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Elles ont moins de 40 ans, ont allaité... et ont le cancer du sein

La croyance populaire veut que ces femmes aient peu de chances de développer un cancer du sein... Pourtant, ça arrive! Mesdames, soyez alertes!
Panuwat Dangsungnoen / EyeEm via Getty Images

Michelle croyait qu’elle avait simplement une mastite. Patricia pensait que cette bosse dans son sein était un résidu de lait. Julie, elle, est tout de suite allée consulter quand elle a senti une masse sous son bras, pendant qu’elle allaitait. Ces trois femmes se pensaient beaucoup trop jeunes pour avoir un cancer du sein. Et pourtant, après leur diagnostic, elles ont constaté qu’elles étaient plusieurs dans la même situation.

Le cancer du sein pendant et après la grossesse est rare: il représente 0,2 % à 3,8 % de tous les cas de cancer du sein. Mais il s’agit quand même du cancer le plus fréquent chez les femmes enceintes.

«C’est important d’en parler, parce que beaucoup de femmes ne savent pas que c’est quelque chose qui existe, affirme Sonia Del Rincon, professeure associée au département d’oncologie de l’Université McGill. Souvent, ce type de cancer est détecté trop tard. Les seins changent beaucoup pendant cette période. Pendant l’allaitement, les femmes peuvent penser que c’est une mastite, par exemple, et elles n’iront pas nécessairement voir leur médecin.»

Le cancer du sein en chiffres

» En 2017, 26 300 Canadiennes ont reçu un diagnostic de cancer du sein, ce qui représente 25 % de tous les nouveaux cas de cancer chez la femme.

» 5 000 femmes sont mortes d’un cancer du sein, ce qui représente 13 % de tous les décès par cancer chez la femme en 2017.

» Les femmes de 50 à 69 ans présentent le taux le plus élevé de cancer du sein. Chez les femmes de 20 à 49 ans, 29 % des cancers diagnostiqués sont des cancers du sein et constituent la première cause de décès par cancer dans ce groupe d’âge. (Sources: Société canadienne du cancer et Fondation cancer du sein du Québec)

C’est ce qui est arrivé à Michelle Lee Friesen, une journaliste du HuffPost Canada qui vit à Calgary et qui a reçu un diagnostic de cancer du sein à 36 ans, 18 mois après avoir accouché de son deuxième enfant (lisez son témoignage complet ici). Michelle a consulté deux médecins dans des cliniques sans rendez-vous pour des mastites, et aucun d’eux ne l’a auscultée. Elle a fini par aller voir sa médecin quand, après avoir arrêté d’allaiter, elle sentait toujours une bosse dans un de ses seins. Même sa médecin croyait qu’il s’agissait probablement seulement d’un kyste. La mammographie qu’elle a d’abord passée n’a d’ailleurs rien décelé. Quand elle a reçu son diagnostic, en février dernier, elle était sous le choc.

«Tous les signes me portaient à croire que ça ne pouvait pas être le cancer, a-t-elle expliqué au HuffPost Québec. Je suis jeune, en santé, j’ai allaité, il n’y a pas de cancer du sein dans ma famille...»

Parlons-en de l’allaitement: beaucoup de femmes se sont fait dire pendant leur grossesse que le fait d’allaiter les protégeait contre le cancer du sein. Rassurez-vous, c’est vrai, confirme Sonia Del Rincon, qui est aussi chercheuse à l’Institut Lady Davis de l’Hôpital général juif de Montréal. Mais sachez que cela ne vous offre pas une protection à 100%.

Une période intense

Évidemment, devenir une maman est une étape très intense dans la vie d’une femme, ce qui peut en inciter certaines à remettre à plus tard le moment où elles vont prendre soin d’elles-mêmes.

«La femme est souvent très occupée, elle a peut-être aussi d’autres enfants à la maison, alors elle peut être portée à remettre à plus tard la prise d’un rendez-vous, souligne Sonia Del Rincon. Mais on ne le dira jamais assez: si vous sentez quelque chose d’anormal, il faut aller consulter immédiatement.»

C’est un peu ce qui est arrivé à Patricia Estephan. En 2014, alors qu’elle venait d’arrêter d’allaiter son deuxième enfant et qu’elle reprenait le travail, elle a senti une bosse à son sein droit. Elle s’est d’abord dit que ce devait être un peu de lait restant de l’allaitement. Elle a fini par aller voir sa médecin, quelques mois plus tard. Après l’avoir auscultée, elle lui a conseillé d’aller passer une mammographie et une échographie.

«Je me rappelle que je ne voulais pas aller passer une mammo, parce que c’est vraiment désagréable, raconte Patricia. Je suis partie avec la prescription en octobre, mais je l’ai mise de côté parce que j’avais les mains pleines.»

Deux mois plus tard, un peu avant Noël, son mari la convainc de prendre rendez-vous; il lui semble que la bosse a grossi. Elle a finalement un rendez-vous au mois de mars 2015.

