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À 5 mois, ce bébé est sauvé in extremis par une greffe du foie de son papa

«Toute la famille, on a tous une cicatrice, on a tous été ouverts en deux, c'est assez spécial!» raconte la maman de la petite Eva-Rose.
Dominic Lévesque et Annie-Pier Charron, avec leur petite Eva-Rose, aujourd'hui âgée de 9 mois. La famille a vécu toute une saga dans les derniers mois.
Photo Marielle
Dominic Lévesque et Annie-Pier Charron, avec leur petite Eva-Rose, aujourd'hui âgée de 9 mois. La famille a vécu toute une saga dans les derniers mois.

«Eva-Rose, c’est notre miraculée!» résume Annie-Pier Charron, la maman de la fillette qui, à cinq mois, a dû recevoir un nouveau foie. Mais pas n’importe lequel.

C’est d’abord la maman qui devait donner un morceau de son foie à sa fille. Mais alors qu’elle était sur la table d’opération, le personnel médical s’est rendu compte que le foie d’Annie-Pier Charron ne pouvait pas être greffé. C’est donc le père qui a finalement pu sauver sa fille avec une transplantation. Du jamais vu pour le personnel du CHU Sainte-Justine.

«Elle était dans un état très avancé»

C’est lorsque la petite Eva-Rose avait quatre mois qu’on s’est rendu compte que quelque chose clochait. Jusque-là, elle semblait tout à fait normale, même si elle faisait une jaunisse. Une infirmière a référé la famille de Dolbeau, au Lac-Saint-Jean, au Centre hospitalier de l’Université Laval, à Québec. La fillette a ensuite été transférée d’urgence à Sainte-Justine, par ambulance. On lui a diagnostiqué une atrésie des voies biliaires, une maladie assez rare qui empêche le foie d’évacuer la bile et les toxines, ce qui cause une cirrhose.

“À la fin, elle était presque dans le coma, elle n’ouvrait presque plus ses yeux: on la sentait partir, tranquillement. Et l’organe n’arrivait pas.”

- Annie-Pier Charron

«C’est la cause la plus fréquente des greffes de foie chez les enfants», souligne le Dr Michel Lallier, chirurgien pédiatrique au CHU Sainte-Justine, qui a lui-même pratiqué l’intervention sur la petite Eva-Rose.

La fillette se détériorait très rapidement, se rappelle le chirurgien.

La petite Eva-Rose, pendant son hospitalisation
Courtoisie/Annie-Pier Charron
La petite Eva-Rose, pendant son hospitalisation

«Elle était dans un état très avancé, se souvient Annie-Pier. Elle perdait beaucoup de capacités. On nous a dit qu’il lui restait quelques semaines à vivre si elle ne recevait pas un nouveau foie.»

On a donc inscrit Eva-Rose sur une liste d’attente pour obtenir une transplantation, afin qu’elle puisse recevoir un nouveau foie.

«Au début, on ne savait pas dans quoi on s’embarquait, relate Annie-Pier. On vivait d’espoir. On a attendu quelques jours, mais le téléphone n’a pas sonné.»

«C’était très difficile de voir un enfant de cet âge-là qui dépérit au lieu de se développer. Elle avait perdu son tonus, sa tête était devenue plate, elle avait perdu ses cheveux. À la fin, elle était presque dans le coma, elle n’ouvrait presque plus ses yeux: on la sentait partir, tranquillement. Et l’organe n’arrivait pas.»

Dès le départ, la maman avait commencé à remplir la paperasse avec le personnel de Sainte-Justine pour être «donneuse vivante» (puisque le foie a la capacité de se régénérer, on peut en prélever une petite partie à un donneur vivant), au cas où la petite ne recevrait pas d’organe. Lorsque ce dernier scénario semblait se concrétiser, ils ont accéléré le processus.

Pour être compatible, un donneur vivant doit (en principe) peser moins que 10 fois le poids du receveur, explique le Dr Lallier. C’est pour cette raison qu’on privilégie en général la mère de l’enfant, plutôt que le père. La maman a donc passé une batterie de tests, et semblait compatible.

