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Je n'ai pas la charge mentale chez moi et je me sens coupable

Ok. Vous pouvez ramasser votre mâchoire par terre. Je le sais que je suis chanceuse.
Non, nous n'avons jamais l'air de ça quand nous nous dépêchons de préparer le souper pendant que les enfants s'impatientent.
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Non, nous n'avons jamais l'air de ça quand nous nous dépêchons de préparer le souper pendant que les enfants s'impatientent.

«Qu’est-ce qu’on mange pour souper?»

Je pense que c’est la phrase que mon chum et moi, on se texte le plus souvent.

Certains pourraient trouver ça vraiment plate et dénué de romantisme. Ce à quoi je pourrais leur répondre qu’ils ont peut-être raison, à première vue (et aussi qu’ils n’ont clairement pas d’enfants). Je suis moi-même souvent exaspérée (parce que je n’ai pas de réponse immédiate à lui fournir, et que je suis CONSTAMMENT en manque d’idées à propos de ce qu’on pourrait bien se mettre sous la dent le soir venu) quand mon amoureux m’envoie ce doux message à 10h15 le matin.

Mais quand j’y pense, je trouve ça rassurant qu’on s’échange cette courte missive plusieurs fois par semaine. Ça prouve que ni lui ni moi, on ne tient pour acquis que c’est l’autre qui doit s’acquitter de cette tâche. De trouver l’idée du souper, on s’entend. Parce que la majorité du temps, c’est lui qui cuisine ladite idée. C’est qu’en semaine, comme je finis de travailler plus tard que lui, quand je rentre à la maison, il est déjà attablé avec les filles. Il ne me reste qu’à me servir (et encore).

Ok. Vous pouvez ramasser votre mâchoire par terre. Je le sais que je suis chanceuse. Je le sais tellement que je me sens coupable, quand je discute avec mes amies de comment elles se séparent les tâches à la maison avec leur douce moitié. Non seulement je ne me tape pas la planification des repas toute seule, mais mon chum fait plus le ménage que moi.

Des fois, j’ai à peine le temps de me dire que la toilette serait due pour être lavée, de m’ordonner à moi-même de m’acquitter de cette tâche avant la fin de la journée... et quand j’y remets les pieds, elle est déjà propre. Mon chum fait autant le lavage que moi. Il est souvent plus prompt que moi à partir une brassée de serviettes ou de petits vêtements à l’effigie de dinosaures, de bonhommes et ou de princesses (r’garde, on essaie d’être équilibrés dans nos clichés). Et ça devrait être normal que les choses soient réparties de façon plutôt égale entre deux partenaires. Mais bien souvent, encore aujourd’hui, ce ne l’est pas.

Un papa impliqué, dès le début

Peut-être que je peux remercier ma césarienne pour cela, en partie. Bon, on s’entend que pour le ménage, c’était déjà peine perdue de mon côté. Je n’ai jamais été une championne là-dedans, contrairement à mon chum. Mais si on s’attarde à tout le reste, toute la planification qui vient avec le fait d’avoir deux enfants... Le fait que je n’aie pu rien porter pendant les premières semaines suivant mon accouchement a «obligé» (même si je pense qu’il aurait agi comme ça de toute façon) mon chum à donner les soins au bébé. Bref, à s’occuper de sa fille (c’est absurde, dit comme ça, hein?).

Mais c’est surtout le fait qu’il ait pris son congé parental au début de la vie de chacune de nos filles qui a forgé de bonnes habitudes, selon moi. Quand j’entends des nouvelles mamans dire que leur conjoint planifie prendre leur congé plus tard, «pour pouvoir plus profiter du bébé, tu comprends?», le poil me dresse sur les bras. Moi, j’étais tellement contente qu’il soit là tout le temps au tout début, mon chum! J’étais un peu perdue, et même si «à cet âge-là, ça fait juste boire, dormir et chier, un bébé», on vivait tout ça ensemble. Et quand j’ai recommencé à travailler plus tôt que prévu, après la naissance de notre deuxième fille, c’est lui qui a pris le restant de mon congé. Ça forge des habitudes, ça.

Ok, c’est vrai que c’est souvent moi qui m’occupe de prendre les rendez-vous médicaux (question d’habitude). Et c’est moi qui magasine les vêtements des filles (on s’entend que ce n’est pas exactement une corvée, pour moi). Mais pour tout le reste, vraiment... Je le sais que je suis chanceuse.

Peut-on vraiment parler de chance? Ça devrait être comme ça, non? On pourrait penser que c’est la norme, en 2019? Pourtant, ce ne l’est pas. Et chaque fois que je lis des textes d’opinion sur la question ou que je discute de ce sujet avec mes amies ou avec ma mère, je me sens coupable. Ironique, non? Moi, qui me définis comme une féministe, qui rêve d’une époque où la charge mentale ne sera plus déposée sur les épaules des femmes... ça m’arrive, et je me sens coupable?! Cherchez l’erreur.

