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Les 36 cordes sensibles des Québécois, 45 ans plus tard

En fouinant sous la poussière du grenier, au fond du coffre aux souvenirs, j'ai mis la main sur un bouquin publié en 1978. Je n'ai pas été le seul à le lire passionnément puisqu'il s'en est vendu 35 000 exemplaires. Un succès, surtout à cette époque. Ce livre est le résultat d'un travail acharné quotidien de bénédictin pendant 10 ans, depuis 1968.
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En fouinant sous la poussière du grenier, au fond du coffre aux souvenirs, j'ai mis la main sur un bouquin publié en 1978 ! Je n'ai pas été le seul à le lire passionnément puisqu'il s'en est vendu 35 000 exemplaires. Un succès, surtout à cette époque, intitulé les 36 Cordes sensibles des Québécois. Jacques Bouchard, celui qui a créé la première agence de publicité québécoise, BCP, et que l'on surnommait le père de la publicité, en est l'auteur. Le livre est le résultat d'un travail acharné, quotidien de bénédictin pendant 10 ans, depuis 1968. Ce qu'on appelle aussi un travail sur le terrain.

Sur son bureau, il y avait six filières qui représentaient les six racines de notre peuple soit: les ancêtres paysans, vivant en Amérique du Nord dans une position minoritaire, Français-latin d'origine, encore tous catholiques à cette époque.

Au cours des années 1970, il ajouta six chemises dans chacune: elles correspondaient aux 36 cordes sensibles à l'origine de sa grille d'analyse.Toutes les enquêtes, les manchettes de journaux, les reportages, tout sur le comportement des consommateurs d'alors, tout aboutissait dans une de ces chemises. Ce dossier devint l'étude magistrale d'un homme de terrain. Rien de scientifique, mais une documentation bien étoffée. Toutes ses campagnes publicitaires à succès se sont inspirées de ce savoir. Jacques Bouchard disait que le secret, c'est de connaître les consommateurs. Toutes les réclames devaient ressembler aux consommateurs, leur dire ce qu'ils aimaient. Le Québécois de 1978 avait un besoin de fierté, de convivialité, d'enracinement et d'hédonisme.

Si vous êtes âgés de plus de 50 ans, vous vous souvenez sans doute de «On est 6 millions, faut se parler» pour Labatt, «On est 12012 pour vous servir» pour Hydro-Québec, «Qu'est-ce qui fait chanter les p'tits Simard» pour Laura Secord, «Dominion nous fait bien manger» ou «Mon bikini, ma brosse à dents» pour Air Canada. Toutes des publicités à grand succès de son cru. À ces quelques slogans qui ont survécu plusieurs décennies, il a toujours associé des vedettes, que ce soit Dominique Michel, Juliette Huot, Olivier Guimond ou les p'tits Simard.

Les Québécois entretiennent encore une relation unique avec leurs artistes. Ceux-ci sont des dieux et des membres de la famille. Il est payant pour les publicitaires de jouer sur cette corde. Peut-on penser à Bell sans Benoit Brière (100 messages) ou Pepsi sans Claude Meunier (75 messages en 20 ans)? Ils font partie de la famille. Un phénomène très québécois, donc un élément indispensable à la publicité, dira notre auteur.

Je n'ai pas ici l'espace pour énumérer les 36 cordes. Je ne ferai mention que de quelques-unes, et je tenterai de discerner leur évolution durant les 45 années qui ont suivi. Un exercice intéressant pour les 50 ans et plus comme moi, qui permet d'identifier les nouvelles cordes sensibles du récent Québécois.

En vous invitant à dénicher le bouquin original dans les bibliothèques publiques, il y a des sites sur l'internet qui abordent le sujet, vous pourriez faire l'exercice suivant que je propose. À défaut des cordes de 1978, le plus jeune sans l'information historique pourrait tenter de brosser le tableau de 2013.

Depuis 1978, il est évident que la racine du catholicisme a perdu des poils et même beaucoup, mais, au grand damne, l'élection récente d'un pape a semé tout un émoi passionnel. La spiritualité et le mysticisme se terrent à l'ombre. Peut-on parler d'un catholicisme civique et non religieux.

Le célèbre bas de laine qui a longtemps décrit le volet économe du Québécois est largement percé avec de grands trous. Nous dépensions 75% de notre salaire à cette époque alors qu'aujourd'hui nous nous endettons de 60$ à chaque gain de 100$ et sommes devenus des boursicoteurs et de super consommateurs. Il fut un temps où l'anti-mercantilisme traditionnel a connu des ratés, où le monde des affaires et l'entreprenariat ont commencé à fleurir, mais on voit revenir la hantise du capitalisme, du privé et de la grande richesse. Toujours la subtile relation avec l'argent. C'est au Québec où l'on retrouve le moins d'individus animés par l'entrepreneuriat.

La vieille corde terrienne du gros bon sens s'est envolée pour faire place aux opinions instantanées qui manquent totalement de recul et d'expériences. Réagissez maintenant, proclament tant de médias. Tout comme la simplicité terrienne remplacée par la forêt électronique.

Nous ne sommes plus les perpétuels porteurs d'eau à la solde de l'establishment anglophone, mais des audacieux capables de leadership et d'audace. Notre complexe d'infériorité issu de notre racine de minoritaire bat de l'aile pour être remplacé par la fierté. L'esprit de clocher a pris un virage avec le «pas dans ma cour» en flirtant avec le fanatisme politique et un patriotisme belliqueux. L'étroitesse d'esprit et le commérage ont pris une envergure avec les réseaux sociaux.

Le matriarcat prend de plus en plus du galon avec la présence importante des femmes dans toutes les sphères de la société et la grande cohorte majoritaire qui sortira des écoles et universités prochainement. Doit-on aussi conclure que nous aimons moins les enfants parce que nous en faisons moins? Le confort s'est trouvé une place à grande enjambée.

D'inventeurs-créateurs nous sommes devenus des scientifiques créateurs. Le conservatisme et l'attachement aux traditions a fait place à un intérêt porté sur le monde et la planète au détriment de notre histoire, à un hédonisme et un super confort qui ont volé la vedette traditionnelle à la discipline et la persévérance. On veut tout maintenant. L'individualisme a fait un bond en avant. La sentimentalité dans les téléromans a fait place aux événements-chocs et brutaux. Les hommes y exhibent un modèle masculin plus tatas. La joie de vivre a ouvert la porte à l'humour à outrance. Ou est-ce cette dernière qui est le symptôme d'un changement plus important et insidieux?

L'immigration galopante modifiera la souche française et les cordes sensibles, d'autant plus que la natalité est à la baisse. Le racisme a presque disparu pour laisser place à une xénophobie modérée.

Mais à votre tour de sortir votre pinceau pour brosser le portrait des consommateurs d'aujourd'hui et surtout d'en souligner les changements ou la continuité. Écrivez vos commentaires en indiquant votre âge, un détail qui me semble primordial.

Quelques chiffres indicateurs

Population

1976: 6 396 767

2010: 8 100 756

Naissances

1976: 98 022

2010: 88 500

Indice fécondité

1976: 1,7

1986: 1,3

2010: 1,7

Revenu familial

1974: 11,820$

2010: 57,500$

Prix moyen d'une maison unifamiliale à Montréal

1974: 43,868$

2010 282,000$

Sources variées, mais officielles.

Lisez d'autres textes de Claude Bérubé en visitant son blogue Leptitvieux.com

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