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«La cantate intérieure»: aucun bonheur

J'ai des souvenirs très heureux liés à des spectacles de la Compagnie des Deux Mondes :,dans les années 80 et 90. Hélas, je ne peux pas dire que la plus récente production de cette compagnie,a contribué à mon bonheur.
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J'ai des souvenirs très heureux liés à des spectacles de la Compagnie des Deux Mondes : Terra Promessa, L'Histoire de l'oie dans les années 80 et 90, au siècle dernier. Hélas, je ne peux pas dire que la plus récente production de cette compagnie, La cantate intérieure, une pièce de Sébastien Harrisson, a contribué à mon bonheur.

Un homme, un livreur de la compagnie UPS (Sébastien Jacques), entre dans une pièce vide sauf pour un fauteuil et une paire d'écouteurs accrochés au mur. Il met les écouteurs sur ses oreilles et une voix de femme qui dit s'appeler Claire Bonaparte (Dorothée Berryman), se fait entendre. Elle parle de la vie, de la difficulté d'être, un monologue intérieur davantage qu'un discours s'adressant à quelqu'un en particulier. Ça dure un bon quinze minutes (la pièce fait une heure dix en tout) pendant lesquelles je n'ai eu aucune idée de ce qui se passait, de ce que cet homme faisait là, de comment il était arrivé dans ce lieu. Survient une jeune fille, Zoé Levandovski (Marie Bernier), l'artiste responsable de cette installation In situ faisant partie d'un projet artistique éphémère dans cet édifice promis à la démolition. Si Zoé est venue c'est que cet homme, ce livreur de UPS qui ne connaît strictement rien à l'art, est là chaque semaine pour s'asseoir et écouter cette voix désincarnée qui, manifestement, a quelque chose à lui dire. Entre Zoé et lui va s'installer un dialogue de sourds.

Plusieurs thèmes seront abordés. Zoé parlera de l'art qui fait peur parce que les gens ne veulent pas être touchés, de sa mission sociale visant à dénoncer les injustices, la destruction et l'oubli. Un discours qu'elle a appris à l'université. Et elle avouera à travers tout cela qu'elle ne sait pas ce qu'elle fait, qu'elle n'a pas d'idées, que cette installation elle a choisi de la faire parce que c'était facile et pas trop contraignant, mettant ainsi en évidence la fumisterie qui caractérise une bonne part de la production de l'art contemporain qui vampirise la souffrance des autres pour combler le vide qui l'habite.

Se mélange à tout cela une série de coïncidences qui semble rapprocher ces deux êtres que tout sépare. Mais voilà : les coïncidences, pour être invraisemblables, ne sont pas surprenantes. Personne dans la salle ne pousse des Oooooh! ou des Aaaaaaaaaaah! Je n'ai pas été touchée une seconde par la tragédie sous-jacente de cette histoire, par cette quête de la mère, tout comme je n'ai pas cru un instant à la pseudo synchronicité jungienne de ces hasards supposément liés par le sens.

Sébastien Jacques est excellent en livreur de chez UPS et il réussit à rendre le seul moment d'émotion de ce texte qui en est presque totalement dépourvu. Dorothée Berryman est lumineuse et altière dans son incarnation de la mystérieuse Claire Bonaparte mais Marie Bernier ne m'a pas convaincue en artiste contemporaine qui coupe les coins ronds et qui semble davantage s'intéresser à une éventuelle notoriété qu'à une véritable recherche artistique. Elle représente en fait un des aspects de l'art contemporain qui, on dirait, se spécialise dans la bullshit avec des propositions qui frisent le ridicule et un travail minimal pour des œuvres...minimalistes.

Gabriel Tsampalieros est le créateur du décor pivotant et de la reconstitution de cette chambre hors du temps et de l'espace. Le résultat est hautement esthétique et les projections vidéo de mots, de phrases, de taches de sang, d'un corbeau ou d' un loup sont très belles quoique je n'ai pas trop compris comment cela s'inscrivait dans le texte. La mise en scène d'Alice Ronfard m'a semblé osciller entre plusieurs pôles : ni complètement abstraite, ni résolument concrète et parfois carrément terre-à-terre. À l'image du texte, somme toute, qui hésite aussi entre diverses options, ne privilégiant ni le réel, ni l'aspect fantastique ou troublant de l'histoire, tentant de jouer sur tous les tableaux et échouant.

Je crois que ce texte de Sébastien Harrisson était au départ rempli de promesses mais qu'il est devenu un objet insaisissable. Et qui n'a pas réussi du tout à me captiver.

La cantate intérieure : une production de la Compagnie des Deux Mondes, au Théâtre de Quat'Sous jusqu'au 11 septembre 2015.

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