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L'art et la manière de régner en politique provinciale ou municipale

Voilà en 11 points l'art de la ligne juste qui saura, à court ou moyen terme, apporter des dividendes à un chef et son parti qui s'y adonne avec sérieux et conviction... Ce qui ne veut pas dire d'avoir des convictions, celles-ci étant plutôt un handicap dans l'application de ce manuel.
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Machiavel, au début du 16e siècle, écrivit un guide à l'usage du Prince pour qu'il puisse conserver ses États, mais aussi les agrandir et connaître la grandeur, voire même unir l'Italie sous son seul pouvoir et y ramener la stabilité, minée par les incessantes invasions d'armées étrangères. À la suite de Machiavel, je me propose aussi, bien modestement, d'écrire mon petit manuel de politique pratique à l'usage du chef et de son parti politique. De manière générale, aux guerres de succession et d'annexion ont succédé des processus institutionnalisés de maintien et de transmission du pouvoir qu'on appelle élections générales. Plus besoin d'empoisonner le duc de Milan, François Sforza, ou de mettre son armée en déroute, il faut plutôt séduire l'opinion publique (lire : les sondages et les journalistes) et convaincre suffisamment d'électeurs à mettre un petit bout de papier, avec le « X » à la bonne place, dans une boîte de carton.

Dans les régimes politiques représentatifs (à ne pas confondre avec la démocratie), un guide du Prince deviendra donc un guide à l'usage du chef et de sa formation politique pour les aider à trouver la bonne ligne de communication politique. Comme l'objectif ultime est la formation d'un gouvernement majoritaire, qui nous procurera collectivement la stabilité politique et économique tout en rassurant les investisseurs, je me propose ici de résumer en quelques points la ligne juste que devra défendre un chef et son parti aspirant au pouvoir :

1. Pour les sondages défavorables : il faut déclarer publiquement qu'on ne les consulte pas et critiquer les autres partis, sans substance et imbus de pouvoir, qui prennent seulement position sur des enjeux jouissant de la faveur des sondages.

2. Pour les sondages favorables : il faut trouver tous les moyens d'en parler : en point de presse, en aparté avec les journalistes, etc. Il faut vanter le bon travail des sondeurs et dire à quel point leur travail est une contribution positive à la « démocratie » en faisant connaître la « volonté » de l' « opinion publique ». Il faut rappeler que ces sondages récompensent le travail de terrain et la proximité de notre parti avec la population, contrairement aux autres vieux partis déconnectés.

3. Si le premier ministre refuse de déclencher des élections, alors qu'il tergiversait sur la question et que les sondages nous favorisent, il faut souligner qu'il n'a plus la confiance de la population et qu'il a peur d'affronter son jugement électoral.

4. Si le premier ministre déclenche des élections inattendues, alors que les sondages nous sont défavorables, il faut dire que ce dernier, par pur opportunisme et soif de pouvoir, impose une élection à la population qui n'en veut pas. Mais aussi, dans un contexte où les finances publiques sont précaires, il faut rappeler que le premier ministre gaspille 300 millions de l'argent des honnêtes contribuables.

5. Si le premier ministre défend son bilan pendant la campagne en mentionnant ses indicateurs économiques favorables, comme la stabilité du marché du travail et le contrôle des finances publiques, il faut rappeler les coupures massives dans les programmes sociaux, la montée criante des inégalités, etc.

6. Si le premier ministre vante ses programmes sociaux ambitieux et l'amélioration substantielle des indicateurs bien-être socioéconomiques, il faut souligner la croissance de la dette publique, la décote possible de l'État auprès des agences de notation, l'alourdissement massif de la guillotine fiscale sur la tête des honnêtes contribuables qui se lèvent tous les matins pour aller travailler et, corollairement, la fuite des investisseurs.

7. Si le parti politique qui est premier dans les sondages est favorisé par des enjeux précis (les questions sociales comme l'éducation), il faut alors tout faire pour ramener le débat public sur les enjeux qui nous avantagent (les questions économiques comme la croissance économique) au risque d'être évacué de l'écran radar médiatique, donc d'être hors jeu. Un bon moyen de recentrer le débat sur nos enjeux est, d'abord, de souligner que le parti qui parle de questions sociales est irresponsable fiscalement. Puis, il faut trouver un rapport d'un institut de « recherche » sérieux et crédible (comme l'Institut économique de Montréal) qui avancera que la politique sociale du premier parti menace l'État de la pire catastrophe économique et budgétaire. Ici est reprise l'idée d'un autre conseiller du Prince, Sun Tzu, qui, dans l'Art de la guerre, recommande de livrer bataille sur un terrain qui nous avantage.

8. Le thème à la mode étant le changement (depuis l'élection de John F. Kennedy en 1960), il faut donc y recourir, mais renouveler le moyen de l'invoquer pour que « ça fasse vrai ». C'est dire qu'une approche grossière est à proscrire, comme celle de la candidate à la mairie de Montréal dont le nom de parti est « Le vrai changement pour Montréal. Groupe Mélanie Joly ». Un moyen plus subtil est, par exemple, de ne pas recourir à la publicité électorale, comme le fait le candidat à la mairie, Denis Coderre. Il ne suffit de proposer de vrais changements, comme le parti municipal Projet Montréal, il faut que l' « opinion publique » soit convaincue que l'on incarne le changement.

9. Jouer la carte de la simplicité, de la modestie et de la bonhommie permet une plus grande proximité avec l'électorat et est gage de gains électoraux importants. On peut penser à Maurice Duplessis, René Lévesque, Jean Chrétien, Denis Coderre, etc.

10. Éviter de s'entourer de personnalités trop fortes qui dériveront de la ligne de communication politique, ou d'imbéciles qui la réciteront comme une cassette.

11. Advenant une courte défaite électorale, il faut dire que le parti gagnant a su séduire la population par ses fausses promesses électorales et qu'il reste sous surveillance. Il s'agit ici de préparer le terrain pour une prochaine élection. Si le parti au pouvoir est minoritaire, il faut faire de l'obstruction subtile pour ensuite dire que le premier ministre ne fait avancer aucun dossier.

Voilà en 11 points l'art de la ligne juste qui saura, à court ou moyen terme, apporter des dividendes à un chef et son parti qui s'y adonne avec sérieux et conviction... Ce qui ne veut pas dire d'avoir des convictions, celles-ci étant plutôt un handicap dans l'application de ce manuel.

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