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«Chasse-Galerie: La légende»: un mal pour un bien

Lorsque Jean-Philippe Duval a pris les rênes de la réalisation, le film a rapidement emprunté un tournant plus noir.
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Chasse-Galerie est un nouveau film québécois qui est en salle depuis le 26 février et qui marque le retour au cinéma du réalisateur Jean-Philippe Duval.

L'histoire débute dans la deuxième moitié du XIXe siècle dans le village de L'Ascension et ses environs un 31 décembre alors qu'un groupe de bûcherons qui regagnait la ville en train se retrouve coincé dans la neige. Désireux de célébrer avec leurs familles, ils pactisent avec le diable (François Papineau) qui leur prête un canot volant. Celui-ci a pour plan de s'emparer de leurs âmes à la fin de la soirée, mais ses plans échouent et le malin décide de reporter sa vengeance sur la fille d'un de ceux-ci, Liza (Caroline Dhavernas). Vingt-cinq ans plus tard, il met son plan à exécution...

Tirée d'une légende canadienne-française et immortalisé par Honoré Beaugrand en 1900, Chasse-Galerie : La légende est une adaptation émouvante et surtout engageante, portée à bout de bras par d'excellents comédiens. Teintée de fantastique, on y retrouve d'abord et avant tout une histoire universelle susceptible de toucher un très large public.

Un conte lugubre...

Donc, près d'un quart de siècle plus tard, on retrouve Liza, jeune femme amoureuse de Jos (Francis Ducharme). Ceux-ci prévoyaient se marier, mais un incendie ravage les terres qu'il cultivait et il n'a d'autre choix que de reprendre son emploi de contremaître dans un camp de bûcherons et ainsi s'éloigner de sa dulcinée. Derrière toute cette intrigue se trouve le notaire Romain (Vincent-Guilaume Otis), lui aussi épris de Liza. C'est d'ailleurs son alliance avec le diable qui cause son lot de malchances à Jos, même sur le chantier. Pourtant, une dernière opportunité s'offre au jeune homme, mais encore une fois, le canot volant est indispensable à sa réussite ; ce qui n'a rien pour mettre en confiance les aventuriers.

Les succès en salle ces dernières années de Babine (2008) et Ésimésac (2012) (des adaptations des contes de Fred Pellerin) démontrent l'intérêt des spectateurs pour leur folklore et, au départ, le scénario de Chasse-Galerie, dans la même veine, se rapportait davantage au conte fantastique humoristique. Mais lorsque Jean-Philippe Duval a finalement pris les rênes de la réalisation, le film a rapidement emprunté un tournant plus noir.

En effet, bien que le diable, caché derrière sa barbe noire et sa voix creuse, ne s'insère jamais dans la vie publique du village, son influence maléfique apporte une atmosphère lourde qui perdure tout le long du film et, à certains moments, on frôle le tragique avec Jos, qui tente sans succès de finir à temps les coupes afin de rentrer le plus rapidement possible, pendant que le cœur de Liza saigne à l'idée de ne pas avoir de ses nouvelles.

À ce sujet, mention spéciale ici au scénariste Guillaume Vigneault, qui nous tient en haleine autant durant les échanges que durant les silences partagés entre les protagonistes. Ce texte, en plus de nous émouvoir, nous prouve qu'on peut très bien, au Québec, véhiculer la colère ou tout autre sentiment négatif sans pour autant avoir à sacrer ; un mauvais pli que l'on retrouve à outrance dans notre cinéma.

De plus, il faut revenir sur cette décision de Duval de tourner presque l'entièreté du film en hiver, ce qui vient aussi accentuer ce désespoir. Ces paysages avec ses incessants flocons sont d'une beauté typiquement nord-américaine, mais le froid (glacial, si l'on en juge par la buée qui sort de la bouche des protagonistes) est aussi à l'image de l'état d'esprit des bûcherons, ces hommes de peu de mots qui, dès le travail terminé, se languissent de ceux qu'ils aiment.

Le fait qu'ils acceptent un nouveau pacte avec le diable pour des retrouvailles, ne serait-ce que pour une nuit, nous en dit long sur leur état de solitude.

... et une histoire universelle

Certes, Chasse-Galerie est issue du conte, mais l'accent n'est pas pour autant mis sur le fantastique. En fait, ce qui retient le plus notre attention est la précision historique que l'on retrouve d'un bout à l'autre du film.

D'ailleurs, à la demande du réalisateur, l'équipe a bénéficié de l'aide d'un conseiller historique afin de reconstituer aussi fidèlement que possible le Québec du XIXe siècle : des méthodes de travail aux outils utilisés pour la coupe des arbres, ainsi que les bicoques dans lesquelles étaient confinés les travailleurs. Mais plutôt que d'y aller avec une réalisation presque effacée, laissant parler les images d'elles-mêmes, comme c'est souvent le cas dans les fictions historiques, Duval y a apposé sa grille en préférant tourner la plupart de ses plans (notamment au chantier) avec caméra à l'épaule, ce qui nous rapproche davantage de l'action et de l'effort physique que devaient fournir les travailleurs.

Enfin, Chasse-Galerie réussit à représenter le Québec du XIXe siècle avec une grande fidélité, incluant l'imagination de son peuple pour ce genre de récit fantastique, tout en se voulant universel. Dans l'esprit le plus pur du conte qui n'a pour ancrage que l'imagination puisée dans l'existence humaine, le film a le potentiel de charmer n'importe quel auditoire sur la planète ; en espérant que son parcours en salles ne fasse que commencer.

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