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La baisse record du CO2 lors du confinement n'aura qu'un faible impact sur le climat

Jamais, depuis que les statistiques sont fiables, une telle chute des émissions de gaz à effet de serre n'avait été enregistrée. Son insuffisance ne fait que souligner l'urgence du défi qui reste à relever.
Pour faire face au coronavirus, le monde a mis en pause une grande partie de ses transports et de son industrie, entraînant une chute sans précédent des émissions de gaz à effet de serre.
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Pour faire face au coronavirus, le monde a mis en pause une grande partie de ses transports et de son industrie, entraînant une chute sans précédent des émissions de gaz à effet de serre.

Le confinement généralisé de milliards de personnes dans le monde a réussi à contenir (pour l’instant) la propagation du coronavirus Sars-Cov2. Mais ce coup d’arrêt brutal a également stoppé net une grande partie des activités économiques et industrielles sur l’ensemble de la planète.

Derrière les conséquences sociales et économiques considérables et parfois dramatiques, on pourrait tenter de voir le bon côté des choses. La pollution a drastiquement diminué, de même que les émissions de CO2. Mais à quel point? Et cela aura-t-il un impact sur le long terme dans notre combat contre le réchauffement climatique?

Dans une étude soumise à la revue scientifique Nature, une équipe internationale de chercheurs a réalisé une analyse plus fine de la situation, en agrégeant de très nombreuses données récoltées ces derniers mois: production d’énergie, activités industrielles, activités des transports, chauffage de bâtiments, etc. Selon ces calculs, mis en ligne en attendant la validation de l’étude par Nature, les émissions de CO2 auraient baissé de 5,8% sur le premier trimestre 2020. Les principales diminutions concernent le secteur industriel, les transports routiers et la production d’énergie.

Baisse de 8,5% de janvier à avril

«Nous mettons à jour régulièrement ces données. En prenant en compte le mois d’avril également, cela représente une chute de 8,5%», explique au HuffPost Philippe Ciais, directeur de recherche au CEA et coauteur de l’étude. «Cet événement n’a pas d’équivalent, c’est inégalé par rapport à n’importe quelle baisse sur les 50 dernières années. Pour autant, au vu du confinement généralisé, il peut être surprenant que la baisse soit si faible, cela veut dire que la production a continué», note-t-il.

Mais que se passera-t-il une fois les multiples confinements levés? Quelques estimations ont déjà été réalisées. L’Agence internationale de l’énergie estime, en se basant sur les prévisions des États, qu’il y aura en 2020 8% de tonnes de CO2 émises en moins par rapport à 2019. «On peut faire des projections à la louche, mais la réalité, c’est que personne ne sait ce qui va se passer», note Philippe Ciais. Tout dépendra de l’évolution de l’épidémie et de la reprise économique.

«Ce qui est sûr, c’est que les émissions seront plus faibles, on peut tabler sur quelques pour cent», estime le chercheur.

Une chute à peine suffisante

Mais imaginons que la baisse à l’année soit bien de l’ordre de 8%. Qu’est-ce que ce chiffre représente dans notre combat pour le climat? Selon un rapport de l’ONU publié en septembre dernier, pour limiter le réchauffement à 1,5°C, les émissions de gaz à effet de serre doivent baisser de 7,6% entre 2020 et 2030... chaque année.

Et même avec l’objectif de 2°C, «on parle de baisses globales de l’ordre de 6% par an, cela permet de mettre en perspective l’ampleur du changement nécessaire», rappelle Philippe Ciais. «Même quand on arrête tout à cause de l’épidémie, finalement les émissions se réduisent seulement de la valeur qu’il faudrait tenir tous les ans.»

Et cela alors même que le monde dans lequel nous avons vécu depuis le début de l’année n’est clairement pas envisageable sur le long terme. «Cet arrêt de l’économie n’est pas soutenable, il va engager une dépense publique énorme qui parviendra à grande peine à compenser une crise sociale elle aussi énorme», note Frédéric Ghersi, chercheur du CNRS au Centre international de recherche sur l’environnement et le développement, interrogé par Le HuffPost.

Un changement plutôt qu’un simple arrêt

Comment expliquer ce décalage? Le confinement a simplement entraîné une baisse de la demande d’énergie. «Il manque le changement technique sur l’offre d’énergie. La consommation baisse, mais il n’y a pas de substitution du fossile vers les renouvelables», explique le chercheur. «Les deux sont nécessaires, il faut jouer sur les économies d’énergie et sur la substitution».

Mais en dehors de cela, l’épidémie de COVID-19 pourrait-elle tout de même avoir des conséquences à long terme sur la transition énergétique? Le confinement généralisé pourrait nous éclairer sur l’impact réel sur le climat de certains choix de société, comme le télétravail ou la livraison à domicile. Mais c’est surtout la sortie de crise qui sera décisive.

«En général, les crises économiques entraînent moins d’investissement, ce qui implique que l’intensité carbone [le rapport entre émissions de CO2 et PIB, NDLR] a tendance à stagner, car il y a moins d’investissement dans la décarbonisation», rappelle Philippe Ciais. Remplacer des centrales à charbon par des panneaux solaires coûte de l’argent et, après une crise économique, le capital est plus souvent utilisé pour relancer la croissance au global. «Comme vous avez un choc sur votre croissance, vous avez moins besoin de capacités supplémentaires», abonde Frédéric Ghersi. «Tout cela est très négatif».

Un scénario plutôt noir, mais qui n’est pas inéluctable. La relance peut aussi être orientée par les États et institutions. C’est justement le débat qui agite le monde économique actuellement. En avril, 17 ministres de l’Environnement européens ont appelé à ce que le «Green Deal» promis par la Commission en début d’année joue une place centrale dans le plan de relance post-COVID-19.

Mais seront-ils entendus? Frans Timmermans, en charge du Green Deal européen, s’en est inquiété auprès du New York Times le 9 mai. «La grande question, c’est de savoir si les politiciens vont maintenir le cap et garder les yeux sur la crise à long terme ou sur des considérations électorales à court terme.»

Ce texte a été publié originalement dans le HuffPost France.

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