“Quand je me suis réveillée, je pensais que tout était fait, j’avais la coupure. J’étais sûre que j’avais sauvé ma petite fille, je pensais qu’on allait enfin se sortir de ce cauchemar-là.”

- Annie-Pier Charron

Mais lorsqu’elle s’est retrouvée endormie, sur la table d’opération, le personnel qui avait commencé l’intervention s’est rendu compte que son foie comportait une anomalie, qui ne se voyait pas sur les images. Cela n’avait jamais posé de problème à la mère, mais cette particularité rendait impossible la greffe.

La petite était déjà endormie, on allait prélever son foie pour le remplacer, quand on a dû tout arrêter.

«Quand je me suis réveillée, je pensais que tout était fait, j’avais la coupure, raconte Annie-Pier. J’étais sûre que j’avais sauvé ma petite fille, je pensais qu’on allait enfin se sortir de ce cauchemar-là. Mais à la fin de la journée, mon conjoint est venu me voir pour me dire que... non.»

La maman se souvient avec émotion qu’on ignorait alors si Eva-Rose allait se réveiller de l’anesthésie.

«J’étais dans un autre hôpital, au CHUM. Je ne pouvais pas être avec ma fille, vivre avec elle ce qui allait peut-être être ses derniers moments. Je n’avais plus d’abdominaux, j’étais coupée en deux jusqu’au nombril, je vivais de la souffrance psychologique et physique, c’était très difficile.»

Au CHU Sainte-Justine, c’était la première fois qu’on vivait un tel scénario.

«Ça ne nous était jamais arrivé d’avoir un donneur et d’être obligés de rebrousser chemin. Les donneurs vivants ont toutes sortes d’évaluations et d’investigations avant l’intervention. On a eu beau regarder les films après – on se demandait: “on a-tu manqué quelque chose?”... Mais non, ce n’était pas perceptible à l’“angio-scan”.»

Changement de scénario

La petite s’est finalement réveillée, mais après une semaine. Entretemps, c’est son papa qui a commencé le processus d’évaluation pour être donneur vivant.

«On a été très chanceux, parce que le papa avait un petit foie, assez petit pour qu’on puisse le greffer», souligne le Dr Lallier.

L’opération a finalement eu lieu le 12 septembre. Et la transplantation a été réussie. «Le foie a fonctionné très rapidement», précise Annie-Pier.

Après plusieurs semaines de convalescence, la petite famille a pu rentrer chez elle à la fin du mois d’octobre.

«Toute la famille, on a tous une cicatrice, on a tous été ouverts en deux, c’est assez spécial! Mais on n’hésiterait pas à le refaire. Même si on a vécu beaucoup de déception, il reste qu’on a tout fait pour sauver notre fille.»

Aujourd’hui âgée de neuf mois, Eva-Rose va très bien, assure sa maman. Le retour à la maison n’a pas été de tout repos, puisque les deux parents étaient eux aussi en convalescence, mais ils ont reçu de l’aide.

Eva-Rose se porte très bien, maintenant, assure sa maman.
Marielle Photo
Eva-Rose se porte très bien, maintenant, assure sa maman.

«Eva-Rose a rattrapé tous ses retards moteurs, elle se développe parfaitement. C’est une enfant normale! Si on ne voit pas sa cicatrice, personne ne peut savoir qu’elle est greffée.»

Au début, la petite famille devait revenir à Montréal toutes les semaines pour un suivi. Maintenant, les rendez-vous se sont un peu espacés.

Eva-Rose a pu célébrer son premier Noël, avec ses parents. Ce fut un Noël isolé, puisque la petite doit rester chez elle pour éviter de contracter des microbes. Lorsque le HuffPost Québec a joint Annie-Pier, la petite famille se préparait à un temps des Fêtes tranquille, juste tous les trois ensemble.

«Et on est vraiment heureux que ça se passe comme ça. Il n’y a pas si longtemps, on ne savait pas si on allait pouvoir passer Noël en famille. Alors on apprécie toutes les petites choses simples de la vie.»

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