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La commission Ménard livre la marchandise

Née dans la division, étonnamment constituée, dotée des mauvais outils dans sa conception même, mandatée avec en tête un objectif purement politique, il était inévitable que les travaux de la commission Ménard en souffrent et que son rapport reflète toutes ces ambiguïtés. Cela n'a pas manqué.
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J'estime nécessaire de rappeler que, membre du comité exécutif de la Ville de Montréal responsable de la sécurité publique de novembre 2009 à novembre 2012, j'ai été intimement mêlé aux événements qui font l'objet du rapport Ménard. Non pas, bien sûr, au niveau des opérations policières qui n'étaient pas de mon ressort, pas plus que des stratégies quotidiennes que le SPVM jugeait nécessaire de déployer. Président de la Commission de la sécurité publique, j'ai présenté et défendu le projet d'amendement au Règlement P6 relatif à l'obligation de présenter préalablement un itinéraire et à l'interdiction de porter le masque. À l'invitation du président de la commission, j'ai participé à une conversation téléphonique formelle avec les commissaires en décembre 2013.

D'entrée de jeu, faut-il s'étonner de la volée de bois vert qui a accueilli avec la vitesse de l'éclair la publication, mercredi soir dernier, du rapport de la Commission spéciale d'examen des événements du printemps 2012? Non, à moins d'être parfaitement naïf, de vivre sur une autre planète ou alors, d'être singulièrement partisan.

Née dans la division, étonnamment constituée, dotée des mauvais outils dans sa conception même, mandatée avec en tête un objectif purement politique, il était inévitable que ses travaux en souffrissent et que son rapport reflétât toutes ces ambiguïtés. Cela n'a pas manqué.

Une commission née dans la division

On se souvient du tollé que souleva l'annonce plutôt tardive de la création de la Commission en mai 2013. Partis politiques, particulièrement, on le comprend, le PLQ, associations étudiantes, syndicats et fraternités de policiers, notamment celle de Montréal, sont montés aux barricades pour dénoncer qui, la stratégie politique du gouvernement, qui la structure même de la commission qu'ils eurent souhaité quasi judiciaire de façon à pouvoir contre-interroger les témoins; d'autres encore lui reprochaient déjà de se mêler de ce qui ne la regardait pas, particulièrement de démocratie étudiante. Née dans la division. Mauvais départ, pour qui prétend vouloir réconcilier.

Les mauvaises personnes à la mauvaise place

J'ai beaucoup de respect pour Me Serge Ménard. Je l'ai déjà écrit sur mon blogue (Un rapport dont la publication doit attendre). Je ne doute aucunement de son intégrité et de son honnêteté intellectuelle. Mais je sais, pour le vivre régulièrement dans mon rôle de commentateur ou de conseiller qui se veut « au-dessus de la mêlée », qu'il est difficile d'oublier son passé politique, surtout quand on a été ministre. Monsieur Ménard, malgré toutes les qualités qu'on lui reconnait, n'était sans doute pas la personne la mieux indiquée pour présider cette commission.

Encore moins madame Claudette Carbonneau qui avait présidé la CSN et appuyé personnellement le mouvement étudiant et ses revendications. Est-ce à dire qu'elle en avait appuyé tous les excès? Impossible de savoir puisqu'elle ne s'est jamais exprimée là-dessus. Dans les circonstances, voilà une autre nomination qui n'était pas de nature à rallier tout le monde et à inspirer la confiance nécessaire à la réussite du mandat. Curieux choix pour qui prétend vouloir jeter un regard objectif sur des événements qui ont profondément divisé les Québécois.

Un échec inscrit dans l'ADN de la Commission

Le gouvernement Marois a improvisé, une fois de plus en mai 2013, après avoir longuement hésité, une fois de plus, entre septembre 2012 et avril 2013. S'il avait été vraiment sérieux dans son désir d'aller au fond des choses (pour ne pas dire des vraies affaires), il aurait créé une véritable commission d'enquête publique avec tous les pouvoirs quasi judiciaires que cela implique afin de permettre la comparution, l'interrogatoire et le contre-interrogatoire des témoins. Cela aurait demandé plus de temps, plus d'efforts, plus d'argent sans doute. Mais cela aurait amené la participation des syndicats de policiers (ceux-là mêmes qui étaient sur le terrain), de certaines associations étudiantes, peut-être de certains ténors politiques. Cela aurait certainement engendré un débat public autrement plus fécond que celui auquel nous a permis d`assister la dizaine de séances publiques tenues par les commissaires.

Le gouvernement péquiste a plutôt choisi une formule bâtarde qui lui permettrait, a- il dit, d'obtenir un « portrait global » de la situation. Jolie formule sans doute. Mais qui fait fi des règles démocratiques les plus élémentaires. S'il fallait revenir sur les événements du printemps 2012, ce n'est pas d'un portrait global dont nous avions besoin, mais d'une analyse fouillée, objective, soumise à l'épreuve des faits démontrés. Et il fallait prendre le temps de la faire sérieusement, pas à la va-vite. La créature du gouvernement portait en elle l'ADN de son échec. Inacceptable quand on prétend vouloir être éclairé sur les meilleures façons de maintenir la paix sociale.

Un objectif purement politique

En acceptant leur nomination, les commissaires ont endossé, consciemment ou non, l'objectif purement politique du gouvernement Marois. Mise à mal, encore une fois, par la partie la plus militante de ses partisans, Pauline Marois n'a pas su ou pu résister à la tentation d'apporter une réponse purement politique et de donner aux siens l'instrument politique qu'ils réclamaient. Ainsi, on entendrait plein de monde, on lirait plein d'études savantes, on consulterait quelques savants universitaires d'ici et d'ailleurs, on recenserait les journaux de l'époque, histoire de bien rappeler les horreurs et on rejetterait toute la responsabilité sur le gouvernement Charest. Le tout à petit prix, dans l'intérêt, cela va de soi, du bon contribuable québécois. Stratégie politique cousue de fil blanc, surtout quand on a participé au Festival de la casserole.

Et cela a donné ce que cela a donné : un rapport de 450 pages, parfois très technique, souventes fois bien académique, au ton quelques fois pompeux et moralisateur de ceux qui savent. Un rapport dont certaines recommandations tiennent littéralement du délire, d'autres d'un réalisme de bon aloi, certaines encore de l'idéalisme le plus pur, quelques-unes, heureusement, du gros bon sens. J'y reviendrai dans un prochain billet.

Ces propositions méritent-elles la poubelle ou pire, la déchiqueteuse? Comme l'a souligné le premier ministre, sans doute pas, du moins pas avant d'avoir été étudiées, plus sérieusement pour certaines d'entre elles. La plupart se retrouveront cependant rapidement sur les tablettes.

Un instrument politique est censé servir les politiciens. Le rapport Ménard aurait servi le PQ s'il avait conservé le pouvoir. Libre au gouvernement actuel d'en faire ce que bon lui semble.

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