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Le sein et l'orteil: même chose?

Malgré de sérieuses études qui démontrent que la détection précoce du cancer du sein augmente les chances de survie, seulement 60 % des femmes québécoises invitées prennent avantage du programme de dépistage.
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Grâce au Programme québécois de dépistage du cancer du sein (PQDCS), approximativement un million de femmes âgées entre 50 et 74 ans sont invitées automatiquement aux deux ans pour vérifier qu'elles n'ont pas le cancer du sein. Malgré de sérieuses études qui démontrent que la détection précoce du cancer du sein augmente les chances de survie, seulement 60 % des femmes québécoises invitées prennent avantage du programme de dépistage.

L'examen de dépistage, la mammographie, n'est que la première étape d'un processus complexe qui mènera à la détection du cancer du sein à ses débuts. Conjointement à cette étape, et de façon tout aussi importante, survient la lecture de la mammographie dans un délai acceptable par un radiologue compétent. C'est à cet endroit, qu'au Québec, le système médical trahit les femmes.

En se comparant aux étalons standards de la Suède et de l'Angleterre, qui ont des taux de rappels pour examens complémentaires de 3 à 5 %, le taux de rappel du Québec est d'environ 10 à 20%*, au cours des dernières années le taux de rappel se situe plus près de 20%. Cette situation indique de sérieuses déficiences dans la lecture qui peuvent mettre en danger la survie des femmes, leur qualité de vie et définitivement coûter très cher aux payeurs de taxes.

Un taux de rappel de 10-20% indique que des 600 000 femmes ayant une mammographie de dépistage soit 60% du million de femmes invitées, 60 000-120 000 seront rappelées pour des examens supplémentaires, en comparaison à 30 000 femmes si le taux de rappel était de 5% comme dans les sociétés modernes. Il est important de noter que le taux de détection de cancer du sein (5 à 8 pour 1000 femmes dépistées) demeure le même, peu importe le taux de rappel. Ceci indique donc que du côté humain, jusqu'à 90 000 femmes sont rappelées, investiguées et inquiétées inutilement ou pour des lésions bénignes alors que les 3000 à 3600 femmes qui ont réellement le cancer se retrouvent sur des listes d'attentes et peuvent ne pas être vues dans les délais prévus (10 jours), augmentant ainsi leur morbidité. À l'impact du haut taux de rappel, s'ajoutent les milliers de femmes qui ont été mal catégorisées avec les examens complémentaires et qui n'ont pas le cancer, ce qui, à nouveau, augmente inutilement le stress et représente des coûts supplémentaires; puis s'ajoutent aussi les femmes qui ont le cancer qui sont aussi mal catégorisées, ce qui augmente leur temps d'attente et retarde leur diagnostic.

Les raisons pour cette différence entre la qualité du service offert aux femmes du Québec et à celles des autres pays sont bien connues: premièrement, des radiologues généraux, plutôt que des radiologues sur-spécialisés en imagerie mammaire, lisent les mammographies. Deuxièmement, une seule lecture de la mammographie est réalisée par un radiologue général plutôt que deux à trois lectures par des radiologues sur-spécialisés. Troisièmement, le volume minimal de lecture de mammographie au Québec est de 480-1000 par année alors qu'il est de 5 000 à 10 000 dans les pays européens. En résumé, au Québec, les femmes sont victimes de l'insécurité et de l'incompétence de certains radiologues en matière d'imagerie mammaire.

La solution est bien connue, mais cela prendra un ministre de la santé courageux pour briser le statu quo et engager des négociations avec l'Association des Radiologistes du Québec, qui possède à la fois des intérêts médicaux et financiers dans cette affaire. Premièrement, il faudra imposer une augmentation dans le volume minimal annuel obligatoire de lecture de mammographie. Deuxièmement, il faudra accepter qu'il existe des radiologues sur-spécialisés en imagerie mammaire, comme cela se fait chez nos cousins ontariens, aux États-Unis, en Angleterre ainsi que dans plusieurs pays européens et du moyen-orient. En fait, dans ces pays, la sur-spécialité de la radiologie mammaire est reconnue au même titre que l'est la neuro-radiologie ou la radiologie interventionnelle, pour ne nommer que ces exemples.

Ajoutons enfin qu'il faut se rappeler que le PQDCS est un programme de dépistage offert à une population asymptomatique de femmes à qui l'on demande de subir des mammogrpahies aux deux ans. Le gouvernement a donc la responsabilité d'offrir les meilleurs soins de santé à ces femmes.

En conclusion, pour la santé des femmes et pour augmenter leur confiance dans le programme de dépistage du cancer du sein du Québec, il est grand temps que la santé du sein soit prise sérieusement et que le sein ne soit pas considéré uniquement comme un orteil ou que son examen ne soit pas vu comme un acte médical insignifiant. Avec les philippiques du PQ envers les autres partis et son discours populiste par rapport à la santé durant les derniers mois, le nouveau gouvernement et son ministre de la Santé héritent d'un enjeu de taille qui, par respect pour les femmes, devra être traité avec une main de fer, avec honnêteté et avec courage.

*PQDCS, Bilan 2012 Abitibi-Témiscamingue, septembre 2013, p.5.

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