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Coronavirus: ce que cache le regain mondial des contaminations

Le nombre de cas de COVID-19 repart à la hausse dans plusieurs pays d'Europe et du monde. Les jeunes sont pointés du doigt, mais d'autres vecteurs, comme les inégalités sociales ou les manquements des États, existent.
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Dans les premiers mois de la pandémie de COVID-19, la Grèce s’est illustrée par son efficacité face à la maladie. Le gouvernement a pris des mesures rapides en fermant ses frontières à la fin du mois de février, évitant ainsi les importantes pertes humaines subies ailleurs sur le continent ou dans le monde, tout en se gardant la possibilité de rouvrir rapidement.

Le pays a commencé à assouplir le confinement dès début mai et, à la mi-juin, elle a accueilli les premiers touristes étrangers, alléchés par la promesse d’une escapade dans un pays ensoleillé et largement épargné par le coronavirus.

Mais depuis, le nombre de cas a connu une hausse alarmante. Les scientifiques estiment que la Grèce entre actuellement dans une deuxième vague. Dimanche dernier, 203 nouveaux cas sont apparus, soit le maximum de cas journaliers recensés sur le territoire depuis le début de la pandémie.

«Don’t Kill Granny»

Certains y voient une hausse des tests pratiqués. D’autres accusent les fêtards, plus ou moins jeunes, qui se retrouvent en nombre sur les plages et dans les boîtes de nuit. Lundi, le gouvernement a ainsi décrété la fermeture nocturne des bars et restaurants de destinations populaires et très touristiques comme les îles de Mykonos, Santorin et Corfu.

«Malheureusement, le virus se propage à une vitesse de plus en plus alarmante», a déclaré le ministre de la santé, Vasilis Kikilias. «Je demande encore une fois aux jeunes et aux citoyens qui ne respectent pas les gestes de protection de base - le port du masque, les règles d’hygiène, la distanciation - de prendre leur responsabilité vis-à-vis de la population vulnérable, du reste de leurs concitoyens et du pays.»

Un serveur dans un bar d’Athènes le 1er août. Depuis l’assouplissement du confinement, le nombre de cas de Coronavirus a explosé en Grèce.
Costas Baltas / reuters
Un serveur dans un bar d’Athènes le 1er août. Depuis l’assouplissement du confinement, le nombre de cas de Coronavirus a explosé en Grèce.

Les jeunes sont de plus en plus pointés du doigt, accusés de la hausse des contaminations aux quatre coins du continent. Au Royaume-Uni, un confinement local a été imposé dans la ville de Preston (au nord de Liverpool et de Manchester) la semaine dernière, après une augmentation notable de cas chez les moins de 30 ans, que les autorités sanitaires attribuent à des rassemblements dans des pubs et au domicile de certaines personnes.

Le gouvernement a riposté avec un slogan destiné aux jeunes: «Don’t Kill Granny» («Ne tuez pas mamie»), pour rappeler qu’on peut contaminer des personnes vulnérables même si on ne présente aucun symptôme.

«Inévitablement, les jeunes sont intrépides et courageux. Ils veulent de l’aventure, du mouvement», a déclaré Adrian Phillips, directeur général du conseil municipal de Preston, à la BBC. «Mais nous savons qu’ils sont porteurs du virus, qu’ils sont plus à risque en ce moment. Souvent, ils ont moins de symptômes, mais ils rapportent le virus chez eux. Et face à la propagation dans notre ville, nous pensons que bien souvent, ce sont les jeunes qui sont infectés et qui transmettent le virus chez eux.»

Même situation dans d’autres pays

Le même scénario s’est répété dans d’autres pays à mesure que les restrictions ont été levées. Début mai, la Corée du Sud peinait à contenir les foyers de COVID apparus dans plusieurs boîtes de nuit de Séoul. En Espagne, les soirées et les boîtes sont devenues de nouveaux foyers d’infection. En Allemagne, les autorités sanitaires ont mis en garde contre le relâchement de la population en matière de distanciation physique. Et aux États-Unis, les autorités ont accusé les soirées d’être un facteur majeur de la hausse des taux d’infection.

