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Cette chance que nous avons de défendre nos convictions, sans que la haine...

Des images d'horreur, repoussantes, inhumaines. Voilà quelques heures déjà, quelques jours en fait, que tout mon réseau social, mon existence virtuelle, est traversé de ces images d'enfants morts, de femmes, et d'hommes qui tiennent dans leurs bras, leur progéniture. Ces images de désolation, indicibles, dans tout ce que l'être humain est capable pour rappeler son origine de bestialité...
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Des images d'horreur, repoussantes, inhumaines. Voilà quelques heures déjà, quelques jours en fait, que tout mon réseau social, mon existence virtuelle, est traversé de ces images d'enfants morts, de femmes, et d'hommes qui tiennent dans leurs bras, leur progéniture. Ces images de désolation, indicibles, dans tout ce que l'être humain est capable pour rappeler son origine de bestialité...

Je ne suis pas dupe. Je sais très bien que ceux qui sont assez fous pour se faire la guerre, pour s'entredéchirer, jusqu'à y laisser la peau de leurs enfants, sont aussi maîtres dans l'art maniaque de la propagande. Cet enfant calciné? On le montre maintenant comme un martyr de Gaza, il est peut-être syrien, irakien... Il est peut-être mort il y a trois ans... Mais il est mort et il a peut-être aussi été sacrifié plus tôt aujourd'hui.

Il y a encore, comme cela est-ce possible, mais c'est portant vrai, des gens qui risquent leurs vies en ce moment en Palestine, en Syrie, afin que le monde sache ce qui s'y passe vraiment. Il arrive encore, et c'est là la rançon de leur courage, que ces images soient vraies, qu'elles soient authentiques, qu'elles parlent en direct, sans filtre, pour que l'humanité sache...

En notre époque, alors qu'au moyen d'un téléphone on peut capter le moment présent et le jeter, sans filtre encore, dans l'existence virtuelle pour qu'il soit partagé instantanément, il est possible qu'un citoyen transi de peur, pris dans un de ces enfers indicibles, puisse aussi partager cette image. Affolante perspective. Bien réelle.

Alors que ces pensées me traversent l'esprit, dans le confort de mon existence présente, je me rappelle une chose... Je ne connaissais rien du conflit, éternel dirait-on, entre Palestiniens et Israéliens. Je commençais à m'intéresser à la politique, les lectures de Pierre Valières, d'Aquin de Miron et de Bourgault me grisaient; j'avais un penchant aussi pour les anarchistes, Kropotkine, Malatesta, Louise Michel ou Emma Goldman... J'ai lu avec la plus grande attention La grande armée du drapeau noir de George Blond, les gibets de Chicago, Ravachol, Max Stirner...

J'aimais discuter dans les cafés enfumés (c'était encore permis et désagréable, je ne fumais pas) de politique, DU politique. Un jour, un militant de gauche de mon coin, un palestinien, m'a instruit de sa réalité, de son combat. Pour lui (Mohamed est son nom, il est devenu un ami, je l'ai perdu de vue depuis un moment), la lutte prenait un autre sens. Elle était réelle. J'étais résolument indépendantiste et me prenais parfois à regretter l'époque plus agitée des luttes actives de l'histoire de mon peuple. Si seulement j'avais connu le bouillonnement des années 60-70 me disais-je...

Mohamed me parlait des combats, car il s'était battu, les armes, les pertes de proches, la haine aussi. Viscérale. Ce sentiment qui fait que l'on ne rebute plus à la pensée folle de vouloir tuer son prochain. Ce sentiment qui pousse l'être humain à la barbarie.

Je n'ai jamais connu ce sentiment. Jamais. Et c'est à ça que je pense en ce moment. Je milite depuis aussi longtemps que je me souvienne pour l'indépendance de ma nation, le Québec. J'y crois avec la plus intense des convictions, comme quelque chose qui va de soi, qui transcende. Mais je ne me connais aucun ennemi.

Il y a bien une autre nation qui empêche la mienne de s'émanciper complètement, trop souvent de façon déloyale, mais je ne me connais pas d'ennemis. J'ai des adversaires politiques. Ce sont des adversaires, pas des ennemis.

Lors d'une de nos conversations, Mohamed m'avait dit que nous ne serions jamais indépendants au Québec, car nous ne haïssions pas ce qui nous asservissait. Cela m'avait choqué. C'était quelques années après le référendum de 95 et je me souviens très bien d'avoir répondu à ça que bien que ce déni de démocratie (on en connaît aujourd'hui l'ampleur) me révoltait, j'étais convaincu de ceci, presque n'importe ailleurs sur la planète, un tel dénouement aurait provoqué un bain de sang. J'étais fier de mon peuple, car il n'avait jamais considéré cette avenue-là. Fier aussi que devant moi, cette autre nation n'eût pas répondu non plus par la tentation des bottes ou de la répression.

Non, il n'y a pas eu de ça. Un parti souverainiste a été réélu à Québec et les indépendantistes, sonnés, ont pansé leurs plaies... Nous vivons encore aujourd'hui, politiquement et socialement, les stigmates de ce moment charnière de notre histoire. Et pourtant, j'y crois encore.

Assez pour continuer à me battre, armé de ma conviction profonde que cela doit se réaliser, que le temps joue contre ma nation, armé de mes arguments, de mes idées, mais pas de haine. Aucunement. J'ai beaucoup d'amis qui habitent le ROC, j'y ai travaillé et ai habité cinq provinces différentes. J'aime discuter de politique, de mes convictions avec eux, on lève le ton parfois...

Voilà à quoi je pense en ce moment. À cette chance que j'ai d'avoir des convictions profondes, transcendantes, de pouvoir les défendre librement, de pouvoir argumenter avec mes adversaires politiques.

Sans que la haine... Je ne la connais pas.

Voilà qui est plus précieux que tout. Une conviction que je partage avec mon adversaire politique, la vie de ces proches, de ces enfants, est aussi précieuse que l'affection que je porte aux miens. Nous ferons du Québec un pays, j'en suis convaincu. Mais le mépris, pire, la haine de nos adversaires politique ne nous y conduira jamais.

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Avril 2018

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