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Est-il possible de rester célibataire toute sa vie?

Le célibat ou solo, est-il en passe de devenir l'avenir de l'amour? La question est plus que jamais d'actualité. La moyenne canadienne de personnes célibataires est de 28%.
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Le célibat ou solo, est-il en passe de devenir l'avenir de l'amour? La question est plus que jamais d'actualité. La moyenne canadienne de personnes célibataires est de 28%.

Par ailleurs, les couples qui se forment sont fragiles et ont du mal à durer. Pour exemple, 47% des couples mariés vers 1990 étaient séparés en 2007 (Jacqueline Rémy, "Mon amour, c'est la crise... et si on divorçait?"). Même le divorce change de profil et survient de plus en plus tôt, avec un pic après cinq ans de mariage.

Dans une société qui essaye de choyer ses solo et leurs revenus, en leur facilitant la vie autant que possible (aide au logement, colocation, plats individuels dans nos supermarchés, vacances spécifiques), le célibataire n'est plus un mal-aimé un brin coincé, mais un trentenaire tendance, autonome, moderne avec une vie sociale riche et une sexualité florissante. L'individualisme est désormais une qualité qui frise même chez certains la vénération. Après tout, ne serions-nous pas plus heureux en vivant seuls qu'immanquablement mal accompagnés? Dans cet avenir-là, nous nous offririons de temps à autre une aventure amoureuse, pour palpiter un peu le temps que dure l'amour, c'est-à-dire trois ans selon Beigbeder (Frédéric Beigbeder, L'amour ne dure que trois ans). Nos histoires d'amour seraient grandement facilitées par des applications sur nos smartphones comme Tinder, nous aurions accès d'un clic à un selfie attractif, pour un tour de piste amoureux galvanisant. Tout serait facile puisque, grâce aux applications, ce qui semblait rare et difficile avant -rencontrer quelqu'un- deviendrait banal et facile. Un avenir plus que probable puisque le net fourmille déjà tel un vivier inépuisable de possibilités. Nous nous dirigerions alors vers une vie de célibataire qui cumulerait les histoires d'amour courtes. Ainsi, tout au long des 60 à 70 ans de vie amoureuse que nous offre la longévité actuelle (en 2011, d'après l'Insee, l'espérance de vie est de 77,7 ans pour les hommes et de 85 ans pour les femmes), nous opterions pour une vie de CDD amoureux, en lieu et place du CDI du couple devenu ringard car rimant pour beaucoup avec compromis, contraintes et routine.

"L'amour toujours" a-t-il encore au XXIe siècle sa raison d'être? A quoi bon essayer de s'aimer durablement quand on est soi-même enfant de divorcés et que l'on sait désormais que l'on ne va pas plus mal que ceux dont les parents sont restés ensemble contre vents et marées, plus souvent pour le pire que pour le meilleur. Ne devrions-nous pas, comme les Japonais, fréquenter des petites amies virtuelles et nous spécialiser dans le sexe virtuel, ou comme Joachim Phoenix dans "Her" de Spike Jonze, tomber amoureux de la voix envoûtante (incarnée par Scarlett Johansson) du système d'exploitation de notre ordinateur? A quoi bon essayer de vivre ensemble et de chercher à réussir l'impossible de la rencontre amoureuse puisque Jacques Lacan nous a prévenu "qu'il n'y a pas de rapport sexuel". C'est-à-dire que la fusion n'est pas possible, l'autre restera toujours un étranger, même au plus profond de notre intimité. A quoi bon? Le zapping amoureux n'est-il pas LA solution en proposant une vie amoureuse qui alternerait périodes solo et périodes no solo. Ne serait-ce pas la solution à notre errance affective? Tout deviendrait plus banal et, de fait, moins douloureux. On aimerait en se protégeant, comme sous Arnica 7CH, ainsi on ne mourrait plus d'amour et les crimes passionnels, peu à peu, disparaîtraient.

Voici la question qui se pose aux nouvelles générations: que faire de l'amour, de la relation à deux, du couple, quand on est né après la révolution sexuelle, que l'on a une mère -et souvent un père- féministe, et que l'on a profité des libertés et des droits acquis comme la pilule, l'IVG, le divorce par consentement mutuel et le mariage pour tous? A quoi bon essayer de vivre ensemble durablement?

Le vivre-ensemble, voici le vrai sujet que pose la notion de couple durable! Le couple n'est-il pas la base fondamentale de notre besoin d'apprendre à "vivre ensemble"? Une société où la notion de couple s'effrite, où l'effort que représente l'amour, voire l'acceptation d'un autre qui nous est foncièrement étranger, n'est plus une école de l'altérité pour chacun, pourra-t-elle prétendre à un vivre-ensemble plus large? Essayer de vivre à deux, n'est-ce pas ce travail d'humanité indispensable pour réussir à aimer, au-delà même des murs de nos foyers, voire de nos frontières? N'aimer que ses enfants, parce qu'ils sont les nôtres et que c'est naturel et simple, ou n'aimer que ses amis, parce que chacun repart chez soi et que l'on en partage que les bons moments, c'est -quelque part- renoncer partiellement au sens du chemin vers l'autre. Apprendre à aimer quotidiennement et durablement jour après jour, malgré l'adversité et la routine, quelqu'un qui n'a rien à voir avec nous, mais avec lequel nous avons fait un pacte de loyauté et de partage, c'est réussir en faisant le chemin vers l'autre à devenir réellement soi-même. C'est au contact de l'autre que je deviens moi. Le couple reste -à mon sens- la plus belle aventure humaine qu'il nous soit donné de tenter. Plus risquée car elle peut faire souffrir, plus envoûtante car elle peut transcender, plus dépaysante que bien d'autres voyages, elle nous pousse à intégrer de l'étranger au cœur de notre intimité. Il y a sûrement dans la naissance d'un nouveau schéma de couple, qui intégrerait les évolutions et les révolutions du passé et qui en sortirait plus décidé que jamais, plus fort et plus solide, le projet d'une vie épanouie à deux et, qui sait, les premières pierres d'une autre société du vivre-ensemble. Je crains par ailleurs que si nous ne solidifions pas nos projets de vie à deux, d'autres, aux valeurs plus rétrogrades ou plus rigides, imposeront leurs règles, celles-là même contre lesquelles nous avions combattu.

L'amour est, aujourd'hui encore, à réinventer, comme le disait Rimbaud. Il existe peut-être un parallèle entre notre planète qui s'essouffle et le couple qui se raréfie. L'accélération du temps et la notion de surconsommation y sont sûrement pour quelque chose ici et là. Ne pourrait-on pas faire le choix d'un développement durable du couple, d'une décroissance du nombre des rencontres et d'un temps laissé au déploiement de l'amour au cœur de ce que j'ai envie de nommer le projet d'un "slow couple"?

"N'importe. Essayer encore. Rater encore. Rater mieux", Samuel Beckett, Cap au pire.

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Solo, no solo, quel avenir pour l'amour?, Fabienne Kraemer, disponible aux PUF.

La vie à deux, mensonges, infidélité, sexualité

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