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J’ai commencé à crier après mes enfants pendant le confinement

Aucun livre sur la parentalité ne peut te préparer à vivre une pandémie avec deux enfants en bas âge.
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«ARRÊTE DE ME LÉCHER LE VISAGE!» Le cri a déchiré le silence comme quand t’allumes la radio et que le volume est dans le tapis. Alors que le monde entier se fait dire de se laver les mains et d’éviter de se toucher le visage, ma fille de presque trois ans, elle, trouve que c’est vraiment drôle de lécher des choses: les poignées de porte, son petit frère, ses LEGO, ma face…

En temps normal, je lui aurais calmement réexpliqué - pour la 379e fois - qu’il faut respecter le corps des autres, que c’est désagréable de se faire lécher le visage, que les microbes rentrent par notre bouche si on la colle partout… Mais là, j’ai juste déchaîné mon coach de crossfit intérieur et j’ai hurlé.

Mon mari et moi ne sommes pas des parents qui crions. C’est quelque chose dont nous sommes fiers. Sans être des gourous de la parentalité positive, nous laissons beaucoup de liberté à nos enfants et nous sommes plutôt indulgents quand ils font des niaiseries.

Mais ça, c’était avant. Avant la pandémie qui nous confine tous les quatre ensemble dans notre appartement depuis un mois. Avant les symptômes grippaux qui nous ont privés pendant plus de deux semaines de la promenade quotidienne à l’extérieur, celle qui permettait à nos deux lapins Energizer de brûler un peu d’énergie et à maman et papa de garder un semblant de sanité. Avant que la COVID-19 ne nous enveloppe de son smog d’angoisse et de stress.

À l’ère du coronavirus, je suis une maman qui crie. Pour rien, en plus.

«Oh non, t’as renversé ton lait. Viens m’aider à ramasser le dégât» devient «JE T’AI DIT DE FAIRE ATTENTION AVEC TON VERRE DE LAIT!»; «Saute par terre, c’est mieux que sur le sofa» devient «ON NE SAUTE PAS SUR LE SOFA, J’AI DIT!»

C’est épuisant. Pour moi et pour mes amours, qui ne comprennent pas pourquoi la game a changé tout d’un coup à la maison. Pourquoi, tout d’un coup, maman crie et papa, qui a d’habitude la patience d’un moine bouddhiste, sort sa grosse voix?

Je me console en me disant qu’on n’est pas les seuls. Le mois dernier, à peine quelques jours après la fermeture des écoles et des services de garde, le service LigneParents de Tel-Jeunes rapportait une augmentation de 30% de son volume d’appels.

«Toute la routine [des parents] est chamboulée», m’expliquait la coordonnatrice de Tel-jeunes et LigneParents, Myriam Day Asselin. «Non seulement ils doivent s’adapter au télétravail ou à la perte de leur emploi, mais ils doivent en plus gérer leurs enfants toute la journée.»

Pourtant, «gérer tes enfants toute la journée», c’est comme la base quand t’es un parent. Il y a une règle non-écrite (ou plutôt, elle est écrite dans le Code civil) qui dit que quand t’as des enfants, tu dois t’en occuper.

Sauf que généralement, il y a des espaces dans la vie qui nous permettent de sortir de notre parentalité: le travail, les sorties en couple, même le trajet de métro avec un bon podcast dans les oreilles. Là, mon espace personnel, il est aux toilettes. Et encore là, le plus jeune s’étampe dans la porte en braillant chaque fois que je daigne la barrer.

Vous comprendrez que vendredi, lorsque le premier ministre Legault a évoqué la possibilité de rouvrir les écoles et les services de garde avant le 4 mai, j’ai bondi de joie.

Non, je ne souhaite pas que mes enfants servent de «cobayes» au gouvernement pour tester ses stratégies de santé publique, comme le disaient certains sur les réseaux sociaux. Mais comme l’a dit le directeur national de Santé publique, Dr Horacio Arruda, on ne peut pas prolonger le confinement pendant un an et demi dans l’attente d’un éventuel vaccin. Même du seul point de vue de la santé publique, Dr Arruda a souligné à maintes reprises que la distanciation sociale pourrait avoir des conséquences désastreuses si elle se prolonge trop: vague de suicides, violences domestiques, épidémie de maladies mentales…

Alors il va falloir trouver une balance. Apprendre à vivre avec ce virus qui rôde, mais recréer les espaces où on n’est plus juste «mamaaaaaaaaan».

Et, j’espère, arrêter de crier.

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