«Nous constatons que les rassemblements et les événements sociaux où les gens ne portent pas de masque sont la principale source d’infection ici», a affirmé Erika Lautenbach, directrice du département de la santé du comté de Whatcom, dans l’État de Washington, à la station de radio publique NPR. Cela n’a rien de surprenant puisque le coronavirus se propage plus facilement lors de contacts rapprochés, surtout dans les lieux intérieurs.

«Les lieux de vie nocturne sont généralement mal ventilés et le volume de la musique oblige à parler fort, ce qui est un facteur de risque avéré», a expliqué Joan Ramón Villalbí, porte-parole de la Société espagnole de santé publique et d’administration sanitaire, au quotidien El País.

«L’économie et le tourisme ont besoin de survivre»

On peut reprocher aux gens de ne pas suivre les recommandations officielles de distanciation physique et de participer à des soirées et des raves illégales. Mais beaucoup de pays ont aussi encouragé les clients à retourner dans les bars, restaurants et autres établissements pour sauver le secteur hôtelier. Dans de telles circonstances, surtout après des mois de confinement, les appels à la modération restent parfois lettre morte.

Au Royaume-Uni, à la réouverture des pubs le mois dernier, les lieux de vie nocturne populaires ont été vite pris d’assaut par les fêtards en cette période de vacances estivales. Le président du syndicat de la police, John Apte, a d’ailleurs noté que les personnes alcoolisées semblaient incapables de bien respecter la distanciation physique.

On sait depuis le début, y compris en Grèce, qu’en levant les restrictions sur les voyages et en rouvrant les commerces, on risquait de voir les contaminations repartir à la hausse. «Nous le savions tous, les scientifiques, les experts et nous-mêmes», a admis Vassilis Kikilias le mois dernier. Mais «l’économie et le tourisme ont besoin de survivre».

Des noctambules rassemblés dans Old Compton Street, le quartier des bars et des discothèques de Soho, à Londres, le 18 juillet.
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Des noctambules rassemblés dans Old Compton Street, le quartier des bars et des discothèques de Soho, à Londres, le 18 juillet.

D’autres sources de contamination identifiées

Les jeunes qui fréquentent les bars et les soirées ne sont pas les seuls responsables de la propagation du virus. Bien d’autres situations favorisent les contacts rapprochés, comme le retour progressif d’une partie des salariés sur leurs lieux de travail. Des foyers de l’épidémie sont également apparus dans les résidences pour aînés, les abattoirs, les entrepôts et les centres logistiques, les logements sociaux et d’autres hébergements collectifs, tous densément peuplés ou réunissant des conditions propices (températures, non distanciation,...) à la propagation du virus.

Au Royaume-Uni, la ville de Leicester a été la première à connaître un confinement local fin juin suite à l’explosion de cas de COVID. Si les autorités sanitaires publiques n’ont pas identifié de causes précises de l’infection, des responsables se sont montrés préoccupés par les usines de vêtements et de transformation d’aliments dont les employés dénoncent depuis des années des conditions de travail déplorables.

En juillet, Matt Hancock, le secrétaire d’État à la Santé se disait «très inquiet des conditions de travail dans certaines usines». La situation est semblable en Allemagne et d’autres pays, notamment aux États-Unis, où les employés (souvent des immigrés ou des personnes de couleur) travaillent la plupart du temps dans des conditions dangereuses et vivent dans des dortoirs surpeuplés ou dans des foyers où se côtoient plusieurs générations.

Un garçon plonge des falaises de la plage de Magaluf, à Majorque (Espagne), le 30 juillet. La région est très prisée des touristes, surtout britanniques.
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Un garçon plonge des falaises de la plage de Magaluf, à Majorque (Espagne), le 30 juillet. La région est très prisée des touristes, surtout britanniques.

Certains manquements ou défaillances des pouvoirs publics ont aussi joué un rôle dans la recrudescence de la pandémie dans certains pays. En Australie, le système de quarantaine à l’hôtel mis en place dans l’État de Victoria est sans doute responsable, du moins en grande partie, de l’explosion des cas dans la région. Dans d’autres régions du pays, la police et l’armée ont été chargées de veiller à la mise en quarantaine des voyageurs revenant dans le pays.

