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Comment l'interdisciplinarité vint aux universités, ou la revanche d'Einstein

L'innovation naît du choc des savoirs plutôt que de leur fragmentation. Voilà pourquoi les universités de partout sur la planète cherchent des manières de relier les disciplines entre elles.
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À mon initiative, l'Université de Montréal est actuellement engagée dans une large réflexion sur les modifications qu'elle pourrait apporter à son mode de fonctionnement. L'objectif : faire mieux et plus efficacement en enseignement et en recherche. Les membres de notre communauté sont en ce moment même consultés pour orienter les discussions quant à l'avenir de notre établissement. L'Université de Montréal doit se transformer. Non parce qu'elle va mal, mais parce qu'elle pourrait faire mieux ce qu'elle fait déjà très bien.

Je ne vais pas entrer dans le détail de cet exercice de transformation institutionnelle, qui relève en partie de l'administration interne. Pour quelqu'un de l'extérieur, il est certain que les réflexions que nous menons peuvent paraître bien abstraites, que ce soit sur le soutien aux étudiants, sur notre place en recherche ou sur la répartition des programmes d'études. Pour ne rien dire de la sempiternelle question de l'interdisciplinarité, qui est invoquée dans toutes les universités.

L'interdisciplinarité! Parlons-en. Le mot lui-même a quelque chose de rébarbatif, même pour des universitaires. L'appel à ce concept vient souvent confirmer, malheureusement, un préjugé tenace dans la population sur le caractère byzantin des débats qui se tiennent sur nos campus.

Et pourtant. Derrière le concept, il y a une réalité qui a beaucoup plus de prise sur notre monde qu'on ne pourrait le croire.

Quand je veux vulgariser ce que cache vraiment l'interdisciplinarité, je prends souvent l'exemple d'Albert Einstein, le père de la relativité générale dont on célèbre cette année le 100e anniversaire. La plupart de ses biographes considèrent en effet que, s'il est parvenu à élaborer sa fameuse théorie, c'est en bonne partie parce qu'il n'enseignait pas à l'université. Vous avez bien lu.

Ce qu'il faut comprendre, c'est que, au tournant du 20e siècle, l'université européenne était construite justement sur des murs disciplinaires qu'il n'était pas aisé de franchir pour un professeur. Des murs qui pouvaient exister à l'intérieur même d'une discipline, comme la physique, un domaine très campé au moment où Einstein entreprend ses travaux. Dans le coin droit, il y avait la physique des corps (M) ; dans le coin gauche, la physique de l'énergie (E). Et les deux ne se parlaient pas, pour ainsi dire. Je caricature, mais à peine.

C'est le génie d'Einstein d'avoir établi un pont au-dessus du fossé qui séparait ces deux façons de voir le monde. Il est difficile d'imaginer de nos jours ce qu'il a fallu d'audace théorique pour mettre un signe d'égalité entre E et M. Pour en arriver à une formule comme E=MC2, il fallait penser vraiment outside the box, comme on dit en anglais.

De cet épisode capital de la vie scientifique moderne, l'université a tiré quelques leçons. Elle a retenu notamment qu'il vaut mieux encourager le croisement des disciplines. Et que l'innovation naît du choc des savoirs plutôt que de leur fragmentation. Voilà pourquoi les universités de partout sur la planète cherchent des manières de relier les disciplines entre elles. Ou, à tout le moins, de rendre de tels mariages disciplinaires possibles.

Ah oui, j'allais oublier. L'université a tiré une autre leçon de la légendaire équation. Elle a engagé Einstein comme professeur : Princeton lui a ouvert grandes ses portes dès les années 1930. Et depuis, le monde universitaire a donné à la physique des moyens qui nous permettent aujourd'hui de détecter les ondes gravitationnelles, comme on l'annonçait il y a quelques semaines!

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