J’ai honte, parce que je ne suis pas toute seule à courir pour arriver à tout faire. J’ai même l’impression, parfois, de ne pas être une vraie mère comme les autres. On dirait que je voudrais être dans la gang, et pouvoir dire, moi aussi: «Je suis tellement tannée de devoir tout planifier toute seule! Mon chum fait jamais la vaisselle!» Mais non. Je ne peux jamais dire ça, moi.

L’épopée des passeports

Ça me rappelle la fois où on a essayé d’obtenir un passeport pour notre plus jeune, l’été dernier. Environ un mois avant la date prévue de notre périple en famille sur le bord de la mer américaine (vous m’excuserez encore une fois le cliché), nous avons entamé les démarches pour une demande de passeport.

Ok, MON CHUM a fait imprimer les papiers et les a remplis. Puis il est allé prendre une photo avec la petite. Je pensais aller porter tout ça au bureau des passeports, mais comme nous étions encore d’avance, on a décidé de poster le tout. Moins chiant (c’est ce qu’on pensait). Sauf que cinq jours avant de partir, on n’avait toujours rien reçu...

Je commence à stresser. Je décide d’appeler au bureau des passeports. Je me rappelle, j’avais quelque chose de prévu ce soir-là, ce qui fait que je ne rentrais pas à la maison après le travail (encore un exemple de mère indigne). Après d’interminables minutes d’attente, un agent m’informe que ma demande a été rejetée.

- QUOI? Comment ça?

- Je ne peux pas vous donner de détails... ce n’est pas vous le requérant, Madame, est-ce que ça se peut?

- Non, c’est mon conjoint qui a rempli la demande (bon, je me sens mal).

- Ok... c’est donc juste à lui que je peux expliquer les détails de la demande. Est-ce qu’il est à côté de vous?

- Non (soupir). Je ne suis pas à la maison en ce moment (et hop! une bonne dose de culpabilité).

- Vous devrez lui dire de rappeler, alors.

- (SOUPIR TRÈS FORT) Mais monsieur, qu’est-ce qu’on va faire? On part dans cinq jours! (Je suis au bord des larmes.)

- Il existe d’autres options. Mais je ne peux pas...

- OK C’EST CORRECT, J’AI COMPRIS, JE VAIS DIRE À MON CONJOINT DE VOUS APPELER, PUISQUE JE NE SUIS QU’UN VULGAIRE RÉPONDANT!

Culpabilité. Culpabilité. Culpabilité. C’est ce que j’ai ressenti (ainsi qu’une profonde aversion envers les services gouvernementaux). Ça semble niaiseux, comme exemple, pourtant. Mais pour moi, ça reflète la honte que je ressens chaque fois qu’on aborde l’épineux sujet de la charge mentale. Ce qui ne signifie pas pour autant qu’on doit arrêter d’en parler! Au contraire... C’est en en prenant conscience que les choses risquent d’évoluer.

Il y a quelques années à peine, on ne savait même pas qu’il existait un mot pour décrire ce vague sentiment d’injustice quant à la planification de toutes les tâches familiales. Peut-être que dans quelques années encore (disons quelques décennies), on n’aura plus besoin de cette expression, parce que ce sera la norme, de la partager également entre les deux partenaires d’un couple... En attendant, si vous trouvez que votre situation est déséquilibrée, vous avez le droit d’en parler à votre partenaire, ou encore de lui faire lire cette super BD.

Oui, on a eu droit à nos vacances typiquement québécoises

Bon, pour ceux trouveraient le suspense intenable... ne vous en faites pas, on a finalement pu se rendre aux States. Quand il a rappelé au bureau des passeports, mon chum s’est finalement fait expliquer que, comme nous avions oublié de signer le verso des photos de notre fille (!), la demande avait été rejetée.

Le problème est que nous attendions encore que le certificat de naissance qu’il avait auparavant envoyé au gouvernement (l’original, bien sûr!) nous soit retourné par la poste... Sans ce certificat de naissance, on ne pouvait pas avoir de passeport. Je le sais parce que je me suis quand même essayée au bureau des passeports. Où un agent (étonnamment patient) m’a finalement expliqué que puisque nous allions aux États-Unis en voiture, notre enfant n’avait pas besoin de passeport, étant donné qu’elle avait moins de 15 ans. À la douane, ça prenait juste... son certificat de naissance. 😑

J’ai finalement pu en obtenir un au bureau du directeur de l’État civil, sur place, en quelques minutes. Et en prime, j’ai maintenant quatre photos de passeport de ma fille qui ne servent à rien (à part la trouver cute avec sa face neutre).

Bon, je vous laisse, je n’ai pas encore trouvé ce qu’on allait manger pour souper...

«Il était une fois une mère correcte» est une chronique qui témoigne des hauts et des bas de la vie de parent. Parce qu’avoir des enfants, ça veut dire raconter des histoires avant l’heure du dodo, mais ça nous place aussi dans des situations inconnues, absurdes ou de vulnérabilité... qui font de très bonnes histoires à raconter!

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