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L'extrême droite veut poignarder encore une fois la démocratie colombienne

Le processus de destitution de Gustavo Petro semble être né lorsque le maire légitime de Bogotá a pris la décision de déprivatiser le système de collecte des ordures dans la ville, qui était sur les bras de quatre compagnies privées. Ces entreprises appartenaient à des hommes extrêmement riches et puissants.
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Le 9 décembre 2013, nous avons appris la nouvelle de la destitution du maire légitiment élu de la ville de Bogotá avec la décision de la Procuraduría General de la nation. Étant une institution chargée de surveiller les fonctionnaires élus et mandatés, elle peut les suspendre et les sanctionner. Sauf que, cette fois-ci, son inspecteur général (procurador) n'a pas su montrer, encore une fois, une indépendance politique vis-à-vis de l'ancien président Álvaro Uribe Velez et des secteurs politiques très puissants et récalcitrants. Ordoñez préfère continuer à tuer politiquement les opposants politiques de ses alliés, il l'a déjà fait avec la sénatrice Piedad Córdoba, une femme qui a participé à la libération de plusieurs séquestrés et prisonniers de guerre des FARC.

Il a fait de même avec l'ancien maire de Medellín, Alonso Salazar, qui était aussi un adversaire politique aux secteurs que l'inspecteur défend. Un personnage controversé, qui préfère que l'on continue la guerre qui nous asservit depuis plus de 60 ans en s'opposant publiquement contre les options juridiques éventuelles des négociations de paix qui se réalisent à la Havane. Le pire est que, en prenant la décision de violer le vote populaire en destituant le maire élu, il s'attaque aux principes mêmes de participation politique de la gauche colombienne. De plus, cette condamnation est basée sur un complot qui a été dénoncé et mis en lumière, où les particuliers qui possèdent le système de récollection d'ordures de Bogotá ont laissé la ville sans collecte d'ordures pendant trois jours. Les ordures peuvent vous sembler indésirables, mais, à Bogotá et en Colombie en général, les riches «entrepreneurs» se battent froidement pour ce marché qui peut générer un milliard de dollars en profits par an.

Le processus de destitution semble être né lorsque le maire légitime de Bogotá a pris la décision de déprivatiser le système de collecte des ordures dans la ville, qui était sur les bras de quatre compagnies privées. Ces entreprises appartenaient à des hommes extrêmement riches, entre autres l'entrepreneur William Velez, qui est mentionné dans plusieurs investigations traitant du dossier de la parapolitique (en relation avec des congressistes et sénateurs proches de celui-ci poussés par la vague paramilitaire), et Alberto Ríos, un autre magnat de notre pays ainsi que partenaires de Uribe Velez.

Pour vous faire une mise en contexte du conflit, je vous parle de paramilitaires, même si on n'entend peu parler d'eux à l'étranger. Souvent, les plus mentionné(e)s sont les guérillas, comme les FARC-EP ou l'ELN, et les narcotrafiquants. Par contre, le mouvement paramilitaire a marqué et marque encore notre histoire par les méthodes de contre-insurrection, massacres sélectifs et arbitraires, déplacements forcés, en plus de leur relation très proche avec les hautes sphères politiques et économiques du pays. La Colombie est un territoire où l'on a remarqué l'application d'une réforme agraire violente et qui nous a placés comme le premier État avec le plus de déplacés internes de toute la planète. Pour faire un petit résumé de la situation, on pourrait facilement faire un cours de 45 heures - et même plus - pour comprendre en général l'enjeu et comment cette destitution est un événement qui rappelle qui possède réellement le pouvoir et qui est prêt à tout faire pour le garder.

Les dénonciations faites par des employeurs et d'anciens membres de l'administration précédente à Bogotá ont permis de voir comment les trois journées d'absence de collecte des ordures ont été planifiées et organisées par les individus impliqués dans les mafias qui dirigent certains de ses secteurs. De plus, l'administration antécédente à celle de Petro est aujourd'hui connue pour un scandale de corruption nommé «le carrousel des contrats» (Carrusel de la contratación) qui fit que la ville fut saccagée à travers les diverses œuvres publiques (chose qui nous rappelle un peu pourquoi nous avons une commission Charbonneau en ce moment et dont les effets de punition se rendent à inviter Lino Zambito à Tout le monde en parle).

Petro est l'une des personnes qui dénonça ce scandale, pour lequel son prédécesseur, Samuel Moreno, a reçu une prohibition de travailler au public d'un an pour avoir volé les habitants de la ville pendant un peu plus de deux ans, décision prise par La procuraduria. Gustavo Petro a reçu une condamnation, ou plutôt un effacement de sa vie publique de 15 ans, pour trois jours de non-collecte des ordures complotés et dans lesquels les véhicules possédés par les entrepreneurs privés ont été mis en «maintenance». De plus ce qui les affectait majoritairement, est le fait d'avoir rendu public un système qui donnait un milliard de dollars à des particuliers. Il paraîtrait que, en Colombie, et surtout pour l'inspecteur, il est plus grave de déprivatiser un système de collecte des ordures, système qui nous a redonné 25 millions de dollars cette année, que de voler sans scrupule la ville entière.

Les décisions de l'inspecteur général semblent être chargées de contradictions et d'un abus de pouvoir administratif que la Constitution lui donne. En se basant sur son avantage juridique, il arrive même à défier des institutions supranationales comme la Commission Interaméricaine des Droits de l'Homme (CIDH) qui a décidé d'enquêter sur la validité de la décision de Mr. Ordoñez et les diverses menaces pesant sur le maire de Bogotá. Alejandro Ordoñez, à sa rentrée le lundi 13 janvier, faisait pression sur le président, Juan Manuel Santos, pour que celui-ci rende la décision de destitution applicable avec le moindre délai possible. Cependant, la mairie a été sauvée à cause de plusieurs décisions juridiques qui approuvaient une série de tutelles dans plusieurs tribunaux (le contentieux, l'administratif et le consejo seccional de la judicatura). Ceux-ci suspendent la destitution dictée par l'inspecteur en affirmant que «la Procuraduria General de la Nación a déplacé l'électeur, car dans l'acte de destitution, elle n'a pas analysé la conduite disciplinaire, elle a plutôt questionné des politiques publiques» (traduction libre), et ordonnent mener le processus de révocation en cours du maire à travers les urnes. Ainsi le prochain 2 mars, les habitants de Bogotá devront décider si Petro est leur maire légitimement encore une fois.

Je ne suis pas un partisan de Gustavo Petro Urrego, homme politique qui a connu une vie mouvementée dans le contexte de ce pays où je suis né. Ancien membre du M-19, une guérilla qui a pris les armes contre l'État après une fraude électorale et qui, dans la fin des années 80, a opté pour prendre le chemin des scrutins. Cependant, même avec la remise des armes et la paix signée, le mouvement a été victime de persécution et d'assassinats sélectifs, méthode qui est présente encore aujourd'hui et dans laquelle un parti politique a été complètement rayé de la carte par les forces paramilitaires. Le fascisme qui a contrôlé le pays et qui essaie de l'assujettir aux intérêts de quelques familles puissantes et des mafias, c'est le même qui a assassiné les 4000 militant(e)s de l'Union Patriotique dans les années 80. Ces forces qui cherchent à destituer le maire de Bogotá, et qui ont changé leur méthode en passant des armes à la destitution, soit une mort juridique et politique. C'est encore le même groupe de personnes qui se sont alliées pour blesser la «démocratie» colombienne, qui est déjà en pleine hémorragie après un gouvernement connu, pour certain(e)s, dont moi, comme les «huit néfastes».

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