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Comment Instagram m'a fait détester mon corps

Lorsque le cliché du magazine féminin a commencé à s'effacer, Instagram l'a gentiment remplacé en silence, sans que nous nous en rendions compte.
loveischiangrai via Getty Images

Des vidéos de routine sport, un déjeuner santé, des stories de filles en sous-vêtements dont le corps est parfait dans les clous de la société. Je défile mon actualité sur Instagram. Quelques minutes plus tard, je quitte l’application avant d’automatiquement recliquer sur le petit logo rose et orangé sur mon téléphone. Je m’ennuie et je suis accro à cette application qui me fait du mal.

Ce schéma est assez régulier pour moi depuis quelques années. Être confinée m’a confrontée à un problème aux conséquences plus désastreuses que ce que j’aurais imaginé.

Cercle vicieux

Aliénée devant un écran. C’est comme cela que je me sens lorsque je perds des heures sur cette application. Plus jeune, je me souviens être tombée dans le même piège.

Des heures à lire «Le dico des filles», à regarder les photos de magazines avec cette fille à la peau parfaite, toujours mince et aux cheveux longs. C’était clair, je rêvais d’être comme elle.

En cette période de confinement, ennuyée, je retrouve des journaux intimes de mon adolescence. Moi qui pensais retrouver des anecdotes ou histoires de coeur qui m’auraient fait sourire, je tombe sur de vieilles notes, l’encre effacée par d’anciennes larmes: «Liste pour être mieux dans ma peau: - avoir des cheveux longs - me débarrasser de mon acné - grossir pour avoir des formes - faire beaucoup de sport - être souriante à l’école.»

À côté, en majuscule je lis: «il vaut mieux être un bout de viande que n’être rien.» J’avais écrit ses mots lorsque j’avais 15 ans. Relire cela à 21 ans me brise le coeur.

Néanmoins, je me pose la question: après le secondaire, je ne lisais plus de magazines féminins, je les avais délaissés pour Instagram.

Achetez votre beauté

Si aujourd’hui le «body positive» prend de l’ampleur sur la plateforme, il reste encore de nombreuses publications qui nous vendent des pilules pour avoir de longs cheveux, du thé qui va nous permettre d’avoir une silhouette plus fine, et pourquoi pas de faux cils? Quelqu’un a sans aucun doute un code promo pour vous.

Passer mes journées à voir toutes ces publications continuait à me mettre en tête que tout cela, c’était la solution miracle pour me sentir mieux dans ma peau, pour me sentir belle. Finalement, c’est exactement la même chose que ce que je lisais dans les anciens magazines féminins, fortement critiqués aujourd’hui.

Lorsque j’en parle à mes amies, elles ne voient pas le problème. Elles, cela ne leur fait pas de mal: «si ça t’intéresse, tu es libre d’acheter ces produits, de vouloir entrer dans les codes, sinon tu peux aussi être comme toi tu as envie» me répondent-elles.

Perfection inaccessible: comment font-elles?

Mes amies ont raison. Seulement, même à 21 ans, je n’arrive pas à faire la part des choses comme elles. Je suis consciente qu’à force de voir toutes ces filles minces, aux longs cils et à la manucure parfaite, je continue de penser que je dois être ainsi pour me sentir belle.

Ne plus suivre toutes les personnes qui publient des choses qui me font du mal, j’avais déjà tenté l’expérience. Cependant, ce n’est plus uniquement les influenceuses qui affichent toute cette perfection, ce sont aussi nos amies, des anciennes copines de classe... Cela rend le mal-être encore plus grand que lorsque nous voyons les personnes célèbres s’afficher ainsi.

“Lorsque ce sont des personnes que l’on connaît, on se demande d’autant plus: mais pourquoi moi je n’arrive pas à être ainsi?”

Quand on voit une star partager une photo d’elle où elle apparaît parfaite pour la société: il y a cette distance qui rend la chose inaccessible. Mais lorsque ce sont des personnes que l’on connaît, on se demande d’autant plus: mais pourquoi moi je n’arrive pas à être ainsi?

Une chose est sûre, ce sentiment de «je ne serai jamais assez bien» commençait à devenir de plus en plus grand. Je viens d’intégrer la partie la plus importante: tout cela, c’est du conditionnement. C’est encré dans nos têtes et ce n’est pas l’unique moyen pour se sentir jolie.

Libre à chacun de faire ce qu’il souhaite. Pour ma part je sais que pour me sentir en harmonie avec moi-même, je vais devoir tout déconstruire.

Se déconnecter

«Vomir les réseaux sociaux», j’avais récemment lu cette phrase dans un roman dont l’héroïne était une célèbre Youtubeuse. C’est exactement ce que je ressens.

Je prends alors la décision de désactiver temporairement mon compte principal. Je garde mon second compte que j’ai créé pour partager uniquement mes lectures et où je ne suis que des personnes qui font de même.

Étonnement, moi qui pensais être accro à ce réseau, lorsqu’il ne me reste que ce compte, j’y passe une demi-heure par jour contre des heures lorsque j’avais mon autre compte. C’est comme si je ne pouvais pas m’empêcher de me faire du mal à passer des heures sur les comptes qui me font souffrir.

Me déconnecter de ce compte-là me permet de me reconnecter à ce que je souhaite réellement. Je lis des livres qui m’aident, je me mets à chercher des personnes qui proposent du contenu qui pourrait m’aider.

“Si nous sommes nombreux à avoir été conditionnés à un type de beauté, le schéma inverse est aussi possible.”

Un jour, je tombe sur Louise de la chaîne YouTube “My Better Self”. Elle est également la créatrice du mot-clic «On veut du vrai». Elle propose plusieurs vidéos où elle aborde ces thèmes. Une phrase qu’elle dit m’a percutée: «vous ne pourrez jamais ressembler aux corps que vous voyez sur des photos ou dans la réalité, chaque corps est unique.»

Je pense que l’effet boule de neige peut marcher dans l’autre sens. Si nous sommes nombreux à avoir été conditionnés à un type de beauté, le schéma inverse est aussi possible. Sur les réseaux comme dans la réalité, c’est en étant nous-mêmes que les tendances s’inverseront et que peut-être d’autres personnes pourront être inspirées, comprendre certaines souffrances et enfin allez mieux.

Ce texte a initialement été publié sur le HuffPost France.

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