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Ne me quitte pas...

Le 23 juin 2016, les Britanniques se sont prononcés en faveur du retrait de leur pays de l'Union européenne (Brexit), créant ainsi un vent de panique sur les marchés boursiers mondiaux.
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«L'homme est un animal rationnel. » - Aristote

D'après la théorie économique classique, l'être humain se comporte de manière rationnelle lorsqu'il doit prendre une décision importante. En effet, il tient compte de toute l'information disponible, il envisage tous les scénarios possibles et, par la suite, il choisit l'option optimale conformément à une analyse rigoureuse du rapport coût-bénéfice potentiel. En réalité, l'être humain agit différemment...

Le 23 juin 2016, les Britanniques se sont prononcés en faveur du retrait de leur pays de l'Union européenne (Brexit), créant ainsi un vent de panique sur les marchés boursiers mondiaux. Afin de mieux comprendre ce verdict, il est pertinent d'analyser la stratégie déployée par les deux camps.

Partisans du statu quo: une campagne axée sur des chiffres

En vous fiant uniquement aux données ci-dessous, le résultat du vote peut paraître surprenant. En fait, d'un point de vue économique et financier, pour un Britannique, il semblait risqué d'opter pour un avenir qui sera teinté d'incertitude et de bouleversements.

«Une victoire du ''non'' au référendum sur le maintien du Royaume-Uni dans l'Union européenne pourrait se traduire sur le plan économique par une perte de richesse comprise entre 1,5 % et 5,5 % à l'horizon 2019. À court terme, l'incertitude créée par un processus de sortie compliqué et inédit pourrait être dommageable pour l'investissement, la consommation et l'emploi.» - Le FMI (Fonds monétaire international)

«There would be a market turmoil. Based on the stress test scenario, we expect a drop of 24 % in U.K. equities over two to three months.» - Bill Morokoff, directeur de la recherche chez Axioma

D'après vous, combien de Britanniques ont pris le temps d'étudier la question de manière rationnelle? Selon Richard Thaler, professeur d'économie comportementale à la Chicago Booth Business School, ils étaient peu nombreux. Étant donné qu'une approche prônant la pensée analytique et fondée sur des statistiques et des simulations a échoué, comment peut-on expliquer le choix des Britanniques?

Militants du retrait: l'immigration, un sujet chaud

Lorsque l'Union européenne a été fondée en 1993, le dossier de l'immigration au Royaume-Uni n'était pas un enjeu. Toutefois, entre 1993 et 2014, le portrait a changé. D'après les chercheurs Cinzia Rienzo et Carlos Vargas-Silva, le nombre de personnes nées à l'étranger et vivant au Royaume-Uni a presque doublé. De plus, durant cette période, le pourcentage d'immigrants provenant du reste de l'Europe est passé de 25 % à près de 50 %.

Cette croissance fulgurante s'explique principalement par deux facteurs. D'une part, plusieurs pays de la région de l'Europe centrale et orientale se sont rajoutés au sein de l'Union européenne. D'ailleurs, la Pologne est la deuxième source d'immigrants derrière l'Inde. D'autre part, depuis la crise financière de 2008, un grand nombre d'Italiens, de Portugais et d'Espagnols ont migré au Royaume-Uni en vue de profiter de meilleures occasions d'emploi.

En plus de représenter une menace sur le plan de la culture et de l'emploi, les immigrants constituent aussi un risque pour la sécurité. Récemment, la crise des réfugiés syriens et les attentats terroristes perpétrés à Paris et à Bruxelles ont contribué à propulser l'immigration comme étant la préoccupation première des Britanniques.

À la lumière de ce qui précède, les indépendantistes ont misé alors sur l'immigration, une thématique qui suscite de vives réactions émotionnelles auprès de la population, au lieu d'utiliser un raisonnement logique basé sur un discours économique et financier. Par exemple, Nigel Farage, un des leaders du mouvement, a mentionné ceci lors d'une entrevue:

«There is an especial problem with some of the people who've come here and who are of the Muslim religion who don't want to become part of our culture. People do see a fifth column living within our country, who hate us and want to kill us.»

S'attendre à l'imprévu

Contre toute attente, le Royaume-Uni devra entamer une période de négociations pour se retirer de l'Union européenne d'ici deux ans. En fait, les jours précédant la tenue du référendum, les places boursières avaient monté en anticipation d'un résultat contraire. Encore une fois, l'épisode du Brexit démontre la nécessité de porter une attention particulière au comportement humain lors d'un exercice de prévisions. Assurément, les partisans du statu quo auraient eu intérêt à utiliser davantage la carte émotionnelle, un peu comme l'a fait Jacques Brel avec son succès Ne me quitte pas...

Sources

Ivana Kottasova. Brexit could trigger European stock market crash, CNN Money, 10 juin 2016.

Jim Mann. Britons and Europe : the survey results, The Guardian, 20 mars 2016.

Reuters France. L'économie britannique pourrait pâtir d'un Brexit, dit le FMI, 18 juin 2016.

Richard Thaler. 'Brits Are Voting With Their Guts', MarketWatch, 20 juin 2016.

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