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Cette entrepreneuse fait découvrir la diversité culturelle, une bouchée à la fois

Faire voyager ses papilles tout en restant sur son divan? C'est ce que Tsahaï Papatakis propose avec Food'elles, un service de livraison de cuisines du monde.

Le moins qu’on puisse dire, c’est que Tsahaï Papatakis est une citoyenne du monde. Que la diversité culturelle, elle a ça dans le sang.

Sa mère, une Franco-Italienne ayant grandi au Maroc jusqu’à ses 12 ans, a rencontré son père, un Gréco-Éthiopien, à Paris. Dès son plus jeune âge, elle a goûté les saveurs et humé les parfums de cuisines diversifiées et hétéroclites. Dans la Ville Lumière, elle a vécu dans un quartier très multiculturel, qui rassemblait des restaurants de plein de pays.

«À la maison, on avait toujours plein d’épices. Mes parents cuisinent tout le temps des nouvelles recettes du monde entier. Ça fait vraiment partie de mon quotidien», raconte l’instigatrice du projet Food’elles, un OBNL basé à Montréal qui propose à ses clients des repas cuisinés par des réfugiées et des femmes issues de l’immigration.

Tsahaï Papatakis avec son papa.
Courtoisie
Tsahaï Papatakis avec son papa.

Après avoir grandi en France, elle a visité plusieurs pays. Tsahaï a notamment vécu un an au Maroc et aussi fait une année d’étude en Irlande. Par la suite, elle a voyagé «en touriste», dans ses pays d’origine entre autres.

À travers les années, elle a occupé différents emplois au sein desquels elle ne se sentait pas tout à fait à sa place. À la fin de l’année 2019, elle a décidé de quitter son travail.

«Je me suis dit: maintenant, j’en ai marre, je quitte tout. J’ai démissionné à la rentrée», au début 2020, explique-t-elle. Cela faisait longtemps qu’elle voulait s’investir au sein de projets sociaux, comme faire du volontariat, par exemple. Tsahaï est donc partie pendant un mois en Amérique centrale, au Nicaragua.

Là-bas, elle a travaillé pour deux projets. L’un d’entre eux était dans une coopérative de café, parmi une communauté autochtone qui revendiquait fièrement son identité de Première Nation.

La femme du couple qui s’occupait de la coopérative de café a aussi créé une organisation pour les femmes du village, pour qu’elles puissent subvenir à leurs besoins, explique-t-elle. Par la suite, elle a aussi fait du bénévolat dans un projet d’écoconstruction. Ces deux expériences ont grandement nourri la réflexion sur son parcours professionnel, et c’est entre autres ce qui l’a inspirée à lancer Food’elles.

Tsahaï Papatakis en Amérique du Sud.
Courtoisie
Tsahaï Papatakis en Amérique du Sud.

«Je suis rentrée fin février; j’ai commencé à travailler sur le projet, et en mars, il arrivait ce qu’on sait tous», dit-elle, en parlant bien sûr de la pandémie de COVID-19.

Vaincre la peur de l’étranger

En imaginant Food’elles, la jeune entrepreneuse a voulu mettre de l’avant la diversité culturelle. Pour elle, la diversité est une véritable richesse. On doit la préserver et en faire la promotion. «Ça fait vraiment partie de mon identité et je trouve que c’est quelque chose qu’il faut diffuser», souligne-t-elle avec passion.

Selon Tsahaï, la cuisine est un excellent véhicule pour célébrer cette diversité et surtout, pour favoriser la mixité sociale. C’est un bon moyen «de créer un pont entre des mondes qui ne se côtoient pas forcément au quotidien», résume-t-elle.

“Souvent, quand on ne connaît pas les étrangers, quand on ne connaît pas leur histoire, on va avoir des a priori et on va en avoir peur.”

Découvrir différents types de cuisines – et les cultures qui leur sont associées – contribue aussi à défaire certains mythes ou préjugés liées à celles-ci et participe à la tolérance, relate l’entrepreneuse.

«Souvent, quand on ne connaît pas les étrangers, quand on ne connaît pas leur histoire, on va avoir des a priori et on va en avoir peur. Surtout avec tout ce qu’on peut entendre en ce moment dans les médias, toutes les actualités. On a vite fait d’avoir peur de ce qui nous est étranger», souligne Mme Papatakis.

L'une des chefs qui travaillent pour Food'elles.
Courtoisie
L'une des chefs qui travaillent pour Food'elles.

Elle explique que la peur de l’étranger est assez répandue en France et qu’elle a tendance à y créer des tensions et de la violence. C’est d’ailleurs alors que Tsahaï habitait toujours en France que l’idée initiale pour son projet d’OBNL a germé.

En venant s’établir au Québec, elle s’est questionnée sur la pertinence d’implanter Food’elles ici. Selon ses dires, on retrouve beaucoup moins de problématiques sociales, religieuses ou économiques reliées à l’immigration au Québec qu’en France. Malgré tout, Tsahaï affirme avoir remarqué en s’intégrant à la société québécoise qu’il existe un certain cloisonnement entre les cultures.

«Les milieux, les endroits qui sont fréquentés par les “Blancs” (personnes non racisées), ne sont pas les mêmes que ceux fréquentés par les personnes racisées», précise-t-elle. «Même au niveau des institutions, des entreprises, etc., on reste quand même dans des domaines qui ne sont pas assez mixtes au niveau de la diversité.»

Les femmes à coeur

Les femmes immigrées semblent par contre être moins confrontées à des enjeux de pauvreté au Québec que dans l’Hexagone, note l’entrepreneuse sociale.

Se décrivant féministe, il était important pour elle que son projet serve à élever les femmes, en plus de promouvoir la diversité culturelle.

«Le côté d’aider les femmes, c’était quelque chose qui me tenait particulièrement à coeur», lance-t-elle. «Les femmes du monde, elles ont vraiment ce don pour la cuisine qui est assez répandu.»

Et souvent, les personnes sur lesquelles on braque les projecteurs en cuisine, ce sont des hommes, déplore-t-elle. «Je trouve ça dommage, parce qu’en fait, les femmes, elles font ça chez elles, cachées, pour leurs familles, mais ce n’est pas assez valorisé, ce don.»

Avec Food’elles, Tsahaï espère que ces femmes, recrutées grâce à une offre publiée sur Facebook et à des organismes communautaires – tels que Singa Québec et le Centre communautaire des femmes sud-asiatiques –, prendront conscience que leur «don» est une vraie richesse, que ça leur donnera confiance en elles et envie de se mettre de l’avant.

Et surtout, elle souhaite faire voyager les Québécois – à défaut de pouvoir le faire en avion –, une bouchée à la fois.

Pour en savoir plus sur le projet Food’elles, voyez la vidéo ci-dessous. Vous pouvez aussi contribuer à la campagne de sociofinancement ici.

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