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COVID-19: les consommateurs en paieront longtemps le prix!

Plusieurs intervenants craignent une crise des finances personnelles qui pourrait se traduire par une vague d’insolvabilité si la situation perdure.
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Dans les derniers jours, de nombreuses voix se sont élevées pour demander aux banques de faire preuve d’humanité en diminuant, notamment, les taux d’intérêts sur les cartes de crédit. On s’inquiète du fait que de nombreux citoyens qui ont perdu leur emploi en raison de la pandémie actuelle doivent utiliser leur(s) carte(s) de crédit pour payer leur épicerie.

La situation était déjà critique avant la crise: près de la moitié des Canadiens vivent d’un chèque de paie à l’autre et 30% des détenteurs de carte de crédit traînent un solde sur leur carte. Les pertes d’emplois des dernières semaines auront un impact majeur pour un nombre important de personnes qui risquent de s’endetter davantage sans pouvoir rembourser.

“Ce qu’on dit moins par contre, c’est que pendant ces «congés» de paiement, les intérêts continuent de s’accumuler. Un jour, il faudra payer et ça coûtera cher.”

Depuis le début de la crise, les différentes institutions financières offrent des reports de paiement d’hypothèque ou autres à leurs clients. Des dizaines de milliers de personnes s’en seraient d’ailleurs déjà prévalues. Ce qu’on dit moins par contre, c’est que pendant ces «congés» de paiement, les intérêts continuent de s’accumuler. Un jour, il faudra payer et ça coûtera cher. Plusieurs intervenants craignent d’ailleurs une crise des finances personnelles qui pourrait se traduire par une vague d’insolvabilité si la situation perdure.

Évidemment, baisser les taux d’intérêts sur les cartes de crédit pourrait permettre de limiter les dégâts. Toutefois, un aspect qui nous préoccupe beaucoup et dont on parle peu, c’est l’impact de cet endettement sur le dossier de crédit. En ce moment, de nombreuses institutions financières proposent des reports de paiements «sans mention au dossier de crédit». Mais pour combien de temps? N’est-on pas en train de pelleter le problème en avant? Les conséquences de la crise se vivront pendant longtemps et pour beaucoup, ça risque d’affecter, à un moment ou à un autre, leur dossier de crédit. Ainsi, des milliers de Canadiens traineront un dossier de crédit entaché et ce, pour bien des années après la fin de la crise.

Avoir un mauvais dossier de crédit, ce n’est pas anodin. Ça peut avoir des conséquences très graves sur la vie d’un consommateur. En effet, de nombreux acteurs (propriétaires, employeurs, compagnies d’assurance, etc.) le consultent et s’y fient pour choisir leurs locataires, leurs employés ou fixer le coût des assurances. Est-ce à dire qu’une personne qui aurait perdu son emploi pendant que «le Québec est sur pause» aura des difficultés à trouver un emploi ou un logement dans le futur? Poser la question, c’est y répondre.

Des milliers de personnes vivaient déjà cette situation de discrimination potentielle avant la pandémie. Dans le cadre de notre pratique comme conseillers budgétaires, nous en rencontrons quotidiennement. La grande majorité des gens endettés qui nous consultent le sont en raison d’un accident de parcours de vie: séparation, perte d’emploi, maladie, etc. Et leur dossier de crédit n’en rend pas compte.

“Ce que la crise sanitaire met en lumière, c’est le manque de revenu chronique lié à la stagnation des salaires et à la précarisation du marché du travail.”

Au contraire, on leur accole l’étiquette de mauvais payeur et la punition est grande: assurances plus chères, discrimination dans la recherche de logement et d’emploi, confinement au crédit dit de «deuxième ou troisième chance» à des taux d’intérêt allant jusqu’à 30% . Bien sûr, le consommateur peut faire inscrire une note explicative pour aider à mieux comprendre son dossier, mais qui lit ces notes? Dans la majorité des cas, elles sont inutiles.

Ce que la crise sanitaire met en lumière, c’est le manque de revenu chronique lié à la stagnation des salaires et à la précarisation du marché du travail. Dans les solutions que nous mettrons en place, il faut faire attention de ne pas créer deux catégories d’endettés: les «bons», ceux de la crise, et les «mauvais», ceux d’avant.

C’est pourquoi nous pensons qu’aujourd’hui, il est temps de remettre globalement en question l’importance accordée au dossier de crédit. Il faudrait interdire l’utilisation du dossier de crédit à des fins non financières. Et pourquoi ne pas aller plus loin en retirant carrément à Équifax et TransUnion le droit de collecter, de partager et de vendre autant de données sensibles à notre sujet? Nous invitons le gouvernement à y réfléchir dans la préparation de son plan de sortie de crise.

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