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Recyclage: la consigne élargie signe-t-elle l'arrêt de mort de la collecte sélective?

«La proposition du gouvernement met pratiquement fin au système actuel de la collecte sélective», estime le Conseil de la transformation alimentaire du Québec.

Si l’annonce de l’élargissement de la consigne à contenants de boissons en plastique, en verre et en métal réjouit de nombreux militants écologistes, certains intervenants s’inquiètent de son effet sur la collecte sélective, déjà mise à mal par la crise du recyclage.

«La proposition du gouvernement met pratiquement fin au système actuel de la collecte sélective», a dénoncé jeudi le Conseil de la transformation alimentaire du Québec (CTAQ) par voie de communiqué.

En entrevue avec le HuffPost Québec, sa présidente-directrice générale Sylvie Cloutier a dit voir d’un bien mauvais oeil le dédoublement des structures de récupération, soulignant que certains de ses membres vont se retrouver à financer deux systèmes parallèles.

Les entreprises qui produisent des contenants, des emballages et des imprimés pour le marché québécois paient l’ensemble des coûts à la collecte sélective, estimée à 180 millions pour 2020.

«On constate que le système de la collecte sélective sera encore plus fragilisé parce que le transfert de matières du bac bleu à la consigne va priver la collecte sélective d’un financement de 30 millions de dollars», renchérit Yourianne Plante, directrice des communications chez Éco Entreprises Québec (ÉEQ), l’organisme sans but lucratif (OSBL) qui représente les entreprises finançant la collecte et le tri du bac de recyclage.

«Personne au CTAQ n'est heureux de voir les emballages et contenants pour lesquels on paie le recyclage se retrouver au dépotoir», assure Sylvie Cloutier. Mais elle ne croit pas que la solution passe par l'élargissement de la consigne.
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«Personne au CTAQ n'est heureux de voir les emballages et contenants pour lesquels on paie le recyclage se retrouver au dépotoir», assure Sylvie Cloutier. Mais elle ne croit pas que la solution passe par l'élargissement de la consigne.

Avec le nouveau système, les entreprises qui fabriquent des contenants consignés financeront plutôt la gestion de la consigne. ÉEQ estime la contribution actuelle de ces entreprises à la collecte sélective à 30 millions de dollars. Sylvie Cloutier ajoute que certaines entreprises qui fabriquent différents types d’emballages se retrouveront même à financer deux systèmes parallèles.

Yourianne Plante et Sylvie Cloutier craignent aussi de voir fondre les revenus des centres de tri en raison du changement en les privant de matière dont ils ont bien besoin.

Dans le contexte de la crise du recyclage, ceux-ci peinent à trouver des débouchés pour leurs matières - notamment le papier - depuis que des pays comme la Chine et l’Inde n’en veulent plus.

Mais, comme le soulignent les deux femmes, les matières qu’on retire du bac avec la consigne élargie sont «des matières payantes», plastique de polytéréphtalate d’éthylène (connu sous l’acronyme anglais de PET).

ÉEQ réclame des compensations, notamment pour la portion de contenants consignés qui aboutira inévitablement dans le bac de recyclage.

Des inquiétudes partagées par David Lefebvre, vice-président pour le Québec chez Restaurants Canada, un OSBL représentant le secteur des services alimentaires.

«Où est l’argent pour les centres de tri?» s’est-il demandé dans une série de tweets jeudi.

Une réforme s’impose

Si la décision du gouvernement Legault signe effectivement l’arrêt de mort de la collecte sélective telle qu’on la connaît, ce n’est pas Équiterre qui va la pleurer. L’organisme milite depuis «des décennies» pour l’élargissement de la consigne.

«On est dans une situation où on doit faire des changements rapides et transformateurs de nos modèles», estime la directrice générale, Colleen Thorpe. «Il faudra trouver une solution pour nos bacs bleus, c’est clair. Mais si la solution veut dire qu’on freine des avancées comme la consigne, ça va être le statu quo».

« Dans le contexte d’un virage vers l’économie circulaire, la consigne contribue au fait de voir les contenants utilisés comme des ressources plutôt que des déchets», explique Mme Thorpe.

Équiterre estime que la collective sélective doit, de toutes façons, être réformée en profondeur.

«La collecte pêle-mêle cause un problème de contamination des matières», rappelle la directrice générale, Colleen Thorpe.

Elle estime que la consigne élargie vient atténuer le problème, puisqu’elle permet de faire le tri à la source. Elle aimerait d’ailleurs la voir étendue à davantage de contenants, «comme les pots de cornichons, par exemple».

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«Il faut aussi s’assurer que le montant de la consigne soit indexé et que ce soit un réel incitatif pour rapporter les contenants consignés», ajoute Mme Thorpe.

«Il faut repenser la collecte sélective», plaide-t-elle.

Un constat auquel fait écho Yourianne Plante, qui ne se prononce toutefois pas sur la nécessité de garder ou d’abolir la collecte pêle-mêle.

«La collecte pêle-mêle a permis d’augmenter la quantité récupérée. Maintenant que les Québécois sont les champions canadiens en volume de récupération, on peut penser à des façons d’améliorer la qualité», avance-t-elle.

«Dans une réforme, il faudrait regarder tous les aspects de la collecte», martèle Mme Plante. «Un des problèmes présentement, c’est qu’on n’a pas de diagnostic.»

Éco Entreprises Québec souhaite que la gestion de la collecte sélective soit confiée aux entreprises qui la financent, soit celles qui fabrique les contenants et emballages.

«Ainsi, dès qu’un contenant est mis en marché, l’entreprise serait responsable de ce contenant jusqu’à son recyclage», résume Mme Plante. «Ça responsabiliserait les entreprises.»

Celles-ci auraient donc avantage à choisir des matériaux qui sont facilement recyclables au Québec, comme le plastique PET.

Dans une optique de réduction à la source, Colleen Thorpe de Greenpeace espère quant à elle tout qu’on profite du vent de changement pour renforcer la place des contenants à usage multiple, comme ceux utilisés dans l’industrie brassicole depuis des années.

«Les brasseurs sont en train de mettre davantage de leurs produits dans des canettes. Il faudrait renverser cette tendance pour privilégier les contenants à remplissage multiple [comme la bouteille de bière standard]», conclut-elle.

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