ne pas sous-produire ou surproduire et éviter le gaspillage.

Le système de GO n’est pas parfait, loin de là !

Mais c’est un système qui vise l’autosuffisance alimentaire et la sécurité alimentaire. Les consommateurs canadiens sont assurés d’avoir des produits laitiers de qualité à bon prix toute l’année, tandis que les producteurs sont assurés d’un revenu décent pour leur travail et les transformateurs, eux, jouissent d’un approvisionnement régulier.

La crise provoquée par la COVID-19 est circonstancielle. Nous n’avons pas connu de pénuries de produits laitiers, et s’il manquait de lait ou de yogourt sur les tablettes de certaines épiceries, c’est pour des raisons logistiques.

Selon les chiffres de la Commission canadienne du lait (CCL), une organisation régulatrice du marché canadien, le lait jeté à la ferme à cause de la pandémie représente 0,3 % de tout le lait produit au Canada.

Sur toile de fond, il y a un débat de philosophie économique entre les tenants d’un marché laitier libre et les tenants d’un marché réglementé. Quel que soit le système, il s’est jeté et il se jette encore du lait partout sur la planète.

Les producteurs américains jettent un record historique de lait !

Les États-Unis sont les champions incontestés du marché libre. Les producteurs américains produisent sans quota national. Et 15 % de la production nationale est destinée aux exportations, principalement au Mexique, au Canada et en Chine. Résultat: les éleveurs sont aujourd’hui noyés dans les surplus de lait à cause de la pandémie et aussi à cause des guerres commerciales provoquées par le président Donald Trump.

Selon Dairy Farmers of America, une importante coopérative, les éleveurs américains pourraient gaspiller plus de 100 millions de litres de lait par semaine - soit une fois et demie la production du Québec.

L’ironie, c’est que certains groupes de producteurs américains aimeraient établir une gestion de l’offre pour discipliner leur marché.

Washington a d’ailleurs octroyé une aide directe de 2,9 G$US aux éleveurs laitiers au sud de la frontière, doublée d’un généreux programme d’achat de lait pour éponger les surplus du marché.

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