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Écoles religieuses clandestines: deux ex-hassidiques témoignent

Plusieurs changements ont permis la régularisation de nombreuses écoles juives et évangéliques qui opéraient autrefois dans l'illégalité. Mais des questions demeurent.
Yochonon Lowen et Clara Wasserstein
HuffPost Québec
Yochonon Lowen et Clara Wasserstein

Le débat actuel sur la laïcité s’articule beaucoup autour de la place des symboles religieux dans nos écoles publiques. Mais il existe aussi une partie du réseau privé où les fondements mêmes de l’école reposent sur des principes religieux. Le HuffPost Québec a tenté de connaître l’ampleur du phénomène et le rôle de la religion, tant dans les écoles catholiques que dans celles desservant les communautés minoritaires.

Les écoles clandestines, surtout juives mais aussi évangéliques, défraient les manchettes depuis longtemps. Mais le portrait change depuis quelques années, à coup de nouveaux règlements et d’ententes au gré à gré entre le ministère de l’Éducation et les communautés concernées.

En 2014, le ministère de l’Éducation a signé une première entente avec la communauté hassidique Satmar, installée principalement à Outremont et dans le Mile End, à Montréal. L’entente permet aux garçons de continuer à fréquenter l’Académie Yeshiva Toras Moshe pour leurs études religieuses et d’être scolarisés à la maison pour les cours séculiers comme le français, l’anglais et les mathématiques.

Les cours à la maison sont supervisés par la Commission scolaire English Montreal (EMSB). L’EMSB a refusé de nous accorder une entrevue pour faire le bilan de l’exercice. Les représentants de la yeshiva n’ont pas retourné nos appels.

L’an dernier, le quotidien Le Devoir rapportait que la plupart des élèves ont réussi les examens du ministère. C’était la première fois que les jeunes garçons de la communauté Satmar passaient des examens permettant l’obtention d’un diplôme.

Il existe plusieurs autres communautés hassidiques, dont Tash à Boisbriand. Elles n’ont pas toutes signé des ententes.

Pas prêts pour une «vie normale»

Yochonon Lowen et Clara Wasserstein ont quitté la communauté hassidique Tash de Boisbriand avec leurs enfants, en 2010. En 2016, ils ont lancé une poursuite contre le leader de la communauté et les écoles talmudiques où sont scolarisés les enfants. Ils poursuivent aussi le gouvernement pour avoir failli à son obligation de s’assurer que les enfants de cette communauté reçoivent une éducation adéquate.

En entrevue au HuffPost Québec, M. Lowen et Mme Wasserstein affirment que les écoles hassidiques clandestines qu’ils ont fréquentées servent surtout à isoler les enfants du reste de la société québécoise. Pendant longtemps, ils craignaient que le simple fait d’apprendre le français et l’anglais - ou même de regarder un non-juif - pourrait contaminer leur âme.

À partir de l’âge de 13 ans, M. Lowen n’a étudié que les textes religieux. Il s’est rendu compte à l’âge adulte qu’il n’avait pas les connaissances nécessaires pour vivre une vie normale.

La non-connaissance du français pose problème, mais il lui manque aussi les connaissances générales requises dans la vie quotidienne. Par exemple, il a appris l’existence du fleuve Saint-Laurent lorsqu’il a été abordé par la journaliste Émilie Dubreuil pour le documentaire Je veux savoir, diffusé en 2017. Il habitait déjà à Montréal et avait quitté la communauté Tash depuis plusieurs années.

Yochonon Lowen a commencé à apprendre l’anglais avant de quitter la communauté. En cachette, puisque c’était «tabou». Clara, qui parlait déjà anglais, s’est inscrite à un programme de francisation des immigrants.

M. Lowen et Mme Wasserstein estiment que ces écoles devraient être fermées pour de bon. Ils croient aussi que l’enseignement religieux devrait se faire en anglais ou en français.

Ils disent avoir commencé à questionner leurs pratiques et leurs croyances religieuses à cause de la persécution qu’ils ont connue à Boisbriand.

Le HuffPost a tenté d’entrer en contact avec le leader de la communauté Tash, Elimelech Lowy, sans succès.

Écoles évangéliques légalisées

Le Québec compte aussi plusieurs écoles évangéliques. Il y a plus de dix ans, divers reportages, notamment du journal La Presse, dévoilaient l’existence d’une poignée d’écoles desservant quelques centaines d’élèves à travers le Québec.

Ces écoles n’avaient pas de permis du ministère. Elles dispensaient une éducation basée sur la méthode texane de la «School of Tomorrow». Cette méthode enseigne le créationnisme.

En 2007 et 2008, le gouvernement Charest a fermé sept écoles évangéliques clandestines. Mais il a également accordé des permis à huit autres écoles qui, jusqu’alors, opéraient dans l’illégalité.

Certaines des écoles régularisées ont fermé leurs portes, selon les rapports publiés annuellement par la Commission consultative de l’enseignement privé (CCEP). Il est toutefois difficile de savoir si d’autres ont été ouvertes à l’abri du regard de l’État.

Celles qui ont poursuivi leurs activités semblent s’accommoder des exigences du ministère, du moins à un niveau minimal. La plupart d’entre elles ont reçu continuellement des permis de courte durée (trois ans ou moins) afin que la CCEP puisse se pencher régulièrement sur leur situation.

On note dans les rapports que les écoles respectent désormais le nombre d’heures accordées aux diverses matières et utilisent du matériel didactique approuvé. Mais certaines manquent de personnel enseignant qualifié.

Les nombreuses églises évangéliques prennent de l’ampleur au Québec, mais le phénomène est difficile à quantifier. Notamment parce que Statistique Canada les catégorise parfois comme «évangéliques», parfois comme «protestantes» et parfois comme «autres chrétiens».

Les Pentecôtistes, par exemple, auraient doublé leurs nombres entre 2001 et 2011 pour atteindre 41 000 fidèles. Les Baptistes seraient stables à 36 600.

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