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«Laisse ton bébé chez toi!»

Quand tu soupires pour rien en faisant se sentir mal les jeunes parents, c'est un peu ce que tu fais: chigner. Sauf que toi, ce n'est pas vraiment justifié.
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Je suis allée dîner avec ma mère, ma cousine et sa fille de sept mois, il y a deux semaines. Puisque ma mère travaille au centre-ville, nous sommes allées dans l'un de ces restaurants branchés fréquentés par les gens habillés chic. Lorsque nous sommes arrivées, la serveuse nous a dit: «Ouin, normalement on n'accepte pas les enfants, mais ça va être correct pour cette fois-ci...» Pourtant, ma mère avait spécifié que nous serions accompagnées d'une poussette lors de la réservation et tout semblait correct. Déjà, je trouvais ça ordinaire.

Par chance, il était tôt. Nous étions les seules occupantes de la terrasse. Puis, midi a sonné et les gens s'occupant des «vraies affaires» sont arrivés. C'est alors que j'ai vu les regards. Ces regards-là. Les yeux méprisants qui soupiraient déjà en prévision de quelque chose qui n'était pas encore arrivé, mais qu'ils redoutaient tant: les pleurs de la petite. Ils semblaient anxieux à la simple idée qu'un bambin vienne gâcher leur sacro-sainte heure de lunch. Parce qu'il est clair que le seul endroit où il est acceptable d'amener son bébé, c'est chez Saint-Hubert.

J'avais juste envie de leur dire: «Hey, respire. Tout va bien aller. Elle ne régurgitera pas dans ton assiette fancy de canard confit.» Le pire, c'est qu'elle n'a pas pleuré une fois. Et même si ça avait été le cas, elle n'aurait dérangé personne. Pourquoi? Car c'est normal. Pleurer est le seul moyen dont dispose le bébé pour se faire entendre et, surtout, pour se faire comprendre. Peut-être que tu pleurerais aussi, toi et ton beau complet, si t'étais incapable de parler. En fait, quand tu soupires pour rien en faisant se sentir mal les jeunes parents, c'est un peu ce que tu fais: chigner. Sauf que toi, ce n'est pas vraiment justifié.

Toi, c'est de l'égocentrisme. C'est futile, c'est inutile. Toi, t'es un adulte. T'es censé te souvenir que t'as déjà été un môme et que tu as souvent dû «déranger» bien des gens au même âge. Toi aussi, tu as pleuré. Tu as fait des crises. Tu t'es jeté par terre, tu as même probablement déjà fait honte à tes parents. Toi aussi, tu reniflais avant de te moucher dans tes foulards à cent dollars. Aurais-tu aimé que quelqu'un fasse sentir tes parents coupables de se trouver à un endroit avec toi? Un endroit comme un restaurant, par exemple? Je ne pense pas. (Sauf si c'est chez Toqué!)

C'est comme ceux écrivant des trucs tels que: «Ceux qui amènent leur bébé en avion... À quel point t'es égoïste pour faire endurer ça aux autres voyageurs?»

Pardon? Trimballer son enfant avec soi alors qu'il aurait probablement été plus simple, mais pas plus facile, de le laisser à grand-maman ou grand-papa pour prendre de réelles vacances en amoureux est égoïste? Tout ça parce que monsieur ou madame allant en vacances et allant donc (sûrement) se reposer pour la semaine, n'a pas envie d'entendre un bébé pleurer durant le vol? Je me demande qui est le plus égoïste dans cette histoire...

Il en va de même pour les: «La place d'un bébé n'est pas dans un concert», et ce, même si ses oreilles disparaissent derrière les oreillettes géantes d'un casque antibruit, qu'il est dans les bras de sa mère et dort paisiblement.

Ce n'est pas à vous de juger où est la place des enfants qui ne sont pas les vôtres.

J'ai aussi lu des aberrations du genre: «Je ne pense pas que le bébé ait demandé à être là [au concert, au restaurant, dans l'avion]. Ça n'apporte rien à son éducation.» C'est vrai qu'à six mois, lire l'encyclopédie à son bébé est LA chose à faire pour son éducation... C'est vrai que s'il n'est pas couché dans sa bassinette vingt heures sur vingt-quatre, il est prédestiné à voler des banques et à finir ses jours en tôle.

D'aussi loin que je me souvienne, les pleurs d'un bébé ne m'ont jamais dérangée. Même quand j'avais ma claque de ma journée ou de ma semaine, même lorsque j'étais en fin de session, même lorsque j'étais exaspérée par tout et pour rien, les enfants ne m'ont jamais gênée. Même si j'étais au restaurant, même si j'étais dans l'avion. Pourquoi? Car se fâcher à cause d'un enfant qui pleure, c'est un peu comme se fâcher à cause de la pluie: ça ne sert à rien et tu n'y peux rien. S'il ne pleut jamais, c'est le désert, la sécheresse, la fin de tout. Les bébés, c'est pareil: ça en prend pour que demain existe. Et un bébé, ça pleure parfois (souvent).

Je préfère, et de loin, entendre un bébé pleurer que d'apprendre qu'une nouvelle maman (ou un nouveau papa) est en dépression car elle ne se donne plus le droit de sortir de chez elle.

Dis-toi que t'es chanceux: tu n'as qu'à te lever et quitter si tu n'es pas content. Les parents, eux, doivent rester. C'est leur devoir. En plus, ils doivent trouver la cause et trouver une solution. C'est pas mal de travail. Pense à ça la prochaine fois que t'as envie d'être méprisant envers ceux qui continuent de vivre même en ayant un enfant. Parce que si avoir un enfant change une vie, ça ne l'arrête pas.

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