À Victoria, en revanche, on a fait appel aux entreprises de sécurité privées qui ne semblent pas avoir reçu de formation adéquate ni d’équipement de protection nécessaire. Leurs agents auraient aussi fait du covoiturage dans le cadre de leur travail et eu des interactions régulières avec les personnes en quarantaine. Le gouvernement a annoncé la formation d’une commission d’enquête qui se réunira dès la semaine prochaine pour identifier les défaillances du système de quarantaine dans l’État de Victoria.

La Nouvelle-Zélande s’empresse aussi d’identifier les causes d’apparition d’un nouveau foyer de COVID-19 après que quatre membres d’une famille ont été testés positifs (ce sont les premiers cas officiels de contamination locale recensés depuis 102 jours). Face au retour du virus, le gouvernement a décidé de confiner Auckland, la plus grande ville du pays, afin que les autorités sanitaires tentent d’identifier la cause de l’épidémie et la contenir.

Cette semaine, la France a également durci les règles sur les rassemblements publics et encouragé le port du masque généralisé après une augmentation des nouveaux cas de COVID (785 cas supplémentaires en un jour).

Quelque 10 000 personnes se sont réunies lors d’une rave dans le Parc national des Cévennes, dans le sud de la France, le 10 août.
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Quelque 10 000 personnes se sont réunies lors d’une rave dans le Parc national des Cévennes, dans le sud de la France, le 10 août.

Les minorités plus vulnérables

Enfin, des données indiquent que, dans beaucoup de pays, les communautés pauvres et les minorités sont les plus vulnérables face au virus, conséquence des inégalités économiques. Début mai, deux études anglaises ont notamment révélé que les minorités ethniques du pays avaient plus de risque de mourir de la COVID-19 que leurs concitoyens blancs. Conséquence de facteurs «socio-économiques», selon elles.

Des critiques s’élèvent pour dénoncer le manque de réactivité des autorités qui peinent à offrir à ces communautés un soutien adéquat. Au Royaume-Uni et en Australie, par exemple, les responsables du gouvernement ont été pointés du doigt pour leur mauvaise communication des règles sanitaires et de sécurité auprès des non-anglophones natifs.

«Je crois que personne n’attendait des explications scientifiques immédiates des très nombreux décès de la COVID-19 chez les personnes de couleur», déclarait le Dr Chaand Nagpaul, président du conseil de l’association médicale britannique, au HuffPost britannique, en juin. «Mais nous attendions des mesures concrètes pour protéger les populations que l’on savait à risque.»

«Les générations plus âgées, comme celle de ma mère, qui a la soixantaine, ou ses parents, n’ont souvent aucun accès à Internet», a expliqué au au HuffPost australien Huong Truong, fille de réfugiés vietnamiens. «Tout passe par le bouche-à-oreille, les réseaux familiaux et les jeunes comme moi qui les renseignent sur ce qui se passe ou rectifient les fausses informations qui circulent.»

Il n’y a rien de mal à ce que les autorités rappellent au public de rester vigilant et d’agir de façon responsable. Tant qu’il n’y a pas de vaccin, suivre les recommandations officielles sur le lavage des mains, la distanciation physique, le port du masque et les autres mesures de sécurité sera décisif pour endiguer la propagation du virus. Cependant, ces recommandations n’ont pas toujours été bien communiquées au public et certains responsables n’ont pas suivi lesdites recommandations, ce qui a compromis l’efficacité des mesures officielles pour contenir l’épidémie.

Au Royaume-Uni, notamment, les chercheurs ont mis en évidence un «effet Dominic Cummings». La décision du conseiller spécial de Boris Johnson de quitter Londres en famille, au mépris des restrictions de circulation en plein confinement national, a entamé la confiance du public dans son gouvernement et pourrait avoir nui au respect des mesures de confinement.

Avec les contributions des HuffPost britannique, français et australien.

Cet article, publié sur le HuffPost américain, a été traduit par Valeriya Macogon pour Fast ForWord.

Ce texte a été publié originalement sur le HuffPost France.

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