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Cigarette électronique: ses risques réels, supposés et exagérés

Donald Trump va interdire les liquides aromatisés des cigarettes électroniques alors que les autorités s'interrogent sur une épidémie inquiétante. Mais gare à ne pas tout confondre.
La cigarette électronique, de plus en plus populaire, est également accusée de nombreux maux. On fait le point sur les certitudes et les doutes concernant son impact sur la santé.
Toshiro Shimada via Getty Images
La cigarette électronique, de plus en plus populaire, est également accusée de nombreux maux. On fait le point sur les certitudes et les doutes concernant son impact sur la santé.

«Cela n’a rien de formidable, cela crée plein de problèmes». C’est ce qu’a déclaré Donald Trump à propos de la cigarette électronique mercredi 11 septembre. Il annonçait dans la foulée que tous les liquides aromatisés, à l’exception du goût tabac, seraient interdits sous peu dans son pays.

Une annonce qui tombe alors que les États-Unis sont touchés depuis le mois de juillet par une mystérieuse «épidémie» de maladies pulmonaires liées à la cigarette électronique. Attention à ne pas tirer de conclusion hâtive pour autant. L’interdiction fédérale est réfléchie de longue date et répond à un problème bien particulier. L’«épidémie» de maladies pulmonaires, elle, semble liée à des produits spécifiques, et probablement illégaux (et qui ne seront donc pas concernés par une interdiction).

De manière générale, il est difficile de s’y retrouver sur les dangers et risques pour la santé de la cigarette électronique. De nombreuses études se succèdent et disent parfois qu’elle est utile, parfois qu’elle est dangereuse. Logique: c’est une technologie très récente, datant de moins de 10 ans. Les recherches se multiplient mais sont encore très parcellaires.

Les scientifiques réalisent donc de nombreuses analyses pour déterminer les dangers (est-ce que, dans l’absolu, le produit peut être nocif) et les risques (quelle utilisation, quelle dose peut créer ce danger? Quelle dose est inoffensive?). Mais une seule étude ne suffit en général pas à s’assurer d’un problème ou de son absence, tant de biais peuvent influencer le résultat.

Voici donc un petit état de ce que l’on sait des risques réels, supposés et exagérés concernant la cigarette électronique.

RÉEL (aux États-Unis) - La cigarette attire les plus jeunes

C’est la véritable raison derrière la décision d’interdiction des liquides aromatiques. La Californie a d’ailleurs décidé en juin d’interdire toute vente de cigarette électronique. Des décisions que font suite à un rapport alarmant de la FDA, l’agence américaine de l’alimentation et des médicaments, sorti le 2 juin. Entre 2017 et 2018, l’utilisation de cigarettes électroniques par les jeunes a explosé aux États-Unis, passant de 12% à 21% des étudiants américains.

EXAGÉRÉ - L’épidémie américaine est liée au vapotage en général

Depuis le début de l’été, de nombreux articles font état de morts aux États-Unis liées à la cigarette électronique. Cette épidémie de maladies pulmonaires est conséquente, grave et subite. L’administration américaine a lancé des enquêtes à ce sujet. Mais il apparaît extrêmement peu probable que ce soit le vapotage en général qui soit à l’origine de ces cas.

D’abord, 80% des personnes touchées expliquent avoir vapoté un liquide contenant du THC, la molécule active du cannabis. Début septembre, les autorités de New York ont été plus loin en affirmant que leur piste principale était maintenant celle de la vitamine E. Cette substance est présente dans un certain type de liquide, notamment ceux avec du THC.

Mais le liquide contenant ce composé est produit par une marque n’appartenant à aucune entreprise et semble donc être un produit illégal, de contrebande. La vitamine E ne fait d’ailleurs pas partie des produits autorisés par l’État de New York dans la composition des liquides de cigarette électronique.

Même si la vitamine E n’est finalement pas la fautive, il semble assez clair que c’est une composition bien particulière, récente et potentiellement illégale qui cause ces problèmes.

RÉEL - Elle émet des substances toxiques

En 2018, l’Académie des sciences américaine a publié un rapport analysant 800 études publiées dans la littérature scientifique sur le vapotage. Plusieurs conclusions en sont tirées, avec plusieurs niveaux de certitudes.

Ce qui est certain, c’est que «la plupart des produits de la cigarette électronique contiennent et émettent de nombreuses substances potentiellement toxiques». En clair: non, ce n’est pas, comme certains vendeurs l’affirment, de la «vapeur d’eau».

