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Accusée d'esthétiser les maladies mentales, cette une de «Vogue» ne passe pas

La couverture du nouveau numéro de l'édition portugaise met en scène une femme nue recroquevillée sur elle-même dans la salle de bains d'un asile psychiatrique.

Ça ne passe pas, mais alors pas du tout. Depuis qu’elle a été dévoilée sur les réseaux sociaux le jeudi 2 juillet, l’une des couvertures du nouveau numéro de l’édition portugaise du magazine de mode Vogue a fait réagir plus d’une personne.

Le cliché en question, réalisé par le photographe Branislav Simoncik, montre une salle de bain austère et met en scène une femme nue recroquevillée sur elle-même dans une baignoire. Autour d’elle, deux infirmières. L’une d’elle lui verse de l’eau sur le corps.

Le titre “The Madness Issue” [en français, “Le numéro de la folie”] laisse entendre que le tableau se tient dans un hôpital psychiatrique. ”Ça parle d’amour. Ça parle de la vie. Ça parle de nous. Ça parle de vous. Ça parle de maintenant. Ça parle de santé. Ça parle de santé mentale”, peut-on lire en légende.

Pour la responsable du service mode du magazine Dazed Emma Hope Allwood, le magazine a fait une erreur. “C’est difficile d’exprimer dans un seul tweet toute l’émotion que représente le fait d’avoir un proche interné dans un service psychiatrique, mais voir une couverture de Vogue esthétiser la chose me choque tellement, écrit-elle sur Twitter. Il existe des manières de parler de santé mentale sans que ce soit stigmatisant.”

“Je ne sais même pas par où commencer, ajoute la DJ britannique Paulette. Est-ce que ça les fait rire? Quel est l’objectif? Une rédaction qui n’entend rien, à l’heure où la compassion à l’égard de la santé mentale est plus que jamais nécessaire. Cette couverture devrait être retirée et des excuses, prononcées, dans le prochain numéro.”

L’étudiante en sociologie ci-dessous relève, elle, les liens qu’il y a entre l’approche du philosophe Michel Foucault sur la folie et “ce shooting qui tente de glamouriser l’asile et, par conséquent, les pratiques misogynes découvertes dans l’histoire de la psychiatrie”.

Un refrain qui revient

À l’heure où nous écrivons ces lignes, le magazine n’a pas répondu aux critiques. Cependant, celles-ci témoignent d’une problématique de longue date, à savoir le traitement provocant et stéréotypé du sujet qu’est la santé mentale par la photographie de mode.

Ceci n’est pas sans rappeler le shooting photo ci-dessous, publié dans l’édition italienne de Vogue du mois de juillet 2017.

“La photographie de mode est une force englobante qui montre simplement tout extrême comme étant chic et élégant, explique la chercheuse américaine en communication de la mode et du luxe Rachel K. Ward au magazine OAI13. Mais en fonction du contexte, elle peut poser question.”

Elle poursuit: “Ces images sont-elles une comédie et une mascarade de la réalité mettant en valeur les vêtements? Ou sont-elles destinées à informer et éduquer? Si elles ont une vocation éditoriale, elles ne consistent alors qu’en une idée vaporisée, en une pensée passagère qui peut certes inspirer quelqu’un, mais demeure le plus souvent peu mémorable.”

“La mode est un cadre de maître qui tend à embellir et à neutraliser les sujets qu’elle met en scène, plus qu’à les valoriser pour eux-mêmes, concède la spécialiste des médias. Elle donne l’impression de les valoriser, mais ne le fait pas.”

Ce texte a été publié originalement sur le HuffPost France.

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