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Mon bébé a été sauvé grâce à une greffe de cellules souches

J'étais soulagée quand j’ai appris qu’on avait trouvé un donneur. J'avais hâte, ça pressait. Emmanuelle était en vie, mais c'était du temps emprunté.
Emmanuelle
Courtoisie/Catherine Dion
Emmanuelle

Les propos de ce témoignage ont été recueillis par le HuffPost Québec et retranscrits à la première personne.

Emmanuelle a 21 mois. Elle a énormément de caractère et elle est très réactive. Quand ça ne fait pas son affaire, on le sait! En même temps, elle est très attachante et elle fait toujours de beaux sourires à tout le monde.

Quand j’ai eu ma fille, je voulais qu’elle soit une guerrière. Je suis féministe et je travaille auprès de femmes victimes de violence conjugale. Pour moi, l’empowerment, c’est super important.

L’an dernier, on est rentré à l’hôpital le lendemain de sa fête. Elle avait été malade tout l’hiver, mais c’était un premier hiver à la garderie, donc pour moi, ce n’était pas anormal. À un moment donné, elle a eu une infection pulmonaire et la fièvre ne diminuait pas. J’ai consulté deux fois à l’hôpital régional de mon secteur, mais il n’y a pas eu de grosses investigations.

Après la huitième journée de fièvre, je suis allée à Sainte-Justine. Avec une prise de sang, ils ont tout de suite vu que quelque chose clochait avec ses globules blancs et ses lymphocytes.

“Être à l’hôpital pour un traitement, c’est une chose. Être à l’hôpital et ne pas savoir ce qui se passe, c'en est une autre.”

Les médecins nous ont gardé et ils ont investigué. Ils ne trouvaient pas. Emmanuelle faisait 42 de fièvre, mais elle réussissait quand même à être éveillée, à être de bonne humeur et réactive. On lui a fait des biopsies, des examens, des ponctions de moelle, des ponctions lombaires...J’étais tannée. Je me disais: «Arrêtez de toucher à mon bébé!» J’étais vraiment à boutte. J’avais juste hâte qu’on trouve ce qu’elle avait.

On a passé 21 jours à l’hôpital avant de trouver. 21 jours à fouiller dans mon bébé. Être à l’hôpital pour un traitement, c’est une chose. Être à l’hôpital et ne pas savoir ce qui se passe, c’en est une autre.

Un médecin de Sainte-Justine a eu un feeling, comme moi, qu’Emmanuelle avait peut-être quelque chose de plus grave, et elle ne voulait pas passer à côté.
Courtoisie/Catherine Dion
Un médecin de Sainte-Justine a eu un feeling, comme moi, qu’Emmanuelle avait peut-être quelque chose de plus grave, et elle ne voulait pas passer à côté.

Une de mes cousines a un enfant qui a une maladie orpheline. Un médecin de Sainte-Justine a eu un feeling, comme moi, qu’Emmanuelle avait peut-être quelque chose de plus grave, et elle ne voulait pas passer à côté. Elle a proposé de faire des tests assez coûteux, qui se font rarement, juste pour éliminer la possibilité que ce soit un syndrome d’activation macrophagique.

Et c’était ça. Emmanuelle avait une lymphohistiocytose familiale. Elle ne paraissait pas malade, mais elle l’était beaucoup. Ça confirmait que ça en prend beaucoup pour l’assommer et que c’est une battante, une viking. Elle est solide.

C’est une maladie génétique et elle ne pouvait pas vivre avec cette maladie. Le seul traitement possible, c’était d’effacer son système immunitaire et de le remplacer par un nouveau. Et pour ça, il fallait une greffe de cellules souches.

La maladie d’Emmanuelle fait en sorte qu’elle se remplit de lymphocytes lorsqu’elle a un virus, et ça cause de l’inflammation. Son foie et son pancréas étaient énormes. Elle avait des ganglions dans le cou, dans les poumons, partout. C’est ce qui l’aurait tuée. On est retourné à la maison avec un traitement pour réduire l’inflammation.

