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Quand on fait de l'arthrite à 22 ans, la souffrance est aussi psychologique

Et non, ce n'est pas une «maladie de vieux».
Jeannie Daigle, 22 ans
Courtoisie
Jeannie Daigle, 22 ans

Les propos de ce témoignage ont été recueillis par le HuffPost Québec et retranscrits à la première personne.

Souvent, quand je dis aux gens que je fais de l’arthrite, la réaction ressemble à: «Ben voyons, t’es ben jeune!» Oui, j’ai 22 ans et je souffre depuis longtemps de cette maladie invisible.

L’arthrite, c’est une maladie du système immunitaire. C’est le corps qui s’attaque à lui-même. J’ai eu mon diagnostic d’arthrite juvénile à l’âge de 14 mois. À l’époque, mon seul symptôme était de l’inflammation aux genoux. La maladie a pu être contrôlée jusqu’à mes cinq ans avec des anti-inflammatoires, puis j’ai pu arrêter la médication, je n’avais plus de douleurs.

J’ai eu une rechute à l’âge de 16 ans. La douleur, un peu partout dans mon corps, a recommencé. J’avais de la difficulté à marcher, je ne m’endurais pas. J’étais fatiguée d’avoir mal. Ça a été une période très difficile pour moi, au point où j’ai fait une dépression majeure.

C’était particulièrement pénible de devoir composer avec cette maladie chronique au secondaire, j’aurais aimé être comme tout le monde. Le regard et le jugement des autres m’affectaient énormément. Quand on est ado, on aime ça aller à des partys. Prendre un verre d’alcool, ça a toujours été correct. Mais comme l’alcool est un inflammatoire, prendre trois verres peut faire en sorte que le lendemain, j’ai de grosses douleurs.

J’étais une adolescente très sportive: je faisais du soccer, du frisbee, du ski, du karaté... Si je me donnais un peu trop, je pouvais être carrément sur le dos les heures suivantes ou le lendemain. Évidemment, avec la rechute, j’ai dû prendre une pause pour me remettre sur pied. Arrêter le sport a été très difficile, je pense que ça a eu un grand impact dans ma dépression.

J’ai consulté une psychologue, mais je sentais qu’elle ne tenait pas compte du fait que je faisais de l’arthrite, que ça faisait en sorte que j’avais beaucoup de douleur et que je ne voulais plus aller à l’école. Cette thérapeute m’a dit qu’elle croyait que j’avais une phobie de l’école. Moi, je savais que ce n’était pas ça. L’arthrite, c’est une maladie chronique, ce n’est pas rien!

Depuis cet épisode-là, c’est ma rhumatologue, qui fait une grande différence dans ma vie, qui m’a prise en charge. Tant aux plans physique que psychologique. Elle m’a toujours fait sentir que je pourrais faire ce que je veux dans la vie.

“Je vais probablement devoir vivre avec cette condition pour toujours.”

J’ai finalement eu des cours allégés pour finir mon secondaire. J’ai donc suivi les cours de base qui m’ont permis d’avoir mon diplôme tout en ayant la possibilité de me reposer. Malgré tout, la maladie ne m’a jamais empêchée d’atteindre mes objectifs. J’ai étudié en soins infirmiers au cégep, en quatre ans au lieu de trois, mais j’ai quand même réussi.

Heureusement, il existe des traitements, des perfusions - de la médication par intraveineuse - qui permettent de diminuer significativement la douleur. Pour ma part, j’ai des perfusions à toutes les trois semaines. Il y a tout de même des journées, où, sans explication, je peux avoir vraiment mal, malgré les traitements. Beaucoup de jeunes atteints d’arthrite juvénile n’ont plus de symptômes à l’adolescence et la maladie est derrière eux. Pour ma part, je vais probablement devoir vivre avec cette condition pour toujours.

Mon vécu me permet d’être particulièrement sensible aux souffrances des patients qui sont atteints d’arthrite, d’arthrose ou d’autres maladies chroniques.
Courtoisie
Mon vécu me permet d’être particulièrement sensible aux souffrances des patients qui sont atteints d’arthrite, d’arthrose ou d’autres maladies chroniques.

En grandissant, j’ai passé beaucoup de temps dans les hôpitaux pour recevoir mes traitements. Voir les infirmières s’occuper de leurs patients m’a donné envie d’exercer ce métier-là. J’adore mon travail, je ne pourrais pas m’en passer. Je suis immunosupprimée à cause de mes traitements et avec la COVID-19, je ne peux plus travailler pour le moment. Heureusement, j’ai repris mes cours à l’université en sciences infirmières, donc ça m’occupe. Cet été, par contre, ça a été difficile de ne pas pouvoir travailler, j’aurais aimé pouvoir contribuer pendant la pandémie. Ce genre de limitation qu’entraîne ma maladie, c’est frustrant.

Mon vécu me permet d’être particulièrement sensible aux souffrances des patients qui sont atteints d’arthrite, d’arthrose ou d’autres maladies chroniques. J’arrive à leur proposer plusieurs alternatives quand ils ont mal, et quand j’ai le temps, je peux les aider à faire de la méditation parce que je sais que ça peut être aidant quand on est en douleur.

Il m’est arrivé de me retrouver dans des situations où certaines personnes ont voulu décider pour moi de ce dont j’étais capable ou non. Par exemple, j’ai voulu être préposée aux bénéficiaires au début de mes études en soins infirmiers. Je devais partager mes conditions de santé dans un formulaire et je n’ai pas été acceptée - contrairement à tous les autres étudiants de mon programme - une décision très difficile à avaler. Je ne me suis pas laisser arrêter par ce refus. Je sais que j’aurais été capable: aujourd’hui, à l’hôpital, quand il manque de préposés, je les aide à faire la toilette des patients, à distribuer les repas, à changer des culottes, etc.

“Avoir vécu une dépression a fait en sorte que je veux aider d’autres personnes pour ne pas qu’elles se rendent aussi loin dans la souffrance.”

Ma maladie est une source de souffrance physiques et psychologiques, mais j’ai toujours eu la chance d’être bien entourée. Je considère que c’est grâce à mes parents et à ma rhumatologue si j’ai pu me rendre à l’université en sciences infirmières. Maintenant, je veux redonner ce que j’ai reçu. J’ai suivi une formation à la Société de l’arthrite, une ressource précieuse dans mon parcours, pour être paire aidante auprès de d’autres personnes atteintes par la maladie. Avoir vécu une dépression a fait en sorte que je veux aider d’autres personnes pour ne pas qu’elles se rendent aussi loin dans la souffrance, et je souhaite aussi les soutenir grâce à mes connaissances comme infirmière.

Je ne veux pas me laisser arrêter par mon arthrite. J’ai espoir quand je pense au futur parce que je sais qu’il y a de la recherche et de nouveaux médicaments qui arrivent sur le marché. Avec les traitements auxquels j’ai accès, je pourrais très bien vivre jusqu’à 100 ans.

La section Perspectives propose des textes personnels qui reflètent l’opinion de leurs auteurs et pas nécessairement celle du HuffPost Québec.

Propos recueillis par Florence Breton.

À l’occasion du Mois de l’arthrite, la Société de l’arthrite a lancé une campagne pour récolter un million de dollars en dons, via le site Web de l’organisme ou des activités de levée de fond.

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