«Je suis allée seule à l’échographie, se rappelle Patricia. La technicienne ne disait rien, elle m’a demandé de rester dans le corridor, et elle a demandé une mammographie. Puis elle m’a demandé si j’étais seule... J’ai paniqué, je me suis mise à pleurer... Et j’ai appelé mon conjoint pour qu’il vienne me rejoindre.»

Une semaine plus tard, sa médecin l’appelait pour lui confirmer qu’il s’agissait d’un cancer du sein hormonal. Elle avait 36 ans.

«Après l’opération, le médecin m’a dit que ça devait faire au moins deux ans que la tumeur était là.»

Comme pour Michelle, le choc a été immense pour Patricia. Mais on lui annonce aussi qu’elle a 95% de chances de survie avec le traitement. Malheureusement, le traitement hormonal qu’elle a suivi ne semble pas avoir été efficace sur elle. Un an et demi plus tard, le cancer est revenu dans ses os. Aujourd’hui, Patricia a un cancer de stade 4, incurable. Elle commence sa cinquième série de traitement, en radiothérapie, qui doivent la maintenir stable.

«Je suis là, je n’abandonne pas, et je suis confiante que ça va fonctionner», martèle-t-elle.

Patricia Estephan a réalisé son rêve d'aller à Hawaï avec son mari et leurs deux enfants, en mars dernier.
Courtoisie
Patricia Estephan a réalisé son rêve d'aller à Hawaï avec son mari et leurs deux enfants, en mars dernier.

Il faut aussi savoir que chez les femmes qui ont cancer du sein qui se déclare pendant la grossesse ou l’allaitement, le risque qu’il se développe en cancer métastatique (c’est-à-dire un cancer qui se propage à d’autres endroits dans le corps) est plus grand.

Évidemment, comme tous les cancers, un diagnostic le plus tôt possible contribue grandement à augmenter les chances de survivre, dit Sonia Del Rincon. Mais cela dépend aussi du type de cancer du sein, et de la femme qui en est atteinte.

Julie Lévesque en sait quelque chose. C’est en allaitant sa fille de 6 mois qu’elle a senti une masse sous son bras. Comme son bébé avait rendez-vous avec son médecin de famille (qui est aussi celui de Julie), elle en a profité pour lui montrer sa bosse. Quelques semaines plus tard, elle avait son diagnostic. C’était en juin 2010. Près de deux ans après la fin des traitements, elle a senti une nouvelle masse dans son cou. En 2012, on lui diagnostiquait un cancer de stade 4.

«Le fait que j’avais une microscopique tumeur, ça n’a pas sauvé ma peau», remarque-t-elle.

Et maintenant, qu’est-ce qu’on fait?

Le meilleur moyen de détecter quelque chose d’anormal est encore l’auto-examen des seins. On consulte ensuite un médecin, au besoin.

«Souvent, pendant la grossesse et l’allaitement, les femmes se mettent de la crème pour éviter les vergetures. Ça peut être un bon moment pour faire l’auto-examen» suggère Sonia Del Rincon.

Certains médecins généralistes devraient aussi être mieux informés sur le sujet, comme le démontre l’expérience de Michelle qui, à deux reprises, a consulté des médecins dans une clinique sans rendez-vous et est ressortie avec une prescription pour des antibiotiques, sans avoir été auscultée.

«Quand je parle du cancer du sein chez les femmes enceintes ou qui allaitent, il y a encore des médecins qui me disent: ″ah oui, ça existe?″» illustre Mme Del Rincon.

Contactée à ce sujet, la Fédération des médecins omnipraticiens n’a pas voulu se prononcer sur la question, estimant que cela était en dehors de son champ de compétences. Le Collège des médecins a également répondu au HuffPost Québec qu’il s’agissait d’un sujet «trop pointu».

Julie Lévesque a eu 40 ans il y a quelques mois. Une décennie qu’elle ne pensait jamais atteindre. Toutes les femmes qui avaient le même diagnostic qu’elle, elle les a vu disparaître, au fil des années. Mais elle est encore là, et pourra encore assister, avec beaucoup de gratitude, au spectacle de fin d’année de sa fille, maintenant âgée de 9 ans. Elle continue de suivre un traitement de chimiothérapie orale.

Michelle, elle, est rendue à la moitié de ses traitements de chimiothérapie. Elle devra subir une chirurgie, puis des traitements de radiothérapie, et espère ensuite pouvoir dire que son cancer sera du passé. Mais elle souhaite que son histoire soit utile pour d’autres femmes, et les encourage à être attentive à leur corps.

La Fondation cancer du sein du Québec offre un service gratuit de soutien psychologique au téléphone : 1-877-990-7171, poste 250. Vous pouvez également obtenir plus d’informations sur le sujet en cliquant ici.

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