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Le confinement a bouleversé ma reconversion professionnelle

Avec quels yeux se projeter lorsque même l’imagination des plus enthousiastes est soumise à la contrainte sanitaire qui s’empare de tous les pans sociaux et personnels?
isabella antonelli via Getty Images

Dimanche d’un week-end de retrouvailles, nous sortons à peine d’une période historique de confinement sanitaire. Le sol crasse du salon dans lequel je me réveille contraste avec les précautions d’hygiène prises pour préparer les barbecues des deux soirées précédentes.

Aussi, pas de bises, pas d’embrassades, des tonitruants échanges aux confidences en aparté, une légère distance de rigueur est intégrée. Contrairement à mes habitudes, je ne ressors pas hagarde ni trop alcoolisée de ces lendemains de soirées. Non, c’est sûrement que l’heure est grave, la crise plane.

Aussi, je retiens des conversations que les habitudes sont en train de durablement changer, et il n’y a pas besoin d’une thèse pour affirmer que le monde d’il y a deux mois n’est plus. Petits comités composés de différentes professions, de différents secteurs, pour chacun, le grand mot était celui «d’adaptation».

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Née dans les années 1980, élevée par des parents ayant eu une vie professionnelle linéaire, formée par des enseignants m’ayant inculqué que notre civilisation, développée, plus jamais ne connaîtrait de pandémie, je constate que cet univers est obsolète.

Pour résumer, je ne suis pas une adulte dans le monde que j’ai connu enfant. Le souvenir d’un univers paisible, presque monotone de mon cadre préservé laisse place à la nécessité d’adaptation à un environnement mouvant et intransigeant où l’on est plus sauvé par sa capacité de rebond que sa maestria à vouloir construire une vie stable et tranquille.

D’ailleurs, me réjouissant de l’absence de fatalité chez mon entourage, je me demande très sûrement comme celui-ci, s’il ne sera pas encore plus vrai demain que notre propension au bien-être professionnel dépendra plus fortement de notre agilité sociale?

Hier, quand l’air du temps était à l’audace

Il y a de cela un peu plus d’un an, en recherche d’épanouissement, je faisais le grand saut dans l’aventure de la reconversion professionnelle. Forte de ma détermination et de mon irascible envie de changement, je prenais l’aventureuse décision de quitter Paris, mon travail et mes repères sociaux.

La conjoncture économique d’alors était plutôt morne, mais nous n’étions pas en crise. Étaient alors vantés l’esprit d’entreprise, l’école de la vie, les personnes qui s’en sortent sans diplôme, mais dotées d’un esprit futé. En marge du très normé monde professionnel, quelques ingénieux troublions dont j’ai pu croiser le chemin montaient leurs boîtes, s’installaient en indépendants, devenaient artistes, etc. Bref vivaient leurs rêves ou leurs ambitions les plus démesurées.

L’air du temps était à l’audace. De mon constat et à la lecture des articles comme des profiles LinkedIn, c’étaient des reconversions choisies, mais non sans embûches dont bénéficiaient les plus diplômés, dont moi. Un privilège pour celui prêt à se défaire de son confort de vie.

Aujourd’hui entre deux époques, l’heure est à l’expectative

Aujourd’hui, nous sortons égarés d’une crise sanitaire sans précédent depuis plus d’un siècle, et si les mesures d’adaptation de son poste de travail aux circonstances génèrent des insatisfactions manifestes, l’heure est à l’expectative.

À écouter mon entourage, les élans sont réfrénés, ou plutôt les projets parfaitement peaufinés, les demandes de ruptures conventionnelles repoussées… on est attentif aux évolutions. En effet, avec quels yeux se projeter lorsque même l’imagination des plus enthousiastes est soumise à la contrainte sanitaire qui s’empare de tous les pans sociaux et personnels?

“M’adapter oui, mais rapidement et avec vivacité à une nouvelle conjoncture, rebondir professionnellement quitte à travailler dans une branche pourvoyeuse de travail à laquelle je n’avais pas pensé.”

À écouter les personnes que j’ai pu rencontrer, je pressens déjà la chance qu’ils ressentent d’avoir un travail, comme quand on craint que le marché de l’emploi va se tarir. Je me demande alors si la réalisation professionnelle sera sacrifiée sur l’hôtel de la sécurité, si la frustration va l’emporter sur les désirs de réalisation professionnelle. Cependant, si la peur du chômage économique hante, sans que l’on y soit préparé, on est prêt à voir évoluer son poste et ses attributions. L’heure est au sang-froid avant le changement de paradigme professionnel commun.

L’agilité professionnelle nécessaire demain et ressentie par tous…

Pour ma part, ça y est, je suis dans le grand bain de l’incertain professionnel. Cependant, redevenue étudiante, je vais probablement intégrer un monde du travail impacté par cette crise, car a minima, les habitudes auront changé. Pourtant j’essaie de canaliser mes craintes relatives à mon futur professionnel. Je devrai faire preuve d’adaptation comme tous, contrainte.

Cependant, bien plus que de savoir m’adapter à une nouvelle situation, je suis consciente que je devrai faire preuve d’agilité et d’audace professionnelle. M’adapter oui, mais rapidement et avec vivacité à une nouvelle conjoncture, rebondir professionnellement quitte à travailler dans une branche pourvoyeuse de travail à laquelle je n’avais pas pensé.

Bref, mes ambitions et ma témérité ne me quittent pas, mais je suis consciente que mes projets sont susceptibles d’être plus ou moins déviés. Je parle de moi, mais je pense que cette nécessité d’agilité professionnelle accrue concernera tout un chacun, des mieux diplômés, au moins diplômés. Risque qu’il y ait plus de réorientation, de stages, de formations, de reconversions choisis ou non, qui seront sans nul doute le lot de tout un chacun.

Devenir entrepreneur de sa propre vie

Finalement, je me dis qu’ils n’auront pas eu tort, tous ces youtubeurs, chantres de l’entrepreneuriat et du développement personnel. Si les vidéos caricaturales relatives à la création d’une entreprise en ligne facile sont aujourd’hui pléthore, elles mettent en lumière une chose: il va falloir devenir entrepreneur de sa propre vie. Si certaines vidéos ressassent qu’il est important d’investir dans sa formation, quoi de plus prégnant dans un monde instable gouverné par l’insécurité et le risque de chômage économique?

Bien que ma situation soit choisie, je ressens la formation comme un bagage indispensable au rebond professionnel, à ma sécurité personnelle comme professionnelle. Je vois ainsi mon revers professionnel passé comme l’étrier de ma nouvelle vie, mes insatisfactions récentes comme le moteur de ma détermination et de mon optimisme.

“Nous ne parlerons alors plus de carrières professionnelles brisées, mais d’une opportunité de rebond.”

Assommés par les évènements, encore tout groggy, nous craignons pourtant tous la crise économique. Le futur proche, bien que peu déterminable, laisse entrevoir la faculté de résilience dont nous allons devoir faire preuve. Ce pressentiment stressant, mais loin de m’effrayer, me conforte dans mon choix de réorientation professionnelle.

Concernant mon passé, je ne veux pas parler d’échec, mais plus que jamais, d’audace, car la faculté de rebond et la gestion proactive de nos vies professionnelles seront des atouts. Si chez certains de mes amis, une approche sécuritaire de conservation du travail (qu’ils désiraient pourtant quitter) prend le pas, cela n’est que pour un temps, ils en sont conscients, et l’agilité ou la souplesse professionnelle seront de mise dans un monde vacillant et de plus en plus incertain où le chômage guette… comme l’opportunité.

Ce texte a initialement été publié sur le HuffPost France.

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