Et l’on sait, de par d’autres études, dans d’autres conditions et sur d’autres types de produits, que certaines substances sont parfois toxiques pour l’organisme. En clair, on sait qu’il y a un danger. Mais cela ne veut pas forcément dire qu’il y a un risque. Et cela ne nous informe pas sur l’ampleur et la nature de ce risque.

SUPPOSÉ - Le vapotage est dangereux pour la santé

Fin juillet, on a beaucoup parlé d’un rapport de l’OMS sur le tabac dont 2 des 200 pages étaient consacrées à la cigarette électronique. On pouvait y lire qu’elle était «incontestablement nocive». Mais ce rapport a fait bondir bon nombre de scientifiques.

Car les choses sont un peu plus compliquées. Dans le rapport de l’Académie des sciences, il est précisé que plusieurs soupçons d’impacts sur la santé existent, mais aucune étude n’a permis de montrer si le niveau d’exposition à ces substances est suffisamment élevé pour que cela ait un effet sur le corps humain.

C’est surtout du côté de l’impact négatif de la nicotine que les études semblent s’accumuler. Si en 2018, le rapport disait ne pas avoir assez d’éléments pour affirmer que la cigarette électronique pouvait causer des problèmes cardiaques, les choses changent vite, selon des chercheurs interrogés par Vox.

Des études et meta-analyses ont récemment mis en exergue un impact de la nicotine contenue dans les liquides sur le système cardiovasculaire.

EXAGÉRÉ - C’est aussi nocif que le tabac

Il est par contre exagéré de dire que le vapotage est aussi nocif que le tabac. D’abord, car, comme vu plus haut, le danger et le risque de la cigarette électronique sont encore à établir. Ensuite, car plusieurs études ont comparé le tabac, bien connu, et le vapotage.

Ainsi, le rapport de l’Académie des sciences précise que si un fumeur remplace totalement le tabac par la cigarette électronique, il réduit son exposition à «de nombreux produits toxiques et cancérigènes présents dans la cigarette de tabac combustible». Ici aussi, c’est une preuve «concluante».

Il y a également une preuve substantielle (importante, multiple mais pas encore certaine) qu’un vapoteur est exposé à moins de substances toxiques qu’un vrai fumeur. Sauf pour la nicotine, évidemment. Si la cigarette électronique semble elle aussi provoquer un stress oxydant (qui entraîne notamment un vieillissement plus rapide), l’impact est encore une fois «généralement plus faible» que pour le tabac.

Enfin, il y a une preuve substantielle que passer du tabac au vapotage réduit les effets négatifs à court terme du tabagisme sur certains organes. Il y a également une preuve, mais limitée, que les fumeurs souffrant d’asthme voient leurs problèmes respiratoires diminuer s’ils basculent complètement.

Il n’est pas impossible de découvrir, dans le futur, un impact jusque-là invisible du vapotage. Mais il faudrait qu’il soit extrêmement grave pour atteindre le niveau de nocivité du tabac, première cause de cancer évitable.

EXAGÉRÉ - Cela n’aide pas à arrêter de fumer

Les données sont encore une fois trop récentes, mais de récentes études montrent que la cigarette électronique est de plus en plus utilisée comme outil de substitution et semble -dans plusieurs cas- plus efficace que les autres solutions pour arrêter de fumer.

Mais tout n’est pas rose, loin de là: les risques de rechutes seraient par exemple plus importants et certains utilisateurs continuent de fumer en parallèle. Ici aussi, il faudra d’autres études pour faire le tri, en s’assurant par exemple que ces fumeurs-vapoteurs ont véritablement envie d’arrêter la cigarette.

En théorie, le vapotage est un outil de substitution pertinent, car il fonctionne par inhalation, le médium le plus «efficace» pour porter une drogue au cerveau. «Ce n’est pas surprenant que ce soit addictif, que cela marche mieux que les autres produits de substitution. Le concept d’un tel produit, c’est la réduction des dommages, pas de réduire l’addiction», nous expliquait en juin Pier Vincenzo Piazza, neurobiologiste spécialiste de l’addiction.

Le problème, notait-il, c’est que la cigarette électronique n’est pas encadrée, distribuée et recommandée comme les autres produits de substitution. Elle est en vente libre, avec des normes qui se mettent en place petit à petit et peu d’accompagnement.

Ce texte a été publié originalement dans le HuffPost France.

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