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Couillard a raison

Les propos du premier ministre n'ont rien de faux. Il a dit tout simplement tout haut ce qu'une majorité de musulmans pensent tout bas.
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Comme tous les Québécois, j'ai lu et entendu les propos du premier ministre Philippe Couillard en réaction à l'attentat commis par un Montréalais de confession musulmane à l'aéroport de Flint dans l'État du Michigan il y a quelques jours. Les religieux de la diaspora musulmane se sont tout de suite mis sur la défensive. Les prétendus activistes engagés ont tout de suite suivi leurs pas dans une surenchère idéologico-politique accusant le premier citoyen du Québec de souffler sur les braises de la stigmatisation. Il est tout de même triste de voir que, dans les deux cas, ce type d'acteur religieux ou d'activiste social continue à tenir ce même discours victimaire sclérosé et improductif. Chaque fois qu'un acte de ce type a lieu, ils se mettent à reproduire la même rhétorique avec les mêmes mots et par la même stratégie de défense. Dès qu'un mot est prononcé sur la part de responsabilité des musulmans dans la lutte contre le terrorisme islamiste, la réaction dans les diasporas musulmanes occidentales est devenue un rituel de ce qu'une de mes amies appelle « les pleurnicheries victimaires ».

Pourtant les propos du premier ministre n'ont rien de faux. Il a dit tout simplement tout haut ce qu'une majorité de musulmans pensent tout bas. Il a dit ce que disent la plupart des intellectuels réformistes musulmans depuis des décennies, c'est-à-dire depuis que l'islamisme s'est imposé comme acteur sociopolitique dans toutes les vies politiques des pays musulmans, mais aussi en occident. Ces intellectuels sont des musulmans eux-mêmes. Serait-il logique de les accuser de faire la promotion de leur propre stigmatisation ou de leur propre haine ? Monsieur Couillard n'a pas attaqué l'islam ni en tant que dogme, ni en tant qu'expérience spirituelle, ni en tant que pratique individuelle. Il a tout simplement fait ce que nous faisions depuis des années. Il a appelé les musulmans d'ici et d'ailleurs à assumer leurs responsabilités pour lutter contre le détournement de leur dogme et de leur spiritualité pour justifier des actes de violence contre des innocents. En tant que musulman et en tant qu'islamologue, je souscris parfaitement et sans réserve à cet appel. Suis-je donc islamophobe? Est-ce que je me déteste moi-même?

Dans une intervention très nuancée, Philippe Couillard a fait clairement la différence entre islam et dérives islamistes.

Dans une intervention très nuancée, Philippe Couillard a fait clairement la différence entre islam et dérives islamistes. Il a toujours mis en garde contre le danger de stigmatisation de l'ensemble des musulmans. Que peut-on reprocher à notre premier ministre quand il appelle les musulmans à prendre leurs responsabilités dans la critique de l'idéologie islamiste ? Les "entrepreneurs ethniques" ont immédiatement sauté sur l'occasion pour jouer la carte de la victimisation, et profiter de l'occasion pour faire parler d'eux encore une fois.

Or, Monsieur Couillard a raison. Les actes de violence qu'il dénonçait sont effectivement faits au nom de l'islam. Il y a toute une industrie qui produit l'idéologie islamiste et qui s'exprime dans les mosquées et les autres institutions de transmission de la culture islamique dont les salafistes djihadistes ont pris le contrôle partout dans le monde. Il revient à nous, les musulmans, de contester et de combattre cette idéologie qui se propage dans nos pays d'origine et dans nos diasporas en situation d'immigration, plutôt que de rester dans le déni et de jouer la carte de la victimisation.

Il faut se sortir la tête du sable et affronter la réalité de notre monde moderne. Sans minimiser l'effet des politiques occidentales sur les injustices qui touchent l'espace de l'islam partout dans le monde, il est grand temps que nous nous remettions en question et que nous cessions d'accuser constamment les autres pour les malheurs qui nous frappent. Il est plus qu'urgent de sortir de cette logique de victimisation sclérosée et inutile, voire contreproductive. Jouer le rôle de l'éternelle victime ne fera pas avancer nos causes ni arrêter les injustices qui nous frappent partout dans le monde. Les tensions que nous vivons avec nos sociétés d'accueil sont réelles, très profondes et d'une extrême gravité. Nous devrions avoir le courage de reconnaitre que la crise de notre culture est d'une étendue et d'une dangerosité telle qu'elle mérite d'être comprise et évaluée à sa juste mesure. Il faut que nous cessions de faire comme si elle n'existait pas ou qu'elle est seulement, comme le prétend l'islamisme, une construction produite par la haine obsessionnelle de l'orientalisme occidental. Ce simplisme déterministe est non seulement stérile, mais aussi trompeur, car c'est lui qui nous inspire cette posture de l'éternel musulman persécuté. Cette posture, avec tous les raccourcis intellectuels qui la fondent, est complètement improductive. Elle ne fait qu'aggraver nos problèmes. L'islam a aujourd'hui besoin d'être réformé. Qui voulez-vous qui lance ce projet de réforme ? Devrions-nous appeler des rabbins juifs, des prêtres chrétiens ou des moines bouddhistes pour réformer notre propre religion ! Qui à part nous autres, les musulmans pourraient le faire. C'était tout simplement le sens du message de notre premier ministre. Je terminerai par un appel aux Médias. En tant que citoyen québécois de confession musulmane, les deux personnes qui ont le droit et le devoir de me représenter sont Monsieur Steven Mackinnon mon député au parlement fédéral et Madame Stéphanie Vallée, députée de Gatineau et ministre de la justice au parlement provincial. À part ces deux personnes pour qui j'ai voté, aucune personne, qu'elle soit imam, activiste ou autre, n'a le droit de parler en mon nom ni prétendre me représenter auprès des autorités ou de l'opinion publique québécoise ou canadienne.

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Avril 2018

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