Courtoisie/Catherine Dion

Puis, on est parti à la course aux donneurs. Pour une greffe de cellules souches, il y a des facteurs de compatibilité à regarder. Habituellement, les frères et soeurs ont une chance sur quatre d’être compatibles. Mais le frère d’Emmanuelle, James, n’était malheureusement pas compatible. Il aurait tellement aimé ça, du haut de ses quatre ans. Il voulait sauver sa soeur! Il était vraiment impliqué dans le processus.

On s’est tourné vers la banque mondiale. Les médecins nous disaient que ce ne serait pas trop difficile, parce que c’est une petite blanche québécoise et qu’habituellement, il y a beaucoup de donneurs. Finalement, en sortant son pedigree génétique, on a réalisé qu’on avait des origines qu’on ne connaissait pas! C’était un peu plus compliqué de trouver un donneur compatible.

Trois personnes compatibles à neuf sur 10 avec Emmanuelle ont finalement été trouvées. Une d’entre elles a répondu positivement. On a aucune idée de qui est cette personne-là - c’est confidentiel. Mais ça a pris un mois avant de trouver un bon timing pour que la personne vienne et qu’on puisse faire la greffe.

À l’hôpital, quelqu’un s’est échappé en disant que le donneur venait probablement de l’Europe. Cette personne-là n’a aucune idée qu’elle est venue sauver la vie d’un bébé!

J’étais soulagée quand j’ai appris qu’on avait trouvé un donneur. J’avais hâte, ça pressait. Emmanuelle était en vie, mais c’était du temps emprunté. Il y avait toujours la peur que la maladie s’enflamme et qu’on ne puisse plus rien faire. Et si elle était trop malade, elle ne pouvait pas recevoir la greffe.

Grâce aux contacts en Europe et aux États-Unis de notre médecin de Sainte-Justine, on a pu essayer un médicament qui a permis à Emmanuelle d’avoir une qualité de vie entre le mois de juin et le moment de la greffe en septembre.

À partir de là, on a été, en tout, sept semaines en isolement dans une chambre à pression négative. Moi, je pouvais sortir, parce que je ne pouvais pas manger, me brosser les dents ou m’habiller dans la chambre. Emmanuelle, elle, a dû passer les sept semaines dans cette pièce-là. On avait une liste; seulement six précieuses personnes pouvaient venir nous voir.

C’était difficile pour le coeur. On avait envie d’être tout le monde ensemble, mais ce n’était pas possible. Mon chum s’occupait de notre plus vieux à la maison.

Malgré les risques, la greffe s’est bien déroulée. En ce moment, le système immunitaire d’Emmanuelle est équivalent à celui d’un bébé prématuré. Il se reconditionne et ça peut prendre deux ans. Elle est immunosupprimée par la médication pour empêcher qu’elle rejette sa greffe, donc elle est encore souvent malade.

Elle a de la difficulté à combattre des virus comme le rhume et elle a toujours des complications: un rhume peut se transformer en pneumonie et ça se termine à l’hôpital.

Récemment, à l’aube de ses 21 mois, Emmanuelle a fait ses premiers pas. On avait hâte que ça débloque. Il y a du retard dans son développement, surtout au niveau moteur. Il y a de fortes chances qu’elle soit infertile et qu’elle n’ait pas de puberté.

Emmanuelle n’a plus vraiment de risques de mourir de sa maladie. Sa moelle actuelle est à 100% celle du donneur. Les risques de décès se situent plutôt par rapport aux conséquences des virus qu’elle attrape: la déshydratation, les infections pulmonaires, les détresses respiratoires... C’est surtout ça qu’il faut guetter tout le temps. Et il y a le risque d’une GVH (réaction du greffon contre l’hôte) chronique. C’est ce qu’on surveille tout le temps. C’est hyper stressant dès qu’elle a un petit symptôme.

James dit vouloir devenir médecin parce que les médicaments d'Emmanuelle sont trop forts. Il veut trouver un moyen d'avoir des médicaments moins forts pour les enfants malades.
Courtoisie/Catherine Dion
James dit vouloir devenir médecin parce que les médicaments d'Emmanuelle sont trop forts. Il veut trouver un moyen d'avoir des médicaments moins forts pour les enfants malades.

