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Chirurgie bariatrique: «ce n’est pas magique, il faut trouver la source du problème»

J’ai un trouble alimentaire qui va être là toute ma vie. Il faut que je fasse de bons choix, même après l’opération.
Mélanie Perreault avant sa chirurgie bariatrique.
Courtoisie/Mélanie Perreault
Mélanie Perreault avant sa chirurgie bariatrique.

Les propos de ce témoignage ont été recueillis par le HuffPost Québec et retranscrits à la première personne.

J’ai commencé à prendre du poids vers l’âge de 20 ans. C’était très insidieux comme prise de poids. Ça s’est fait tranquillement sur plusieurs années. J’ai réalisé, des années plus tard, en lisant et en consultant, que j’avais un trouble alimentaire: l’hyperphagie. Ça implique des rages compulsives de nourriture, mais sans se faire vomir après.

J’ai toujours très bien mangé dans ma vie, ça n’a jamais été un problème. Je mange varié et je consomme beaucoup de fruits et légumes. Ce qui a fait que j’ai pris du poids, c’est tout ce qui se passait en dehors de mes repas. C’est la douzaine de beignes que j’étais capable de m’enfiler sur la route ou le sac de chips que je pouvais manger à moi seule.

Je suis infirmière et c’était difficile de faire mes quarts de travail. J’avais les pieds en feu, mal aux jambes et à la tête à la fin de ma journée. C’était éprouvant.

Je me suis toujours haïe. Pendant des années, j’ai été convaincue que j’étais la plus dégueulasse de l’univers. J’avais l’impression que j’étais vraiment une merde et que je n’étais pas belle. Ça ne se pouvait pas pour moi qu’un gars me trouve belle, à part mon chum.

Pendant environ 20 ans, j’ai tenté toutes sortes de choses pour perdre du poids. J’ai essayé tous les régimes du monde et de faire du sport. Par moments je perdais du poids, pour ensuite le reprendre. J’ai joué au yoyo souvent. Je me suis rendue à 282 livres.

“Ça a été ma soupape et ça m’a sauvé la vie pendant un certain temps. Sauf que j’étais rendue à un stade où c’était en train de me la voler.”

C’est là que j’ai réalisé que ça n’avait pas d’allure. Mes deux parents sont morts très jeunes du cancer et est venu un moment où j’ai vraiment eu peur que ma vie me file entre les doigts. J’ai eu le sentiment qu’il fallait que je fasse un choix de vie. J’avais tout essayé et rien ne marchait. C’est comme si c’était ma dernière chance.

Je mangeais mal parce que ça comblait un vide. J’ai vécu des blessures dans ma vie et ça me faisait du bien. Ça a été ma soupape et ça m’a sauvé la vie pendant un certain temps. Sauf que j’étais rendue à un stade où c’était en train de me la voler.

J’ai une collègue qui a eu recours à la chirurgie bariatrique et dès qu’elle m’en a parlé, je me suis dit que ça pouvait être accessible pour moi aussi. J’ai entrepris les démarches et comme mon IMC était très élevé, je remplissais facilement les critères pour être opérée.

Une fois que les démarches ont été enclenchées, j’ai été placée sur une liste d’attente. Ça a pris 21 mois entre le jour de ma demande et le jour de l’opération. C’est hyper long, mais je crois en ce processus d’attente. J’allais me faire opérer, ce n’est pas rien. J’ai eu le temps de réaliser que ma vie allait changer.

J’ai eu ma chirurgie en avril dernier. J’ai perdu presque 25 livres avant l’intervention puisque j’avais une diète liquide deux semaines avant. Et en six mois, j’ai perdu 81 livres.

Maintenant que j’ai un estomac plus petit, il n’y a pas grand-chose qui rentre. Quand je déjeune, j’enlève les croûtes de mes rôties pour gagner de la garniture, parce qu’après je suis pleine!

Mélanie Perreault après sa chirurgie bariatrique.
Courtoisie/Mélanie Perreault
Mélanie Perreault après sa chirurgie bariatrique.

Tout le monde dit que la chirurgie bariatrique, c’est la solution facile. Je sens que pour beaucoup de gens, ça veut dire qu’on ne veut plus faire d’efforts, qu’on lâche prise et qu’on se dit que l’opération va régler la question et que de toute façon c’est le système qui va payer.

Mais c’est tellement plus que ça. J’ai eu une anesthésie générale et je me suis fait ouvrir. Je me suis fait charcuter l’estomac.

C’est tout sauf facile. Il y a beaucoup d’échecs de chirurgies bariatriques. Beaucoup de personnes vont reprendre du poids après. Je pense qu’il faut miser sur un suivi psychologique parce qu’en ce moment, quand on se fait opérer, on nous offre seulement un suivi axé sur le physique.

Ce n’est pas magique. C’est vrai que ça fonctionne et que j’ai perdu du poids rapidement. Mais en plus de ça, je dois avoir de l’aide psychologique. Il faut trouver la source du problème. Ça m’arrive encore d’avoir envie de manger beaucoup. Il faut que je fasse de bons choix, même après l’opération.

Même s’il n’y a plus grand-chose qui rentre dans mon estomac, je peux décider de rentrer de la junk si je veux dans ce petit espace-là. Je me suis fait prendre deux ou trois fois à essayer de manger n’importe quoi et à ne pas me sentir bien ensuite. Je le sens des fois que les gens se disent «on verra dans deux ans, on s’en reparlera, voir si tu vas avoir maintenu cette perte de poids-là.»

Je compare ça à un alcoolique. C’est une dépendance à la bouffe. C’est un trouble alimentaire qui va être là toute ma vie et il va falloir que je fasse attention toute ma vie. Mais la chirurgie me donne un méchant coup de main. Perdre du poids rapidement, ça fait du bien. Ça donne envie de continuer et de ne pas retomber dans ça. Mais c’est tout un défi. Ce n’est pas une chirurgie miraculeuse.

Aujourd’hui, je me trouve belle. Avant, je portais les vêtements disponibles, maintenant je porte les vêtements que je choisis. Il n’y a pas une journée où je ne me fais pas dire que je suis belle et que j’ai l’air bien. C’est super valorisant.

Cet été, on est allé faire des tours de vélo en famille. Avant, je ne pouvais pas faire ça. Je n’en revenais pas de m’entendre proposer à mes gars d’aller en vélo. Et je me trouvais belle sur mon bicycle!

Mélanie Perreault et son fils
Courtoisie/Mélanie Perreault
Mélanie Perreault et son fils

Récemment, mon fils de dix ans s’est déguisé avec mon manteau de jeans et il n’était pas trop grand pour lui. Je n’en revenais pas, j’avais les yeux plein d’eau. Il y a six mois, mon manteau de jeans lui aurait fait une jaquette!

Je veux rester consciente, toujours, que ce n’est pas gagné. Je pense que c’est la base pour que ce soit une réussite. Le jour où j’oublie tout le processus que je viens de passer et que j’arrête d’être consciente de pourquoi moi, dans la vie, j’ai calmé mes peines en mangeant, je vais reprendre du poids. Je le sais. Je ne dois pas perdre ça de vue de toute ma vie.

La section Perspectives propose des textes personnels qui reflètent l’opinion de leurs auteurs et pas nécessairement celle du HuffPost Québec.

Propos recueillis par Florence Breton.

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