Les usagers de la ligne de trains de banlieue exo 4 qui ont dû trouver une alternative pour se rendre au travail cette semaine sont loin d’être les seuls. Des manifestants du mouvement #ShutDownCanada paralysent les services ferroviaires un peu partout au pays depuis vendredi dernier. Mais pourquoi?
Que veulent les manifestants?
La mobilisation #ShutDownCanada est un mouvement national en solidarité avec la Première Nation Wet’suwet’en de Colombie-Britannique.
Depuis jeudi dernier, la Gendarmerie royale du Canada (GRC) mène une série de raids dans des camps de fortune érigés par des membres de la communauté Wet’suwet’en opposés au projet de gazoduc Coastal Gaslink de TC Énergie (anciennement TransCanada). Les manifestants bloquent une route forestière menant au chantier même si une injonction les en empêchant a été prolongée le 31 décembre dernier. Les policiers ont procédé à plusieurs arrestations au cours des derniers jours. Des journalistes affirment avoir été menacés d’arrestation et tenus à l’écart pendant les interventions policières, qualifiées de «violentes» par les manifestants.
Le mot-clic #ShutDownCanada était devenu viral en janvier 2019, après que la GRC eut procédé à une première vague d’arrestations pour faire respecter l’injonction. Des images du raid policier avaient alors fait le tour du monde.
Plusieurs mois plus tard, le quotidien britannique The Guardian révélait que la GRC était prête à tirer sur des manifestants autochtones lors de cette première intervention.
Qui sont les Wet’suwet’en?
Les Wet’suwet’en sont un peuple des Premières Nations dont le territoire est situé en bordure de la rivière Bulkley, dans le nord-ouest de la Colombie-Britannique.
Les manifestants à l’origine du blocus du chantier Coastal Gaslink affirment que le projet n’a pas reçu l’aval des chefs héréditaires Wet’suwet’en, même si cinq des six conseils de bande de la Nation ont signifié leur accord.
Les manifestants estiment que les conseils de bande - pourtant élus - sont illégitimes, puisqu’il s’agit d’une structure coloniale imposée par la Loi sur les Indiens en 1876. En vertu du droit ancestral, les chefs héréditaires sont les véritables leaders de la communauté, comme l’expliquait l’an dernier le juriste d’origine innue Pierrot Ross-Tremblay à l’émission Médium Large.
Qu’est-ce qu’un territoire non cédé?
Si certaines terres ancestrales autochtones ont été cédées à la Couronne britannique (et plus tard au gouvernement canadien) par l’entremise de traités, ce n’est pas le cas pour toute la superficie du Canada.
Puisque le territoire traditionnel de la Nation Wet’suwet’en n’est couvert par aucun traité, il est souvent décrit comme un territoire non cédé. Les Wet’suwet’en estiment qu’ils sont maîtres chez eux et qu’ils doivent donner leur accord pour que le projet aille de l’avant.
C’est pour cette raison que certaines organisations, dont de nombreuses universités, prononcent des «Déclarations de reconnaissances» en ouverture de rassemblements ou de discours.
Par exemple, à l’Université McGill, située au centre-ville de Montréal, la déclaration se lit comme suit:
Nous tenons [Je tiens] d’abord à souligner que les terres sur lesquelles nous sommes rassemblés font partie du territoire traditionnel non cédé des Kanien’keha:ka (Mohawks), qui a longtemps servi de lieu de rassemblement et d’échange entre les nations.
Coastal Gaslink, c’est quoi?
Le gazoduc Coastal Gaslink de TC Énergie est un pipeline de 670 km qui traversera la Colombie-Britannique de Dawson Creek, au nord, à Kitimat, sur la côte ouest de la province.
Il transportera du gaz naturel, qui sera ensuite liquéfié afin d’être exporté vers les marchés asiatiques. Sur son site web, TC Énergie soutient que le projet «contribuera à alimenter la planète avec une énergie plus propre», puisque le gaz naturel liquéfié est destiné à des marchés où l’utilisation du charbon - grande source d’émission de gaz à effet de serre - est encore répandue.
Pourquoi cibler le transport ferroviaire?
Si les militants solidaires avec le combat des Wet’suwet’en ont choisi d’occuper des voies ferrées, c’est parce que «les chemins de fer sont une infrastructure qui dépend de la volonté des peuples autochtones de partager leur territoire», a résumé à Ricochet une porte-parole de l’organisation Rising Tide Toronto, qui a organisé un blocus samedi.
«Il y a tellement de trains qui passent par des territoires non cédés, des réserves ou des territoires couverts par des traités», a ajouté Maggie McGregor. Elle a aussi souligné au passage que le Canadien Pacifique, à qui appartiennent les voies ferrées visées, est aussi responsable du transport de matériel pour la construction du gazoduc.
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