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Comprendre le défi de la biodiversité

Écologie, biodiversité, écosystèmes, autant de notions entrées dans l'usage courant. Pourtant, en dépit d'une attention médiatique et politique croissante, l'érosion de la biodiversité se poursuit.
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Écologie, biodiversité, écosystèmes, autant de notions entrées dans l'usage courant. Pourtant, en dépit d'une attention médiatique et politique croissante, l'érosion de la biodiversité se poursuit. Le nombre d'espèces actuellement en déclin ou déjà disparues, à cause de la pression exercée par l'homme, s'accroît un peu plus chaque jour et concerne tous les groupes taxonomiques (mammifères, oiseaux, arthropodes, plantes, etc.). L'indice de la planète vivante, développé par le World Wildlife Fund, montre par exemple une diminution moyenne de 52% en 40 ans sur l'ensemble des espèces. Cette évolution est d'autant plus alarmiste que l'on sait aujourd'hui que ces écosystèmes sont nécessaires à notre survie. Des chercheurs ont en effet montré que la dégradation de la biodiversité entraînera une diminution de 6% du PIB mondial en 40 ans si rien n'est entrepris pour limiter cette érosion.

Il ne s'agit malheureusement pas là de simples spéculations. Le drame de la mer d'Aral témoigne que cette tendance est déjà bel et bien amorcée. Les barrages sur les fleuves alimentant cette mer intérieure qui ont été construits par l'URSS pour intensifier l'agriculture de coton ont eu des conséquences déplorables sur la région. En vingt ans, ils ont diminué l'apport d'eau à la mer d'Aral de 55 milliards de m3 par an à 7 milliards. Le nombre d'espèces d'oiseaux nicheurs est passé de 173 à 38, le nombre d'espèces de poissons de 24 à 4. Parallèlement, la salinité de l'eau a triplé (de 10g/L à 30g/L), entraînant la disparition de l'eau potable et de l'agriculture traditionnelle. La pêche, qui fournissait 50.000 tonnes de poissons par an et 60.000 emplois, s'est effondrée, menant à un abandon des villages de pêcheurs et à la détérioration durable des conditions sanitaires. Le taux de mortalité infantile est alors devenu l'un des plus hauts du monde.

Face à un tel désastre, on ne peut plus nier l'imbrication forte entre les dynamiques sociales, économiques et écologiques. Mais dans un tel contexte, gérer la biodiversité et les écosystèmes n'est pas un problème simple. Il devient alors indispensable de développer une réflexion globale portant sur de nouveaux systèmes complexes: les socio-écosystèmes, c'est-à-dire les ensembles formés par les sociétés au sein des écosystèmes dans lesquels elles évoluent.

Cependant, la gestion de tels systèmes n'est pas si évidente. Si la collectivité a en effet intérêt à préserver son environnement, la conclusion est moins claire au niveau des individus. La mise en place de réglementations (taxes, subventions, normes, quotas, écolabels, etc.) permettant d'orienter le comportement des producteurs ou des consommateurs devient alors nécessaire. La mise en place de ces politiques de régulation représente un sujet scientifique complexe impliquant une réflexion à caractère multiple: il s'agit de limiter les coûts économiques (coût d'élaboration et de mise en place de la politique, coût dû aux manques à gagner des agents économiques soumis à cette politique et potentiellement limités dans leur production, coûts pour les consommateurs), d'augmenter l'efficacité écologique et de favoriser son acceptation par les agents.

Mais le défi écologique va plus loin! Contrairement à d'autres problèmes environnementaux (pollution des nappes phréatiques, carbone atmosphérique, érosion sol, etc.), la biodiversité fait partie du règne vivant. Qui dit règne du vivant dit question de la valeur intrinsèque. Or il est établi, depuis la signature de la Convention pour la diversité biologique en 1992, que la biodiversité a bel et bien une valeur intrinsèque, c'est-à-dire pour elle-même, indépendamment de l'homme, en plus de ses valeurs utilitaristes (i.e. directement ou indirectement utiles à l'homme). La prise en compte de cette valeur intrinsèque implique notamment de comprendre les choix éthiques faits par la société vis-à-vis de l'écosystème dans lequel elle évolue: quels éléments de l'écosystème ont une valeur intrinsèque? Les animaux, ou les animaux et les végétaux, ou tous les êtres vivants incluant les virus, ou tout le règne du vivant et les éléments minéraux, etc.? Il est clair que ces choix éthiques relèvent de la philosophie et du débat public. La science n'a pas vocation à émettre de décision à ce propos. Néanmoins, elle doit avoir conscience de l'existence de ce débat et doit lui laisser une place.

À la fois sujet scientifique et débat public, le défi écologique mobilise alors deux registres de réflexion. L'enjeu scientifique consiste donc à développer une approche inter-disciplinaire capable d'étudier conjointement les enjeux socio-économiques et écologiques de différentes politiques de régulation, tout en ayant conscience du cadre éthique dans laquelle elle s'inscrit. C'est ce que propose de faire l'économie écologique, discipline se développant maintenant depuis une quinzaine d'années.

Pour aller plus loin:

  • Mouysset Lauriane, "Repenser le défi de la biodiversité: l'économie écologique", Les Editions de la Rue d'Ulm, Collection Sciences Durables, 2015. Préface de Pierre-Henri Gouyon.

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