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Philippe Barrette ou Gaétan Couillard

De Philippe Couillard à Gaétan Barrette, deux docteurs, on peut dire que la démocratie en prend résolument pour son rhume.
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Le Devoir du 19 mars nous apprend que dans les petites lignes du budget Leitao on retrouve pratiquement l'abolition du Commissaire à la santé et au bien-être.

Le journal rapporte les propos de l'attachée de presse du ministre, qui aurait dit plus exactement que «les rôles et responsabilités du Commissaire à la santé et au bien-être seront maintenus, mais intégrés à l'INESSS et au [ministère de la Santé]. Les détails de cette intégration seront connus dans le projet de loi qui fera suite au budget».

Le ministre Barrette achève ainsi de boucler la boucle de son illustre prédécesseur et actuel chef du gouvernement, M. Philippe Couillard.

En effet, dans la foulée des premières fusions de 2004, M. Couillard, alors ministre de la Santé et des Services sociaux, avait procédé à l'abolition du Conseil de la santé et du bien-être pour le remplacer par un commissaire.

Le Conseil, dont la mise sur pied datait de 1992, était composé de 23 membres, dont 19 avaient droit de vote. Outre son président, on y retrouvait «trois personnes choisies parmi les usagers des services de santé et des services sociaux ou leurs représentants, trois personnes provenant des organismes communautaires qui s'occupent de la défense des droits, de la prestation de services et de bénévolat, six personnes choisies parmi les praticiens, les chercheurs ou les administrateurs, dont trois provenant du domaine de la santé et trois du domaine des services sociaux, et six personnes provenant de l'un ou l'autre des secteurs concernés par la politique de la santé et du bien-être, à savoir les secteurs des municipalités, de l'éducation, de l'économie, du travail, de la sécurité du revenu, de l'environnement et de la justice.» (Art. 3 de la Loi sur le Conseil de la santé et du bien-être).

Une telle représentativité rendait concret le slogan «la santé, c'est global, ça prend plus qu'un hôpital».

D'ailleurs, le Conseil pouvait :

• conseiller le ministre sur les meilleurs moyens d'améliorer la santé et le bien-être de la population (art. 16) ;

• donner des avis au ministre, notamment sur l'évolution des problèmes de santé et de bien-être de la population, les causes reliées à ces problèmes et les groupes les plus vulnérables (art. 17) ;

• donner son avis au ministre sur les objectifs de la politique de la santé et du bien-être que le ministre élabore, ainsi que sur les moyens appropriés pour atteindre ces objectifs, en tenant compte des capacités de la collectivité à mobiliser les ressources en conséquence (art.18) ;

• donner son avis au ministre sur toute autre question que celui-ci lui soumet (art. 19).

Le Conseil pouvait également «procéder à des consultations, solliciter des opinions, recevoir et entendre les requêtes et les suggestions de personnes, d'organismes ou d'associations et soumettre au ministre toute recommandation qu'il juge à propos, créer des comités et fournir de l'information au public» (art. 20).

Un tel mandat, actuellement, ferait rêver tout intervenant de la santé et des services sociaux, et tout citoyen désirant s'impliquer dans sa santé et non seulement utiliser les services. En 2004, le ministre de la Santé Philippe Couillard fusionna ensemble des CLSC, des CHSLD et des CH pour former de gros CSSS, réduisant la démocratie en restreignant le nombre de C. A. et leur représentativité, et éloignant leurs décisions du terrain. On parla alors d'orientation «hospitalocentriste».

En 2005, il abolit le Conseil de la santé pour le remplacer par un Commissaire dont la fonction serait dorénavant «d'apprécier les résultats atteints par le système de santé et de services sociaux en prenant en compte l'ensemble des éléments systémiques interactifs de ce dernier et de fournir à la population les éléments nécessaires à une compréhension globale des actions entreprises par le gouvernement eu égard aux grands enjeux dans le domaine de la santé et des services sociaux. Il [exercerait] ces responsabilités notamment en regard de la qualité, de l'accessibilité, de l'intégration, de l'assurabilité et du financement des services, des déterminants de la santé et du bien-être, des aspects éthiques liés à la santé et au bien-être, des médicaments et des technologies» (Art. 2 de la loi sur la Commissaire à la santé et au bien-être).

À la lecture, il était déjà évident que l'importance accordée à cette nouvelle institution était sensiblement réduite par rapport au Conseil qu'elle devait remplacer.

Cependant, malgré un rôle politique restreint et des moyens réduits, le Commissaire a tout de même réussi à produire certains rapports intéressants, dont Les médicaments d'ordonnance : agir sur les coûts et l'usage au bénéfice du patient et de la pérennité du système en mars 2015, où il écrivait que «le gouvernement ne peut faire abstraction des arguments en faveur d'une couverture publique universelle des médicaments».

Même affaibli, le Commissaire était encore trop dérangeant pour le gouvernement Couillard-Barrette.

De la même façon que le ministre Barrette avait affirmé en commission parlementaire sur le projet de loi 10 poursuivre et terminer les fusions de 2004, le ministre fera donc disparaître dans un très prochain projet de loi la dernière institution critique du système public de Santé et de services sociaux et de son administration.

De Philippe Couillard à Gaétan Barrette, deux docteurs, on peut dire que la démocratie en prend résolument pour son rhume!

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