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L'autisme, c'est aussi devoir apprendre à gérer son énergie au quotidien

Chaque odeur, chaque changement d’éclairage et chaque bruit me coûtent de l'énergie. Quand on sait que le seul son de ma cafetière m’épuise, on peut donc s'imaginer que tout m’épuise.
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Si je comparais mon énergie disponible à un sac de billes, à mon grand malheur, le mien serait amputé de plusieurs unités, et ce, dès mon réveil. Aussi bien dire que la journée me paraitra très longue puisque je suis en déficit de billes aussitôt qu’elle commence.
Max Loyola / EyeEm via Getty Images
Si je comparais mon énergie disponible à un sac de billes, à mon grand malheur, le mien serait amputé de plusieurs unités, et ce, dès mon réveil. Aussi bien dire que la journée me paraitra très longue puisque je suis en déficit de billes aussitôt qu’elle commence.

À l'occasion de cette Journée de l'autisme, je voudrais vous faire part de l'un des aspects assez représentatifs de ce que c'est, vivre avec l'autisme.

J'ai longtemps pensé que j'étais si névrosée que cela expliquait l'insomnie qui s'abattait sur moi dès que je souhaitais dormir profondément. La vérité est que, récemment, j'ai appris, d'un spécialiste en la matière, que je suis Asperger.

Quel est le rapport entre l'insomnie et le fait d'être Asperger, me direz-vous? Eh bien, comprenez bien que je ne me spécialise pas sur la question, mais je sais que bon nombre d'Asperger souffrent d'insomnie. Suffisamment en fait pour relier directement la condition d'Asperger avec une énergie déficiente.

Cela fait des années que je compte les moutons et mes moutons sont fatigués de sauter les uns à la suite des autres lors de mes pics aigus d'insomniaque. Leur laine est moins épaisse et leurs sauts beaucoup moins hauts...

En visitant des regroupements de femmes Asperger sur les réseaux sociaux, je constate, avec effroi, que nous sommes souvent, bien malgré nous, des oiseaux de nuit. Le problème ne se situe pas là, toutefois.

Le problème se situe dans le fait que nous tentons tout de même de vivre des journées dites normales avec un manque flagrant de sommeil. L'énergie n'étant pas renouvelée, il nous est donc difficile de vivre dans ce qui est considéré comme la «normalité».

Des billes

Si je comparais mon énergie disponible à un sac de billes, à mon grand malheur, le mien serait amputé de plusieurs unités, et ce, dès mon réveil. Aussi bien dire que la journée me paraitra très longue puisque je suis en déficit de billes aussitôt qu'elle commence.

Et plus la journée avance, plus je perds les quelques billes d'énergie qu'il me reste, jusqu'à ne plus en avoir dans mon sac, comme tout le monde en général durant la journée. Mais ce qui me différencie des autres, des neurotypiques, c'est que j'en perds également beaucoup simplement en raison de l'environnement dans lequel j'évolue.

Ce qui est énergivore

Chaque odeur, chaque changement d'éclairage et chaque bruit me coûtent des billes. Quand on sait que le seul son de ma cafetière m'épuise, on peut donc s'imaginer que tout m'épuise. Et c'est sans compter les multiples interactions avec les autres!

Normalement, j'arrive en après-midi avec un seul désir en tête: celui de me déposer, de relaxer et peut-être même de faire un léger «power nap» qui, je l'espère toujours, mais en vain, viendra me régénérer pour me permettre de poursuivre ma journée.

La vérité est que je «survis» souvent à mes journées parce que je suis en déficit de billes. J'ai beau retourner mon sac à l'envers, je n'en trouve pas de supplémentaires!

Il fut un temps (il y a longtemps) où j'enviais de ma face verte de jalousie ceux et celles qui ont un sac de billes plein à rebord. Ces gens-là ont toujours de l'énergie à revendre et, souvent, ils ne comprennent pas que, moi, je n'en ai pas des masses. Je me sens décalée relativement à eux et, il n'y pas si longtemps, je me sentais coupable aussi de ne pas être comme ça.

Respecter son rythme

Cependant, depuis que je connais mieux l'Asperger et les troubles de sommeil qui y sont associés, j'ai décidé de ne plus tenter d'adopter un rythme de vie qui semble plus convenir aux autres qu'à moi-même.

Du coup, j'ai réalisé que cette guéguerre intestine que je menais en moi — parce que je me sentais responsable de mon manque d'énergie —me prenait, c'est le cas de le dire, beaucoup d'énergie. Il va sans dire que désormais, en m'acceptant tel que je suis, en me respectant et en respectant ce rythme si particulier qui est le mien, je me sens beaucoup mieux.

L'insomnie crasse que je vis en étant Asperger et ce petit, tout petit, sac de billes qui est le mien, je sais mieux comment les gérer. J'arrive maintenant à faire beaucoup plus de choses en une journée, car j'ai appris non seulement comment compter mes billes, mais j'ai aussi appris à les diviser selon mes besoins du moment. Et ce sont mes moutons qui me remercient, car je leur mets beaucoup moins de pression!

Ce texte a d'abord été publié sur le site À Coup de Plume.

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