Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Bipolarité: en cessant de «fuir la vérité», ce jeune Québécois a fait la paix avec lui-même

«Au début de cette quête, c'était moi contre moi. Aujourd'hui, c'est moi avec moi.»
Hugo Rozon, dans «The 108 Journey»
Courtoisie The 108 Journey
Hugo Rozon, dans «The 108 Journey»

«Ma cause, moi, c’est tous les gens qui pleurent à chaque nuit, qui sont bipolaires, déprimés, anxieux, whatever. Les gens qui sont incompris, ça, c’est ma cause», peut-on entendre à la fin du film d’Hugo Rozon, The 108 Journey.

Commencer par la fin semble logique quand on parle de ce documentaire, qui traite de cycles, celui d’une mort et d’une renaissance (symboliques) et des cycles émotionnels d’Hugo.

Principal protagoniste du film, qu’il a coréalisé de façon entièrement indépendante avec son ami Mathieu Perrault Lapierre, Hugo a reçu un diagnostic de bipolarité il y a sept ans. L’année dernière, il a décidé de partir, de tout laisser derrière lui - dont un emploi dans une agence de marketing à succès qu’il avait fondée lui-même -, pour entreprendre un voyage introspectif en Inde et au Népal. À travers son film, qui le suit dans ce périple initiatique, il veut lever le voile sur son expérience de la bipolarité afin d’ouvrir la discussion sur les enjeux de santé mentale.

«Libérer qui je suis»

Lorsqu’il a reçu son diagnostic de bipolarité, Hugo dit avoir eu l’impression qu’il était un peu seul au monde à vivre cela. Il a longtemps été «entre la folie et la fantaisie, entre les ciels bleus et les nuages si gris», dit-il dans son film.

Puis, éventuellement, il a voulu arrêter ce combat constant contre lui-même et tenter de trouver une certaine paix au sein de son chaos intérieur. Inspirés par certains de ses musiciens préférés comme Bob Dylan et les Beatles, il a choisi l’Inde et le Népal comme destinations pour son voyage introspectif.

Le fait d’avoir créé son film lui a permis de s’expliquer, de montrer vraiment qui il est, sans tabou, relate-t-il. «C’est un peu une libération à ce niveau-là, de ne plus avoir besoin de jouer de jeu ou quoi que ce soit.»

“C’est souvent l’avis d’un médecin, d’un thérapeute [qu’on présente], dit-il. Tout ça est très bon, mais c’est le fun d’avoir aussi l’avis de quelqu’un qui l’a vraiment vécu. Ça fait changement.”

Il dit avoir voulu produire le documentaire autant pour aider les autres qui peuvent vivre des situations similaires à la sienne que pour s’aider lui-même, en quelque sorte. «Les gens qui vivent des affaires comme ce que j’ai vécu, il y en a beaucoup qui vont se reconnaître et ça va leur faire du bien.» Mais il souligne que son intention n’étais pas de «devenir une vedette, ou devenir cinéaste. C’est vraiment par besoin que je l’ai fait plus qu’autre chose.»

Si Hugo ne songeait pas nécessairement, au départ, à se mettre lui-même de l’avant dans son film, il a réalisé éventuellement avec son ami Mathieu que c’était la manière la plus évidente de le faire. Que c’était la meilleure façon de montrer la réalité d’une personne bipolaire, dans tout ce que ça implique.

«C’est souvent l’avis d’un médecin, d’un thérapeute [qu’on présente], dit-il. Tout ça est très bon, mais c’est le fun aussi d’avoir l’avis de quelqu’un qui l’a vraiment vécu aussi. Ça fait changement.»

Une question de feeling

Pendant le voyage et le tournage du film, Hugo et Mathieu ont dû faire preuve de flexibilité et surtout, se fier à leur intuition. Hugo avait échafaudé un itinéraire pour le voyage, mais le reste demeurait à déterminer.

«On ne voulait pas se limiter. Même si on avait déjà des plans, on pouvait les changer à n’importe quel moment, tout pouvait changer», explique-t-il. «C’est super important, quand on voyage - même quand c’est pas pour un film -, de ne pas trop se mettre de plan non plus. D’y aller quand même au feeling. Parce que sinon, tu te mets des barrières quand tu décides que tu veux absolument suivre un itinéraire.»

Hugo Rozon, dans «The 108 Journey»
Courtoisie - The 108 Journey
Hugo Rozon, dans «The 108 Journey»

Les deux amis se sont inspirés de structures de films qui existaient déjà pour créer le docu; un défi se présente au personnage, puis il rencontre son mentor, etc. Mais la crise du coronavirus a déjoué leurs plans pour la grande finale.

Ils avaient prévu monter l’Himalaya, plus précisément les Annapurna. Mais ils sont restés coincés dans un village du Népal. Ils ont dû faire face à cette dose d’inattendu en accueillant cet écueil comme une opportunité plutôt que comme un obstacle.

«Ç’a été drôle pour nous de voir que [notre film, on] l’a fait vraiment au “feeling” tout le long et à la fin, tout avait du sens.»

Donner une place aux incompris

Hugo précise qu’il n’a pas la prétention d’affirmer qu’il détient la vérité en ce qui a trait à la meilleure façon de vivre sa bipolarité, ou tout autre trouble lié à la santé mentale. «Chaque personne est libre de prendre ce qui l’intéresse et délaisser ce qu’elle n’aime pas non plus», dit-il.

«Je suis vraiment dans une optique où j’ai expérimenté quelque chose, je le partage avec les gens, mais jamais je vais me voir comme un coach de vie, comme un gourou.»

Au fond, il désire montrer aux gens qu’il est possible de cesser d’être constamment dans la dualité, dans le «moi contre moi». On peut arriver à se réconcilier avec soi-même, en arrêtant de se juger.

«Il y a eu un déclic où je me suis dit: pourquoi je me mettrais moi-même contre moi-même, à quoi ça me sert? Je me suis dit que ça serait mieux d’être allié avec moi-même. Ça a fait un gros changement dans le jugement que je portais envers moi, que j’ai complètement enlevé. Je suis plus apaisé», témoigne-t-il.

Hugo Rozon, dans «The 108 Journey»
Courtoisie The 108 Journey
Hugo Rozon, dans «The 108 Journey»

Le nombre «108» est un nombre sacré dans plusieurs cultures. Les trois chiffres qui le composent représentent respectivement les idées d’unité, de commencement, et d’infinitude, apprend-on dans le film.

Avec The 108 Journey - et dans le futur -, Hugo Rozon souhaite rassembler les gens qui se sentent incompris et leur permettre de s’exprimer sans jugement sur leur santé mentale.

«J’ai fait beaucoup de thérapies, mais l’affaire qui a le plus changé ma vie, ç’a été une discussion avec un bipolaire qui avait vécu ce que j’avais vécu, et qui avait réussi à s’en sortir, à avoir une belle carrière», conclut-il avec optimisme.

The 108 Journey sera disponible gratuitement sur son site web officiel à compter du 28 janvier, à 20h, à temps pour la journée Bell cause pour la cause.

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.