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À quand une contraception hormonale pour les hommes?

«Le jour où on sera rendus là, ça participera à une réelle égalité entre les genres.»
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La contraception hormonale féminine existe depuis les années 1960. Si cette découverte a été vécue comme une libération pour de nombreuses femmes, elle est aussi devenue, au fil des années, une charge mentale de plus pour elles. Aujourd’hui, près de 60 ans plus tard, il n’existe toujours aucune contraception masculine officielle, autre que le condom (dont le taux d’efficacité réel est seulement de 82%) et la vasectomie (une procédure qui peut faire peur).

Depuis plusieurs années, les recherches en la matière se multiplient, mais les résultats prometteurs se font toujours attendre. En cette Journée mondiale de la contraception, le HuffPost Québec s’est intéressé aux différentes avenues qui pourraient être offertes bientôt aux hommes... et à ce qu’elles pourraient représenter pour les femmes.

Le gel contraceptif

Les premières études sérieuses sur le sujet datent du début des années 2010, relate la Dre Édith Guilbert, médecin conseil à l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ). Au départ, il s’agissait d’une injection de testostérone, que les hommes devaient se faire toutes les semaines. Mais les effets secondaires (acné, changements d’humeur, lipides sanguins, problèmes de prostate) étaient trop importants. On a donc ajouté des doses de progestatifs. Mais la partie «injection hebdomadaire» posait toujours problème, explique Dre Guilbert.

Le National Institute of Child Health and Human Development, aux États-Unis, a donc développé un gel à base de progestatifs et de testostérone. Les hommes doivent appliquer ce produit sur la peau, sur le haut des bras et les épaules, tous les jours. Ce projet de recherche est actuellement dans la deuxième phase de développement, c’est-à-dire qu’il est présentement testé auprès de 400 couples. Ce serait le plus prometteur en ce moment, selon la médecin conseil de l’INSPQ.

La première phase a déjà démontré une bonne efficacité du produit, selon Édith Guilbert. Toutefois, cela prend entre huit et seize semaines au gel avant d’être actif. Et, tout comme la pilule pour femmes, il comporte tout de même un risque, puisque l’homme doit appliquer le gel tous les jours.

Vous devrez toutefois être patients, messieurs, puisque ce produit doit encore passer par la troisième phase de développement, et ne sera pas disponible sur le marché canadien avant cinq ou dix ans, selon Dre Guilbert.

La pilule pour hommes

«Ça fait presque 20 ans que j’en entends parler, mais ça n’aboutit jamais», résume Annabelle Caron, coordonnatrice au développement communautaire au Centre de santé des femmes de Montréal.

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Un projet de pilule pour hommes a traversé avec succès une première étape d’étude clinique, en mars dernier, malgré les quelques effets secondaires répertoriés. Là encore, on envisage que sa mise en marché pourrait se faire dans une dizaine d’années.

Mais... pourquoi c’est si long?

«C’est assez phénoménal que près de 60 ans après l’arrivée de la pilule, on n’ait toujours pas de contrepartie masculine», souligne Francine Descarries, professeure au département de sociologie de l’UQAM et membre fondatrice de l’Institut de recherches et d’études féministes.

«Ça montre que le contrôle de la contraception a toujours été une affaire de femmes, ajoute-t-elle. On peut se demander quels efforts ont été mis en place au cours des dernières décennies.»

Le saviez-vous?

Selon l’Association des obstétriciens-gynécologues du Québec, environ 50 % des grossesses sont toujours non planifiées dans la province, et 30 % d’entre elles se terminent par une interruption volontaire de grossesse.

On a souvent évoqué que c’était «plus compliqué» de développer une contraception hormonale pour les hommes, étant donné qu’ils produisent des spermatozoïdes à tous les jours, contrairement aux femmes, qui ovulent une fois par mois, évoque Mariane Labrecque, co-coordonnatrice de la Fédération pour le planning des naissances du Québec. Mais selon elle, c’est surtout une question de volonté.

Selon Annabelle Caron, c’est probablement (comme toujours, n’est-ce pas?) une question d’argent. C’est encore plus payant d’investir dans la contraception féminine, de toute évidence.

«Tout est une question de marché, et il faut que les compagnies pharmaceutiques sentent qu’il y a un intérêt dans la population.»

Un jour viendra...

Mariane Labrecque rêve pourtant du jour où la contraception sera autant l’affaire des hommes que des femmes: ce sera une véritable «révolution contraceptive»!

«Combien de temps ça va prendre avant que les hommes commencent à se responsabiliser par rapport à ça? Le jour où on sera rendus là, ça participera à une réelle égalité entre les genres.»

«Chéri, as-tu mis ton gel?»

Oui mais... de nombreuses femmes se sont demandé si elles feraient assez confiance à leur partenaire pour que ce soit lui qui porte la responsabilité de la contraception. Il reste que si monsieur est négligent, c’est quand même madame qui devra porter ledit bébé!

«Ça, c’est une énigme qu’on n’est pas près de résoudre!» croit la Dre Édith Guilbert.

“On a longtemps pensé que les hommes n’étaient pas intéressés, mais ce n’est peut-être pas si vrai.”

- Dre Édith Guilbert, médecin conseil à l'INSPQ

Pour Mariane Labrecque, ce problème est toutefois secondaire. «Le fait qu’il y ait des options, ça va permettre le partage de la charge mentale contraceptive.»

«C’est sûr que ça va demander un énorme changement culturel, un éveil de conscience», ajoute-t-elle.

«On a longtemps pensé que les hommes n’étaient pas intéressés, mais ce n’est peut-être pas si vrai, avance Dre Édith Guilbert. Des enquêtes provenant de multinationales ont révélé que plus de 50% des hommes se disaient intéressés à utiliser un contraceptif réversible qui n’apporterait pas de complications... contre toute attente!»

Et pour les couples stables, ce pourrait être une option intéressante. Pourquoi ne pas alterner chaque année?

Un «chauffe-couilles»?

Quelques alternatives plus «mécaniques» ont déjà vu le jour en Europe, comme l’Andro-switch. Il s’agit d’un anneau en silicone qui sert à remonter les testicules, qui se réchauffent au contact de la peau, et ne produisent donc plus de spermatozoïdes.

Dans le même ordre d’idées, il existe aussi un «slip chauffant» qui doit être porté quinze heures par jour. En France, il existe même des ateliers pour le concevoir soi-même.

Alors, messieurs, que choisirez-vous?

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