Pendant mon congé de maternité, j’ai fait une entrevue et j’ai obtenu un poste qui me permettait de doubler mon salaire annuel. Ma fille est tombée malade entre ma démission et le moment prévu du début de mon nouvel emploi. Je me suis retrouvée sans travail et sans revenu. Je ne peux pas avoir de chômage et je n’ai pas droit aux prestations de proche aidant.

On s’est retrouvé avec plus de dépenses, mais on a moins de revenus. Je reste à la maison avec Emmanuelle et mon chum continue à travailler, et il met les bouchées doubles.

Tous les jours, je dois écrire tout ce qu’Emmanuelle consomme et tout ce qui sort. Je dois regarder la texture de ses cacas et le noter. Il faut qu’elle boive entre 700 et 1000 millilitres de liquide par jour parce qu’un des traitements qu’elle reçoit est difficile sur les reins, donc il faut que je calcule ça. Elle prend de la médication le matin et au coucher. Il faut surveiller sa peau; après les bains, j’ai deux sortes de crèmes à lui mettre. Je dois lui faire la toilette nasale une couple de fois par jour et lui mettre des gouttes dans les oreilles.

Il y a aussi un régime post-greffe, parce qu’elle est hyper fragile à toutes les bactéries. Il faut que je lave tout. Quand je prépare le souper, je lave mon comptoir, mon lavabo, les aliments, les conserves, et les ustensiles doivent être désinfectés. Tout doit être à cuisson rapide parce qu’il faut que ce soit fraîchement cuisiné. Je dois tout acheter en portions individuelles. Je ne peux pas acheter en vrac. C’est beaucoup de petits détails à penser.

Comme Emmanuelle a une maladie rare, on a eu droit à un petit budget pour la greffe. Ça payait ma passe de stationnement et on me donnait des cartes d’épicerie et d’essence. On a atteint le montant maximal du budget en deux mois. Heureusement, on a de bonnes assurances. Un des médicaments qu’elle a pris cet été coûtait 5300 dollars. Mais même couvert à 95%, ça coûtait quand même 300 dollars!

On a été, en tout, sept semaines en isolement dans une chambre à pression négative.
Courtoisie/Catherine Dion
On a été, en tout, sept semaines en isolement dans une chambre à pression négative.

Je ne suis pas quelqu’un qui exprime beaucoup mes émotions: une de mes amies m’appelle la grosse roche! Je craque une fois de temps en temps. Et quand je craque, je craque. Je pleure et je crie. Je jongle avec des troubles de l’humeur et des troubles anxieux depuis l’âge de 12 ans. Je suis habituée de vivre avec des drames dans ma tête. Quand il arrive un vrai drame, je suis comme un peu plus préparée! Ça fait en sorte que je suis outillée pour cette tempête-là.

À travers les malheurs, on découvre aussi beaucoup d’amour et de soutien. Ma cousine Sara a mis sur pied une campagne de financement pour nous aider, mon conjoint et moi. J’étais très proche d’elle quand j’étais jeune, on a le même âge. Mais en vieillissant, nos chemins se sont séparés. Elle a décidé de m’aider de cette façon-là et on s’est aussi beaucoup fait aider avec les repas. Des proches m’ont cuisiné des petits plats que je pouvais manger à l’hôpital, parce qu’on fait le tour de la cafétéria assez vite!

Je n’ai jamais vraiment été proche de ma famille élargie, mais à travers cette épreuve-là, je me rapproche d’eux. J’ai une super grosse famille et je n’ai jamais pu en profiter pour différentes raisons. J’ai l’intention de sortir de ma coquille, de me recréer un entourage et de moins m’isoler.

La condition d’Emmanuelle n’est pas chronique. On a une ligne d’arrivée. On va arriver à cette ligne-là et on va reprendre un beat de vie normal. Prochainement, on vise de pouvoir espacer les rendez-vous à l’hôpital et de pouvoir lui enlever son cathéter. L’hiver va finir, on va peut-être avoir une chance!

C’est de moins en moins stressant, parce que son système immunitaire est de plus en plus fort. Elle est de plus en plus capable de combattre des virus par elle-même.

Je suis confiante.

La section Perspectives propose des textes personnels qui reflètent l’opinion de leurs auteurs et pas nécessairement celle du HuffPost Québec.

Propos recueillis par Florence Breton.

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