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Soyez la bonne étoile d'un enfant de la DPJ

«La vérité, c’est qu’un enfant ne devrait jamais se retrouver en centre jeunesse», admet Nancy Audet, qui est l'ambassadrice de cette campagne de financement.
Nancy Audet
Daniel Daignault
Nancy Audet

Nancy Audet est encore effrayée, lorsqu’elle repense au jour où, il y a plus de 25 ans, elle a dû mettre les pieds dans un centre jeunesse.

«La vérité, c’est qu’un enfant ne devrait jamais se retrouver en centre jeunesse. Jamais», tranche-t-elle.

La journaliste de TVA Sports, qui avait raconté son enfance difficile au HuffPost Québec il y a quelques mois, est maintenant ambassadrice de la campagne La bonne étoile, de la Fondation du Centre jeunesse de Montréal.

Cette campagne de Noël, dont l’objectif est d’amasser 150 000$, servira à offrir des cadeaux à Noël aux enfants de la DPJ, mais aussi des activités culturelles et sportives, ainsi que du tutorat et des bourses scolaires, tout au long de l’année.

Mercredi matin, la campagne avait atteint près du tiers de son objectif, trois jours après son lancement.

«On finance toutes sortes de choses, explique la directrice générale de la fondation, Isabelle Levesque. Ça peut être une sortie en forêt, une activité culturelle ou un tournoi de hockey; quelque chose qui pourrait créer la petite étincelle qui fera en sorte que ce jeune-là pourra s’en sortir. Ça peut mener à créer un rêve. Faire sortir les jeunes, leur donner accès à des activités, ça travaille aussi leur autonomie, ça les met en lien avec des jeunes d’autres milieux, ça aide à leur socialisation.»

La directrice générale de la Fondation du Centre jeunesse de Montréal, Isabelle Levesque
Fondation du Centre jeunesse de Montréal
La directrice générale de la Fondation du Centre jeunesse de Montréal, Isabelle Levesque

Un autre volet très important financé grâce à cette campagne est la réussite scolaire. La fondation espère améliorer les statistiques actuelles, plutôt désolantes: seulement 17% des jeunes de la DPJ de 17 ans se retrouvent en cinquième secondaire, comparativement à 75% dans la population générale, illustre Isabelle Levesque.

«Dans les prochaines années, on veut améliorer nos actions dans la transition vers la vie adulte. À 18 ans, les jeunes quittent, parfois très démunis, et il faut travailler là-dessus. Il faut que le système et les organismes communautaires travaillent mieux ensemble pour créer un filet de sécurité, et que les jeunes aient plus d’outils entre les mains au moment où ils sortent.»

En 2018-2019, 105 644 enfants et adolescents ont fait l’objet d’un signalement à la DPJ au Québec, ajoute la directrice générale de la fondation. «C’est énorme», se désole-t-elle.

De ce nombre, 40 % ont été retenus parce qu’on craignait pour leur sécurité ou leur développement.

Tout un cheminement

Avant l’entrevue qu’elle a accordée au HuffPost Québec l’hiver dernier, Nancy Audet n’avait jamais parlé publiquement de son parcours au sein de la DPJ. Quelques semaines avant le rendez-vous, elle avait déjà contacté Isabelle Levesque, car elle avait envie de s’impliquer pour cette cause.

«Elle m’a demandé quelle était ma motivation, et j’avais du mal à lui répondre, j’étais mal à l’aise. Elle m’a dit: “si tu veux les rencontrer, si tu veux les inspirer, mais que tu n’es pas capable d’être honnête par rapport à ton parcours, ça va être difficile. Ils vont le sentir tout de suite, si tu n’es pas vraie, et tu ne pourras pas toucher leur coeur.” Elle avait raison, et ça m’a ébranlée.»

«Je donne quoi comme exemple à ces enfants si à 40 ans, je suis encore honteuse... si je ne suis pas capable de me tenir droite et d’être fière, malgré les embûches?» continue-t-elle.

Et c’est peu après cela qu’elle a vu passer un message du HuffPost, qui était à la recherche d’anciens enfants de la DPJ.

Depuis, Nancy est allée plusieurs fois visiter un centre jeunesse.

«Au début, j’avais les jambes molles et le coeur qui battait très fort. Je n’osais pas regarder les jeunes parce que je ne voulais pas me mettre à pleurer. Puis, je suis allée visiter une unité. Et finalement, quand j’ai rencontré mes belles grandes ados et mes petits gars, tout est devenu clair dans ma tête.»

Nancy prend alors une longue pause, au bout du fil. Après un silence chargé, elle confie qu’elle a été très émue par leur force, leur courage et leur résilience.

Et cette campagne de financement, c’est pour eux.

Un système problématique

Les révélations faites dans le cadre de la Commission spéciale sur les droits et enfants et la protection de la jeunesse, qui se déroule actuellement à l’Assemblée nationale, mettent en lumière les ratés du système. Peut-être que l’idéal, comme le souligne Nancy Audet, serait qu’il n’y ait plus de centres jeunesse, carrément?

«Personne ne va me faire croire que c’est un environnement normal pour des jeunes. Un environnement comme ça, ça laisse des traces dans la vie. Ils ne peuvent pas avoir de rideau dans leur chambre parce que c’est trop dangereux», illustre la journaliste sportive.

«Il est plus que temps qu’on s’intéresse à ces enfants-là», ajoute-t-elle.

Une chose est sûre, il faut remettre en question la façon dont on travaille avec ces jeunes, affirme Isabelle Levesque. Les deux femmes tiennent tout de même à souligner que les intervenants font un travail admirable dans ces centres, dans des conditions plus que difficiles.

En attendant, Isabelle Levesque et Nancy Audet espèrent que les Québécois seront généreux, pour permettre d’agrémenter le quotidien de ces jeunes mal-aimés.

La campagne La bonne étoile se poursuit jusqu’au 31 décembre.

À VOIR: notre série «La DPJ a 40 ans, voici mon histoire»

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